Toute histoire commence un jour, quelque part. C’était un week-end du mois de janvier, un samedi soir moins mouvementé d’ailleurs que les précédents mais avec ses spécificités, que Malick aura du mal à oublier...
Le jeune homme gérait un télé-centre et avait acquis à travers le temps de l’expérience pour servir ses clients, certains trop pressés et d’autres avec de très mauvaises humeurs mais il avait cette technique de ne pas se laisser emporter. Chaque jour son père lui rappelait la même leçon et les nuits à son retour il lui demandait toujours si la soirée fut bonne, bonne c’est- à- dire sans incident, il savait que son fils n’était pas très mature et qu’il devait affronter toutes catégories de personnes,
Dans la concentration afin de satisfaire tout le monde, Malick ne sentit pas le temps passé, et c’est quand la clientèle se raréfie qu’il prit le soin de souffler un peu, il jeta un coup d’œil à sa montre, il était 00 h et 30 minutes et le besoin de rentrer lui vint en tête.
Il vit entrer dans le kiosque une jeune fille un peu agitée, il se redressa et lui montre un air accueillant, celle-ci le salua et prit place, elle donnait l’impression de quelqu’un qui était fatiguée mais peu importe, Malick était là pour servir, il devait rester professionnel.
Il se concentra sur sa petite caisse pour faire le compte et commencer à ranger ses affaires,
Par moment il relevait la tête et découvrait toujours que le téléphone sonnait mais aucun répondant, ce qui n’empêchait pourtant pas la jeune fille de continuer à insister ;
Pratiquement, le gérant avait fini de faire son compte. Il sortit du kiosque pour détendre un peu ses pieds qui venaient de totaliser près de 6 heures sans faire grand mouvement et quand il revint à l’intérieur il vit que la jeune fille avait placé le téléphone sur la table et s’était adossée à la chaise pour réfléchir, à la première vue on sent immédiatement qu’elle était dans les airs, que lui était-il arrivé ? Pourquoi insistait-elle à passer un appel à une heure tardive ?
Malick se posa des questions à propos d’une scène qui se passe devant lui et prit le risque d’interroger et heureusement que la jeune fille n’attendait qu’une occasion pour communiquer, se libérer.
L’enjeu était grand, ce qu’elle lui raconta était pathétique, pitoyable, elle avait 20 ans et s’était fiancée à un jeune économiste qui travaillait dans un cabinet d’audit très renommé de la capitale et qui partait très souvent à l’intérieur du pays pour des missions.
Mais ce jour il n’était point en mission même si c’est ce qu’il fit savoir à la jolie yarie qui parlait et expliquait son histoire à Malick avec les larmes aux yeux.
Sachant bien que son fiancé était absent, elle sentit le besoin de venir passer du temps auprès de sa future belle-mère.
Après une heure de temps elle demanda à se retirer et celle-ci lui dit que son fils est arrivé vers 19h du service et qu’il se repose sûrement.
Elle faillit sursauter à l’annonce de cette nouvelle, car cela signifiait qu’il n’a pas voyagé et pour conclure, qu’il lui avait menti, elle cacha son étonnement puis se leva pour aller vérifier.
Du grand salon à l’appartement de Nfaly elle comptait presque les pas, pressée de connaitre les motifs d’un tel agissement.
Arrivée, elle entendit des voix et tapa à la porte tout en parlant à son fiancé , aussitôt le silence s’installe, elle continuait à taper, à parler mais personne ne lui répondait, et menaçait d’aller appeler sa belle-mère, c’est ainsi qu’une voix d’homme se fit entendre pour lui dire qu’elle a eu tort de le chercher, car elle devait rester derrière ce qu’il lui avait dit sur son programme , elle est venue chercher ce qu’elle voulait et sa maman n’y pouvait rien changer, le mieux à présent pour elle c’était de rentrer..
C’est ainsi qu’elle reprit le chemin du retour la tête pleine de rage et de mille et une décisions.
Ce week-end n’était pas un week-end comme les autres, Malick se rendit compte , il était touché et emporté par la narration que lui faisait cette inconnue de cliente sortie de nulle part à une heure avancée de la nuit, mais sentant que l’histoire en valait bien la peine d’être écoutée il y prêta une grande attention tout en sachant qu’autour de lui le silence et le calme s’étaient installés, sur le plan des mouvements ce fut un samedi qui avait moins marqué suite à la coupure de courant que connaissait le quartier depuis une semaine, les délestages étaient devenus fréquents depuis que le vieux transformateur n’arrive plus à supporter toutes les charges, tantôt c’est les fusibles qui sautent, tantôt c’est les fils qui brûlent et tout le quartier restait dans le noir jusqu’à l’intervention des agents de la société d’électricité sur leur propre initiative ou suite aux soulèvements des habitants.
Il était 01h du matin et l’obscurité régnait en maitre, mais l’envie pour Malick de rentrer était maintenant engloutie par sa curiosité de suivre la narration de yarie jusqu’au bout.
Cette nuit elle avait vraiment besoin de quelqu’un à qui parler, mais avant de se retrouver dans ce télé centre elle était rentrée dans presque cinq autres tentant de joindre Nfaly au téléphone et se rassurer davantage de sa lucidité d’esprit face aux propos qu’il lui avait tenue, mais il ne répondait jamais à l’appel.
Elle parlait et ne pouvait plus s’empêcher de pleurer, des larmes coulaient sur son visage et rendant Malick accrocheur et attentionné.
Elle poursuivit avec un effort fou de se faire entendre car l’émotion était grande, elle n’en revenait pas , l’homme qui ne lui donnait même pas une seconde de répit, qui venait chez elle quand ça lui plaisait, et qui se fâchait lorsqu’elle met deux jours sans venir le voir, l’homme qui la jalousait et qui était même prêt à fouiller dans son téléphone , l’homme pour lequel elle avait tout abandonné et qui lui racontait tous les jours qu’il fera d’elle la femme la plus heureuse, venait de lui démontrer ce dont il était capable. Elle avait une décision à prendre et doit vite la prendre car elle ne donnerait l’occasion à personne de lui pourrir la vie.
Elle venait certainement de conclure son récit et se tut un moment, le jeune avait vite apprécié quelque chose chez elle : c’était son courage et sa détermination d’encaisser et de vouloir prendre une décision.
Soudainement elle se leva et demanda à partir, il était presque 02h du matin et ce quartier était réputé pour son insécurité, Malick le savait, il en avait conscience, son esprit devint alors confus et son cœur commença à battre, qu’allait-il faire ? Vouloir la laisser rentrer seule avec tous le danger que cela représente, il prit le risque de l’accompagner.
Dans le noir ils marchèrent, suivant la grande route et guettant le moindre mouvement possible, du fond de son cœur il ressentait une peur terrible, mais probablement que la jeune fille s’en foutait et sa préoccupation était bien connue , elle avait une décision à prendre , pour elle, cette nuit restera inoubliable et décisive pour la suite de sa vie amoureuse, peu importe la démarche qu’elle entreprendrait, les séquelles lui resteront toujours car c’est la plus grande surprise qu’elle venait de vivre, a-t-elle dit à Malick, la dernière chose à laquelle elle s’attendait.
Ils marchèrent une dizaine de minutes et personne n’adressait la personne à l’autre , les conversations n’étaient pas à l’ordre du jour , il fallait se concentrer sur l’objectif et échapper le plus vite que possible à tout danger qui pouvait provenir de nulle part et leur être fatale.
Yarie s’arrêta devant une cour au bord de la route et remercia son compagnon de route de l’avoir raccompagné et surtout d’avoir été très attentif aux propos qu’elle tenait, elle se sentit très heureuse d’avoir rencontré le jeune homme, celui-ci lui fit savoir la même chose.
Plus de place à la parole, il devait se retourner, seul.
Heureusement, il rentra sain et sauf à la maison vers 03 Heures du matin pour plonger dans un sommeil profond qui faillit le faire passer toute la journée du dimanche au lit.
Le temps passait, à certains soucis, il trouvait solution mais d’autres préoccupations demeuraient encore.
Les ambitions et rêves du jeune homme grandissaient et à chaque fois son pauvre esprit était à l’épreuve tentant de sortir son maitre du gouffre.
Après trois mois passés à la suite de l’inoubliable nuit au cours de laquelle Malick fit la connaissance d’une certaine yarie, le jeune pensait avoir servi juste une cliente et que ce geste n’engendrerait aucune conséquence.
Eh bien !si
Elle se débarrassa de son fiancé, évitant qu’il ne lui fasse vivre l’enfer sur terre, et s’intéressa au jeune homme d’abord dans le souci de le connaitre davantage, en venant presque chaque nuit au kiosque, en rencontrant sa jeune sœur, son père.
C’est au cours de toutes ces épreuves qu’elle ressentit une grande affection pour le courageux et ambitieux gérant de télé-centre.
Yarie vivait dans une famille où le commerce était la raison d’être des hommes et des femmes depuis toujours ; au moins les jeunes garçons avaient la chance de pousser les études jusqu’à un niveau avancé, parce qu’ils étaient tous tentés par le commerce ou par le voyage.
Les jeunes filles en général n’avaient aucune chance de pousser loin les études, celles-ci étaient vite interrompues soient par le mariage ou par les charges journalières.
En partie, yelikha avait échappé à cette torture grâce au combat de sa mère qui était l’épouse favorite de son père polygame.
Elle eut donc la chance d’aller jusqu’en 10ème année, avant de se voir callée par le brevet d’étude du premier cycle.
Elle gérait une boutique au marché où elle revendait des pagnes et des mèches pour femmes, en plus de son talent de coiffeuse.
C’est ainsi qu’elle voulut assister Malick en lui donnant un fonds de commerce afin d’entreprendre un autre business plus rentable.
Elle était jeune Malick aussi, et pensait avoir rencontré un homme avec qui elle pourrait bâtir une vie.
Malick tenait bien à elle aussi, il lui éprouvait une grande affection mais pour l’heure les rêves du jeune étaient ailleurs ;
Il voulait voyager et pour y arriver il commença à réfléchir aux moyens à regrouper pour réaliser son projet, qu’il ne cessait d’en parler avec deux autres amis du quartier.
Pour l’heure il ne disposait que de la moitié de la somme requise.
Pour le moment il n’en parla ni à sa sœur qui est sa confidente, ni à son père qui d’ailleurs commençait à bien se porter et utiliser les béquilles pour se déplacer par la grâce de Dieu.
Franchement, il ne voulait point partager son projet.
Toutes ses économies allaient à la hauteur de 5 millions et 300 mille pour être plus précis et le voyage lui semblait impératif.
Il décida d’utiliser l’unique recours qui lui restait : sa bien-aimée mais sans lui expliquer la vraie destination de l’argent, et heureusement qu’elle était sur le point de lui venir en aide en vue de se trouver une autre occupation.
Après le débat autour du sujet, elle lui remit la somme une semaine après, et le jeune n’en revenait pas.
Elle avait agi dans l’espoir d’aider un homme à prospérer tout en étant à ses côtés, mais le jeune avait une toute autre ambition
A la veille du départ, un mardi, il passa toute la journée avec son père et sa sœur, toute la journée, histoire de leur dire au revoir sans l’exprimer directement.
Sa politique était simple : il comptait voyager sans avertir personne et une fois arrivé à destination il appellerait.
A 2O h, yarie vint le voir et le retrouva dans sa chambre, c’est là qu’il sentit le besoin de se confier, d’en parler au moins à une personne ;.
La jeune fille la suivit jusqu’au bout de ses explications et ses larmes ne cessaient de lui couvrir le visage, pourquoi pleurait-elle ?
Malick tenta de la consola, mais ses larmes venaient de réveiller en elle un mauvais souvenir, celui de la mort de ses deux cousins sur les côtes Magrébines. Deux frères de sang qui avaient pris 20 millions de l’argent de leur père et partirent, dans l’espoir d’atteindre l’autre rive et poursuivre leur chemin jusqu’à se retrouver dans un pays qui allait leur convenir ; et c’est une fois sur place que la famille fut alertée de leur sort, ils firent un mois de prison et y ressortirent après avoir payé une caution et c’est lors de la traversée qu’ils y laissèrent tous la vie ; toutes ces informations furent apportées par des témoins.
La famille a eu du mal à se remettre de ces deux pertes.
Yarie , en larmes, lui expliquait ces tragiques moments.
Et aujourd'hui voir l’homme en qui elle tient, s’aventurer sur la même voie, elle se demandait en fin ce qui lui arriva, le supplia de renoncer à son projet.
Elle lui promit tout ce qu’elle avait, à la seule condition d’entreprendre et de prospérer ensemble ;
Il mit un petit moment à réfléchir puis au fond de lui pris la décision de revenir en arrière.
Les motivations de cette décision étaient multiples mais pouvaient se résumer par la situation de sa petite famille quand il ne sera pas là, car comptait bien sur l’apport de sa nouvelle partenaire, ensuite le choc moral qui les affecterait, en fin et surtout son amour pour la jolie yarie, il voulait bien voyager mais pour aucune raison il ne voulait la perdre, il l’aimait,
Il pensa aux opportunités qui s’offrent à lui par le biais de la jeune fille et bien d’autres à venir, il lui exprima toute sa gratitude et la rassura de sa renonciation au voyage.
Yarie était contente et la joie revint sur son visage comme aux jours précédents.
Deux mois après la nuit au cours de laquelle il renonça à son projet de voyage clandestin, il n’avait toujours pas les nouvelles de ses amis, qui, pourtant avaient promis de l’appeler à chaque étape de leur évolution.
Il s’inquiétait, tout comme les parents de ces derniers. Tous les sacrifices avaient été faits, mais pour le moment aucune nouvelle des deux jeunes de la vingtaine d’années.
Et chaque jour que Dieu faisait, Malick tentait d’imaginer le scénario au cas où il s’était entêter de partir.
Son amour pour yarie le sauva,
Alors que chaque jour des familles pleuraient la perte d’un des leurs ;
Alors que chaque jour le bilan s’alourdissait sur les côtes Magrébines ;
Alors que chaque jour les jeunes étaient encore plus motivés, hantés par le désir d’atteindre l’autre rive, peu importe les conséquences...