Toute histoire commence un jour, quelque part.
Mais l'on ne sait ni où, ni quand notre histoire commencera.
J'avais froid. Et une migraine affreuse. Surtout froid.
Au loin, le soleil était monté timidement au dessus de l'horizon.
Je remontai mes lunettes embuées, tout en me mouchant discrètement dans mon gant de laine. Les phares du bus apparurent dans le coin de ma vision et miraculeusement, j'y trouvai une dernière place assise. Bien sûr, je ne tarderai pas à la remettre à quelconque femme enceinte ou vieillard au prochain arrêt, mais, pour quelque minutes, ce siège était mien et mes jambes étaient plus ou moins reposées. Le bus démarra, nous secouant à chaque ralentisseur à cause de ses amortisseurs vieillis.
Arrêt d'après, cela ne rata pas; un jeune homme à la jambe emplâtré n'eut même pas à me demander quoi que ce soit que déjà je m'étais levée et je m'étais raccrochée à la barre, culpabilisant un peu d'y poser mon gant imbibé de morve.
Distraitement, je scrutais les formes que laissaient apparaître les vitres embuées. Je réussi à reconnaître ce que représentait chaque forme nébuleuse. Toujours les même paysage, de la même ville, de toutes manières.
Je fus tirée de ma rêverie assez vivement.
Une personne m'avait bousculée et l'amortisseur défectueux acheva de me faire tomber à la renverse.
-Excusez-moi mademoiselle.
Mon coccyx était douloureux.
-Relevez-vous.
Dégageant mes cheveux bouclés de devant mes yeux, je croisai son regard. Puis m'y perdis. Tremblant légèrement, je saisis sa main tendue. Ses lèvres saillantes affichaient un petit sourire embarrassé.
Sa poigne était forte, ferme, mais pourtant il me releva gracieusement.
Avec toujours autant de douceur, il me remit mon bonnet en place et s'empressa de sortir du bus, s'excusant encore.
Non, ce n'était pas une histoire d'amour.
Une demi-dizaine de minutes je descendis du bus, un arrêt avant le mien, décidant de marcher un peu, bravant l'air matinal. Un nuage blanc s'échappait de ma bouche. A mesure que j'avançai, je m'abreuvais des vitrines colorées et bruyantes de noël.
Assez surmenée par toutes ces stimulations, je levai la tête au ciel. Une structure géométrique lumineuse apparut entre les nuages. Je clignai des yeux. Elle disparut.
Non, ce n'était pas une histoire d'extraterrestres.
Je passai par la grande place et, me frayant un chemin à travers la foule, j'assistai au spectacle d'un magicien de rue. Il fit apparaître, disparaître, tournoyer, transmuter toutes sortes de cartes, dans tous les sens.
Je fus même choisie comme volontaire pour l'un des tour, mais ce fut là qu'un jeune homme boutonneux se racla la gorge et expliqua chaque tour un par un.
La carte s'échappa de mes mains, de déception.
Non, ce n'était pas une histoire fantastique, même pas pour de faux.
M'extrayant de la foule qui se dissipai, je pris mon téléphone qui n'affichait jamais rien d'autre que l'heure et la météo et y jetai un coup d'œil.
J'étais en retard. Je ne me pressai pas pour autant, continuant ma promenade et pointant 10 minutes trop tard au café où je travaillai.
Mon patron, gras et mou, ne fit que hausser les épaules, me disant d'enfiler mon tablier dès que je le pouvais.
Je passai dans l'arrière boutique où je nettoyai longuement mes mains avant de mettre mon tablier et d'épingler le badge affichant mon prénom.
Le café était e vide, le jukebox vieilli passait "Girls Just Want To Have Fun" en boucle. Assise sur un tabouret, j'observai l'environnement que j'avais vu presque chaque jour depuis les trois dernières années. Surchauffé, doté de sièges de cuir vieilli et de tables basses, parquet de chêne, lumière tamisé, carillon accueillant, ce café était tout ce qu'il y a de plus confortable en cette froide journée de décembre.
Pourtant, les gens arrivaient au compte-goutte. Et je devais supporter les blagues de mon patron.
Et clairement, non, ce n'était pas une comédie.
Il finit par sortir à 10 heure, me laissant seule assurer le service.
Quelques minutes plus tard un cinquantenaire fit sonner le carillon. Il commanda un café noir sans sucre et s'enfonça dans l'un des sièges en cuir. Malgré la chaleur, il garda son manteau et son chapeau, puis dépliant bruyamment son journal, il sirota doucement sa commande. Chaque cinq minutes, il demanda l'heure.
Au bout de trois cafés ingurgités, je tentai une blague.
-Vous avez tant besoin d'un alibi, pour demander autant l'heure ?
-Non, répondit-il sans quitter les yeux du journal, je dois assister à un enterrement. Il leva les yeux de son journal. Je ne pense pas que cela soit poli d'arriver en retard à celui de son père.
Encore une fois, ce n'était pas une comédie.
Lorsqu'il sortit, au bout de 4 cafés, une dame fit à son tour sonner le carillon. Elle nageait dans un grand manteau de fourrure qu'elle retira, dévoilant un chemisier imprimé de fin motifs.
S'asseyant à la table la plus proche du comptoir, elle lança d'un ton doucereux:
-Un capuccino ma chérie.
Je la sentis me scruter à mesure que j'exécutai sa commande.
-Vous êtes très mince, ma cher.
-Merci.
Je sentis mon œsophage me bruler à l'écoute de qu'était surement un compliment. Je ne pus m'empêcher de ne pas la croire totalement.
-Et j'aime... comment dire. J'aime beaucoup le concept de vos cheveux. Lâcha-t-elle pendant que je posais le capuccino sur la table. Ah, et ajoutez moi un de ces cookies, je vous pris.
Esquissant un sourire, je déposai un cookie froid et synthétique sur sa table.
-Vous savez. Lança-t-elle entre deux gorgées. Je m'occupe souvent de top model. J'aime beaucoup votre... concept.
Je sentis mes oreilles se dresser sur les côtés de la tête. Mon coeur manqua un battement.
-Mais.
Ma mâchoire trembla. Je la regardai. Elle continua à chercher ses mots.
-Il vous manque quelque chose ma chérie. Elle acheva son cookie. Vous feriez bien, de le chercher. Dommage. Elle remis son manteau. Vraiment, dommage.
Non, ce n'était pas une histoire de mannequinat.
J'eu au moins droit à un généreux pourboire.
Quelques clients ordinaires se suivirent puis, à l'heure du déjeuner, lorsque tout le monde mangeait autre part, un client beaucoup moins ordinaire pénétra.
Il sursauta au bruit du carillon puis se raidit avant de se diriger doucement vers le comptoir devant lequel il s'assit, les jambes écartées.
-Un soda. Dit-il d'une voix rauque, sans préambule. C'que vous avez. N'importe quoi. Il tripota nerveusement sa casquette.
J'en profitai pour lui donner une canette aux fruit des bois, la moins vendue. Il en but quelques gorgées avant de lâcher:
-On m'a dit que tu travaillais souvent ici.
-En effet.
-Donc t'es souvent ici ?
Il me lança un regard lourd, comme s'il attendait de moi que je devine ce qu'il voulait.
-Logiquement, oui.
-D'accord.
Il regarda ailleurs et continua à boire sa canette.
-Bon, ma jolie. Je te propose quelque chose.
Il regarda autour de lui suspicieusement avant d'ouvrir sa veste de survêtement.
-Tu auras rien à voir avec cette partie là de l'affaire.
Il recommença avec son regard lourd, mais cette fois-ci, je compris bel et bien. Il me montrait un sac rempli de poudre blanche placé dans une couture de l'intérieur de sa veste.
-Par contre, je veux déposer du fric ici. Tu le caches à ton boss, on m'a dit que c'était un con. Quelqu'un d'autre vient le prendre quelques heures après. T'auras ta part.
Ma bouche s'ouvrit et se ferma plusieurs fois avant que je ne réussisse à formuler une réponse.
-Non merci.
-Tu parles, t'es morte.
Il m'insulta en renversant ce qui restait de sa canette et sortit en claquant la porte.
Ce n'était pas une histoire de gang.
Au début d'après midi, mon patron revint et s'assit dans son coin de comptoir, regardant une série sur son Smartphone.
-En fait, j'aimerais ouvrir le 31 soir. Quelque chose de prévu ?
-Rien. Je viendrai.
-Super.
Doucement, je continuai à nettoyer les quelques traces collantes laissées par le soda renversé.
Non, il n y avait pas d'histoire de soirée.
Apparemment le soda aux fruits des bois était le plus difficile à nettoyer.
Un policier en civil entra et se dirigera vers le comptoir, nous tendant après une courte introduction une photo et nous demandant si l'on avait vu l'individu représenté dessus.
Mon patron saisit la photo, la regarda longuement sous toutes les coutures, baissant et remontant ses lunettes, juste pour être sûr avant de conclure que non, esquissant une grimace grotesque.
Moi, si, je le reconnus. Il avait été là quelques heures plus tôt.
-Non, jamais vu. Lançai-je avant de continuer à essuyer les traces de la personne recherchée.
-Merci. Lança-t-il d'un ton dur. Contactez la police si vous avez quelconque information. Ajouta-t-il presque mécaniquement.
Il sortit.
Non, ce n'était pas une histoire policière.
L'après midi, le café fut beaucoup plus peuplé et c'était presque fatiguée que je rentrai chez moi, prenant le bus à mon arrêt habituel cette fois-ci, ne me sentant pas de promener sous la pluie à 18h.
A peu près une demi heure plus tard, je tapai le digicode de l'entrée de mon immeuble.
Un coup d'œil machinal à ma boite au lettre me montra que pour une fois, elle renfermait autre chose qu'une facture.
Une épaisse enveloppe. Elle contenait une longue lettre surement. Des timbres étrangers la recouvrait de toute part. Et quelques cœurs aussi.
Pendant un instant, un très court instant je m'offris le luxe de rêver. Cette lettre m'était destiné. Chaque mot m'avait été offert, comme gage d'affection. Et j'y répondrai, avec tout autant de passion.
Et il me répondrait.
Et je lui répondrai.
Et nous parlerions, nous échangerions notre amour malgré la distance.
Avec amertume, je lus l'adresse et je déposai la lettre dans la boite de ma voisine.
J'y repensai encore quand je me laissais tomber sur mon canapé poussiéreux, j'avais encore en tête sa texture. Son poids. Mais elle n'était pas à moi.
Non ce n'était pas une histoire épistolaire.
Je bavais presque en regardant le programme télévisé abrutissant dont ils nous abreuvaient. Je n'allais pas manger. Je n'avais pas faim. Jamais faim....
Ce n'était jamais une histoire de quoi que ce soit.
Il n y avait pas "notre" histoire à attendre.
Ce n'était que la vie.
Et la vie, au début on nait.
A la fin, on meurt.
Et entre les deux, il ne se passe rien.
Mais l'on ne sait ni où, ni quand notre histoire commencera.
J'avais froid. Et une migraine affreuse. Surtout froid.
Au loin, le soleil était monté timidement au dessus de l'horizon.
Je remontai mes lunettes embuées, tout en me mouchant discrètement dans mon gant de laine. Les phares du bus apparurent dans le coin de ma vision et miraculeusement, j'y trouvai une dernière place assise. Bien sûr, je ne tarderai pas à la remettre à quelconque femme enceinte ou vieillard au prochain arrêt, mais, pour quelque minutes, ce siège était mien et mes jambes étaient plus ou moins reposées. Le bus démarra, nous secouant à chaque ralentisseur à cause de ses amortisseurs vieillis.
Arrêt d'après, cela ne rata pas; un jeune homme à la jambe emplâtré n'eut même pas à me demander quoi que ce soit que déjà je m'étais levée et je m'étais raccrochée à la barre, culpabilisant un peu d'y poser mon gant imbibé de morve.
Distraitement, je scrutais les formes que laissaient apparaître les vitres embuées. Je réussi à reconnaître ce que représentait chaque forme nébuleuse. Toujours les même paysage, de la même ville, de toutes manières.
Je fus tirée de ma rêverie assez vivement.
Une personne m'avait bousculée et l'amortisseur défectueux acheva de me faire tomber à la renverse.
-Excusez-moi mademoiselle.
Mon coccyx était douloureux.
-Relevez-vous.
Dégageant mes cheveux bouclés de devant mes yeux, je croisai son regard. Puis m'y perdis. Tremblant légèrement, je saisis sa main tendue. Ses lèvres saillantes affichaient un petit sourire embarrassé.
Sa poigne était forte, ferme, mais pourtant il me releva gracieusement.
Avec toujours autant de douceur, il me remit mon bonnet en place et s'empressa de sortir du bus, s'excusant encore.
Non, ce n'était pas une histoire d'amour.
Une demi-dizaine de minutes je descendis du bus, un arrêt avant le mien, décidant de marcher un peu, bravant l'air matinal. Un nuage blanc s'échappait de ma bouche. A mesure que j'avançai, je m'abreuvais des vitrines colorées et bruyantes de noël.
Assez surmenée par toutes ces stimulations, je levai la tête au ciel. Une structure géométrique lumineuse apparut entre les nuages. Je clignai des yeux. Elle disparut.
Non, ce n'était pas une histoire d'extraterrestres.
Je passai par la grande place et, me frayant un chemin à travers la foule, j'assistai au spectacle d'un magicien de rue. Il fit apparaître, disparaître, tournoyer, transmuter toutes sortes de cartes, dans tous les sens.
Je fus même choisie comme volontaire pour l'un des tour, mais ce fut là qu'un jeune homme boutonneux se racla la gorge et expliqua chaque tour un par un.
La carte s'échappa de mes mains, de déception.
Non, ce n'était pas une histoire fantastique, même pas pour de faux.
M'extrayant de la foule qui se dissipai, je pris mon téléphone qui n'affichait jamais rien d'autre que l'heure et la météo et y jetai un coup d'œil.
J'étais en retard. Je ne me pressai pas pour autant, continuant ma promenade et pointant 10 minutes trop tard au café où je travaillai.
Mon patron, gras et mou, ne fit que hausser les épaules, me disant d'enfiler mon tablier dès que je le pouvais.
Je passai dans l'arrière boutique où je nettoyai longuement mes mains avant de mettre mon tablier et d'épingler le badge affichant mon prénom.
Le café était e vide, le jukebox vieilli passait "Girls Just Want To Have Fun" en boucle. Assise sur un tabouret, j'observai l'environnement que j'avais vu presque chaque jour depuis les trois dernières années. Surchauffé, doté de sièges de cuir vieilli et de tables basses, parquet de chêne, lumière tamisé, carillon accueillant, ce café était tout ce qu'il y a de plus confortable en cette froide journée de décembre.
Pourtant, les gens arrivaient au compte-goutte. Et je devais supporter les blagues de mon patron.
Et clairement, non, ce n'était pas une comédie.
Il finit par sortir à 10 heure, me laissant seule assurer le service.
Quelques minutes plus tard un cinquantenaire fit sonner le carillon. Il commanda un café noir sans sucre et s'enfonça dans l'un des sièges en cuir. Malgré la chaleur, il garda son manteau et son chapeau, puis dépliant bruyamment son journal, il sirota doucement sa commande. Chaque cinq minutes, il demanda l'heure.
Au bout de trois cafés ingurgités, je tentai une blague.
-Vous avez tant besoin d'un alibi, pour demander autant l'heure ?
-Non, répondit-il sans quitter les yeux du journal, je dois assister à un enterrement. Il leva les yeux de son journal. Je ne pense pas que cela soit poli d'arriver en retard à celui de son père.
Encore une fois, ce n'était pas une comédie.
Lorsqu'il sortit, au bout de 4 cafés, une dame fit à son tour sonner le carillon. Elle nageait dans un grand manteau de fourrure qu'elle retira, dévoilant un chemisier imprimé de fin motifs.
S'asseyant à la table la plus proche du comptoir, elle lança d'un ton doucereux:
-Un capuccino ma chérie.
Je la sentis me scruter à mesure que j'exécutai sa commande.
-Vous êtes très mince, ma cher.
-Merci.
Je sentis mon œsophage me bruler à l'écoute de qu'était surement un compliment. Je ne pus m'empêcher de ne pas la croire totalement.
-Et j'aime... comment dire. J'aime beaucoup le concept de vos cheveux. Lâcha-t-elle pendant que je posais le capuccino sur la table. Ah, et ajoutez moi un de ces cookies, je vous pris.
Esquissant un sourire, je déposai un cookie froid et synthétique sur sa table.
-Vous savez. Lança-t-elle entre deux gorgées. Je m'occupe souvent de top model. J'aime beaucoup votre... concept.
Je sentis mes oreilles se dresser sur les côtés de la tête. Mon coeur manqua un battement.
-Mais.
Ma mâchoire trembla. Je la regardai. Elle continua à chercher ses mots.
-Il vous manque quelque chose ma chérie. Elle acheva son cookie. Vous feriez bien, de le chercher. Dommage. Elle remis son manteau. Vraiment, dommage.
Non, ce n'était pas une histoire de mannequinat.
J'eu au moins droit à un généreux pourboire.
Quelques clients ordinaires se suivirent puis, à l'heure du déjeuner, lorsque tout le monde mangeait autre part, un client beaucoup moins ordinaire pénétra.
Il sursauta au bruit du carillon puis se raidit avant de se diriger doucement vers le comptoir devant lequel il s'assit, les jambes écartées.
-Un soda. Dit-il d'une voix rauque, sans préambule. C'que vous avez. N'importe quoi. Il tripota nerveusement sa casquette.
J'en profitai pour lui donner une canette aux fruit des bois, la moins vendue. Il en but quelques gorgées avant de lâcher:
-On m'a dit que tu travaillais souvent ici.
-En effet.
-Donc t'es souvent ici ?
Il me lança un regard lourd, comme s'il attendait de moi que je devine ce qu'il voulait.
-Logiquement, oui.
-D'accord.
Il regarda ailleurs et continua à boire sa canette.
-Bon, ma jolie. Je te propose quelque chose.
Il regarda autour de lui suspicieusement avant d'ouvrir sa veste de survêtement.
-Tu auras rien à voir avec cette partie là de l'affaire.
Il recommença avec son regard lourd, mais cette fois-ci, je compris bel et bien. Il me montrait un sac rempli de poudre blanche placé dans une couture de l'intérieur de sa veste.
-Par contre, je veux déposer du fric ici. Tu le caches à ton boss, on m'a dit que c'était un con. Quelqu'un d'autre vient le prendre quelques heures après. T'auras ta part.
Ma bouche s'ouvrit et se ferma plusieurs fois avant que je ne réussisse à formuler une réponse.
-Non merci.
-Tu parles, t'es morte.
Il m'insulta en renversant ce qui restait de sa canette et sortit en claquant la porte.
Ce n'était pas une histoire de gang.
Au début d'après midi, mon patron revint et s'assit dans son coin de comptoir, regardant une série sur son Smartphone.
-En fait, j'aimerais ouvrir le 31 soir. Quelque chose de prévu ?
-Rien. Je viendrai.
-Super.
Doucement, je continuai à nettoyer les quelques traces collantes laissées par le soda renversé.
Non, il n y avait pas d'histoire de soirée.
Apparemment le soda aux fruits des bois était le plus difficile à nettoyer.
Un policier en civil entra et se dirigera vers le comptoir, nous tendant après une courte introduction une photo et nous demandant si l'on avait vu l'individu représenté dessus.
Mon patron saisit la photo, la regarda longuement sous toutes les coutures, baissant et remontant ses lunettes, juste pour être sûr avant de conclure que non, esquissant une grimace grotesque.
Moi, si, je le reconnus. Il avait été là quelques heures plus tôt.
-Non, jamais vu. Lançai-je avant de continuer à essuyer les traces de la personne recherchée.
-Merci. Lança-t-il d'un ton dur. Contactez la police si vous avez quelconque information. Ajouta-t-il presque mécaniquement.
Il sortit.
Non, ce n'était pas une histoire policière.
L'après midi, le café fut beaucoup plus peuplé et c'était presque fatiguée que je rentrai chez moi, prenant le bus à mon arrêt habituel cette fois-ci, ne me sentant pas de promener sous la pluie à 18h.
A peu près une demi heure plus tard, je tapai le digicode de l'entrée de mon immeuble.
Un coup d'œil machinal à ma boite au lettre me montra que pour une fois, elle renfermait autre chose qu'une facture.
Une épaisse enveloppe. Elle contenait une longue lettre surement. Des timbres étrangers la recouvrait de toute part. Et quelques cœurs aussi.
Pendant un instant, un très court instant je m'offris le luxe de rêver. Cette lettre m'était destiné. Chaque mot m'avait été offert, comme gage d'affection. Et j'y répondrai, avec tout autant de passion.
Et il me répondrait.
Et je lui répondrai.
Et nous parlerions, nous échangerions notre amour malgré la distance.
Avec amertume, je lus l'adresse et je déposai la lettre dans la boite de ma voisine.
J'y repensai encore quand je me laissais tomber sur mon canapé poussiéreux, j'avais encore en tête sa texture. Son poids. Mais elle n'était pas à moi.
Non ce n'était pas une histoire épistolaire.
Je bavais presque en regardant le programme télévisé abrutissant dont ils nous abreuvaient. Je n'allais pas manger. Je n'avais pas faim. Jamais faim....
Ce n'était jamais une histoire de quoi que ce soit.
Il n y avait pas "notre" histoire à attendre.
Ce n'était que la vie.
Et la vie, au début on nait.
A la fin, on meurt.
Et entre les deux, il ne se passe rien.