Une collection particulière

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Extrait d'une confession d'un condamné à mort à son avocat

Je n'ai pas toujours eu cette capacité. Celle de voir les fantômes. Je n'ai été capable de les voir qu'une fois que j'ai commis mon premier meurtre. Je m'en souviens comme si c'était hier. La petite Laura... Elle était si mignonne. Les cheveux blonds, bouclés. Un visage d'ange, toujours souriant. Une adolescente qui croquait la vie à pleines dents. Je l'ai suivie alors qu'elle rentrait du lycée, et je l'ai attrapée dans le petit parc qu'elle traversait pour se rendre chez elle. Je l'ai emmenée dans un coin sombre, avant de l'égorger et de l'enterrer dans un coin de ce même parc. C'était mon premier meurtre, et j'avais quand même assuré parce que jusqu'à maintenant personne n'a jamais retrouvé son corps.

Et c'est peu de temps après que je l'ai vu. Son fantôme. Il était transparent, silencieux. Il se tenait au pied de mon lit et ne faisait rien d'autre que me regarder avec un air inquisiteur. Bien sûr, j'étais mort de trouille au début. Je pensais qu'elle était là pour se venger, pour me hanter, ou bien me pousser au suicide, d'une manière ou d'une autre. Mais elle restait là, sans rien faire. Elle me regardait fixement, tout le temps. J'ai bien essayé de m'en débarrasser, avec du gros sel, de l'acier, comme dans les films, mais rien à faire, elle était intangible. Je ne pouvais pas la toucher, et elle ne pouvait pas me toucher. Finalement, ce n'était qu'un fardeau qui me suivait. Peut-être espérait-elle que j'aie des remords, qu'elle me ferait avoir des cas de conscience ? Mais, malheureusement pour elle, je n'en avais aucune, de conscience.

Au contraire, j'avais bien envie d'ajouter quelques fantômes à ma collection, donc j'ai commencé à chercher d'autres victimes. Comme cet homosexuel de trente-deux ans que j'avais trouvé grâce à un site de rencontres. Après l'avoir attiré à l'écart dans une ruelle, je l'ai éventré et laissé pourrir là. C'était ma première victime connue, celle qui a lancé ma légende. Celle du « Tueur de Minuit », puisque j'avais l'habitude de tuer mes victimes pile à cette heure-là.

Comme prévu, en me réveillant, je n'avais pas un fantôme, mais deux. À côté de Laura se tenait le fantôme de ma victime de la veille, avec la même expression sur le visage. Cette expression que j'allais voir sur de plus en plus de visages, car je n'étais pas près de m'arrêter en si bon chemin.

J'ai donc continué à tuer, de plus en plus souvent, de plus en plus parfaitement. Et ma collection de fantômes grandissait de jour en jour. C'était presque une petite armée qui me suivait partout, en me fixant du regard. Ah ! si les autres avaient pu voir ce que je voyais... Chaque visage était un hymne à ma gloire, à mon œuvre. Chaque visage me rappelait le soir où je l'avais assassiné. Je vivais les plus beaux jours de ma courte vie.

Mais un événement a tout fait basculer. Quelqu'un avait eu la bonne idée d'imiter mon modus operandi, il tuait des gens de la même manière que moi. Mais ses victimes, il ne les choisissait pas au hasard, car il suivait mes pas. Il tuait des personnes de la même famille que mes victimes. Leur oncle, leur père, leur mère, leur sœur... Jusqu'à ce que je le retrouve. Il avait tout d'un fan inconditionnel. Il m'a même demandé un autographe... que je lui ai bien sûr signé... avec son propre sang. Et ce qui est intéressant, ce n'est pas ce copycat minable, mais ce qui s'est passé après. Au matin, son fantôme avait bien rejoint les autres, mais cette fois, ceux-là ne me regardaient plus. Ils étaient bien trop occupés avec le nouvel arrivant.

Ils le torturaient. D'une façon ignoble. Même moi, qui était pourtant habitué à voir ce genre de choses, je ne pouvais m'empêcher de détourner les yeux de ce spectacle barbare. J'ai même eu de la pitié pour ce minable, c'est dire.
Puis j'ai enfin compris. J'ai compris pourquoi ils me suivaient. Pourquoi ils ne disaient rien.

Ils attendaient.

Ils attendaient que mon heure soit venue. Que je rejoigne enfin le royaume des esprits, pour qu'ils aient enfin leur vengeance. Comme pour ce copycat minable, ils avaient de grands projets pour moi, et pour cela, il leur suffisait d'attendre ce moment. Et, en leur qualité de fantômes, attendre, c'est ce qu'ils savaient faire de mieux.

Bien sûr, j'ai essayé de m'excuser, j'ai pleuré, j'ai imploré. Mais rien n'a changé. Ils restaient de marbre, et quoi que je fasse, rien ne pouvait changer mon destin. Au bout d'un certain temps, je m'y suis résigné. À quoi bon ?

Maintenant que la police m'a attrapé, et que je vais bientôt passer sur la chaise électrique, j'ai peur. J'ai vraiment peur, car je suis le seul homme sur Terre qui sait ce qui l'attend après sa mort. Une éternité de torture, infligée par les fantômes de ses victimes. Et ça, elles le savent bien, car je les vois en ce moment même, alors que je vous raconte mon histoire. Ce n'est plus cette expression qui m'accueillait chaque matin.

Non, maintenant, pour la première fois... je les vois sourire.

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