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Nouvelles - Littérature Générale
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- La Ville - Cycle 4
- Nouveau Départ
Comme souvent, le train de 6h45 avait du retard. Aurore gravit les hautes marches du wagon et alla s'asseoir sur le strapontin du fond, celui qui tournait le dos à l'ensemble des voyageurs. C'était en quelque sorte sa place attitrée, qu'aucun autre habitué de ce train de banlieue ne lui disputait.
Aurore était une jeune fille effacée et n'avait qu'un souhait : ne pas se faire remarquer. Elle se trouvait quelconque dans les meilleurs jours et, le plus souvent, carrément laide. Bien sûr, le fait d'avoir été surnommée « Aurore l'horreur » au collège ne l'avait pas aidée, et encore moins l'habitude de se remonter le moral avec des sucreries.
Son travail était une des seules joies de sa vie et elle s'y adonnait entièrement. Elle pensait qu'elle resterait seule, qu'elle ne devrait toujours compter que sur elle-même et s'était faite à cette idée ; il était donc de la plus haute importance qu'elle soit une employée modèle. Sa hiérarchie l'appréciait et ses collègues ne faisaient plus trop attention à elle. Elle n'en demandait pas plus.
Mais être une employée modèle nécessitait d'arriver à l'heure au bureau, et ce maudit train de 6h45 en retard d'un bon quart d'heure la contrariait. Une fois de plus, il lui faudrait courir pour arriver à l'heure, ce qui signifiait qu'elle attirerait les regards et elle n'aimait pas cela.
Comme d'habitude, Aurore se leva de son siège bien avant l'arrivée du train en gare afin d'être la première à descendre. Ce matin-là, une autre personne se tenait devant la porte. Une dame âgée, encombrée de cabas. Dans un panier posé sur le sol, elle vit des tomates et des courgettes. Peut-être était-ce une grand-mère qui apportait les légumes de son jardin à ses enfants et petits-enfants parisiens ? Depuis quelque temps, avoir un potager revenait à posséder une mine d'or. À la vue de ces tomates, Aurore se prit à rêver. En manger une poussée en terre, sans pesticides ni autres traitements en « ides », ne lui était pas arrivé depuis très longtemps.
Dès que le train fut à l'arrêt, Aurore descendit prestement, non sans remarquer que la dame âgée avait bien du mal à en faire de même. Dans ces trains de banlieue, les marches étaient hautes et vouloir les descendre avec un cabas dans chaque main était une mauvaise idée.
Aurore allait s'élancer vers la sortie lorsqu'elle entendit un cri. En se retournant, elle vit que la dame était tombée. Le panier avait aussi chuté et tomates, concombres et courgettes s'étalaient sur le quai. Il y avait même de mignons cornichons. Pendant que la propriétaire des légumes se relevait tant bien que mal, les gens se pressaient de descendre du train, mécontents d'être en retard et de devoir, en plus, se frayer un chemin à travers des légumes. Tous se dirigeaient vers la sortie dans l'indifférence et Aurore fut tentée d'en faire autant : apporter de l'aide à cette dame entraînerait qu'elle se fasse remarquer, ce qu'elle craignait par-dessus tout.
Pourtant, elle fut saisie de compassion et, retournant sur ses pas, elle commença à ramasser les légumes. Ce fut un peu plus long pour les cornichons mais, enfin, elle tendit le dernier à la dame âgée, rouge de confusion.
— Je vous remercie infiniment, dit la dame, et, lui mettant une belle tomate dans la main, elle ajouta : Vous êtes une belle personne.
Aurore, troublée par ces paroles, prit la tomate, remercia et se sauva en courant. Un peu plus loin elle ralentit sa marche. Une chaleur avait envahi son âme et son être, ses joues étaient en feu. Est-ce que quelqu'un un jour, lui avait dit qu'elle était belle ? Elle ne s'en souvenait pas. Certes, il ne s'agissait sans doute pas de son physique mais, pourtant, ne disait-on pas qu'une belle âme embellissait un visage ?
Pour la première fois elle se redressa et continua son chemin en faisant face aux gens qui la croisaient, sans crainte d'affronter leur regard.
Un jeune homme lui sourit.
Aurore était une jeune fille effacée et n'avait qu'un souhait : ne pas se faire remarquer. Elle se trouvait quelconque dans les meilleurs jours et, le plus souvent, carrément laide. Bien sûr, le fait d'avoir été surnommée « Aurore l'horreur » au collège ne l'avait pas aidée, et encore moins l'habitude de se remonter le moral avec des sucreries.
Son travail était une des seules joies de sa vie et elle s'y adonnait entièrement. Elle pensait qu'elle resterait seule, qu'elle ne devrait toujours compter que sur elle-même et s'était faite à cette idée ; il était donc de la plus haute importance qu'elle soit une employée modèle. Sa hiérarchie l'appréciait et ses collègues ne faisaient plus trop attention à elle. Elle n'en demandait pas plus.
Mais être une employée modèle nécessitait d'arriver à l'heure au bureau, et ce maudit train de 6h45 en retard d'un bon quart d'heure la contrariait. Une fois de plus, il lui faudrait courir pour arriver à l'heure, ce qui signifiait qu'elle attirerait les regards et elle n'aimait pas cela.
Comme d'habitude, Aurore se leva de son siège bien avant l'arrivée du train en gare afin d'être la première à descendre. Ce matin-là, une autre personne se tenait devant la porte. Une dame âgée, encombrée de cabas. Dans un panier posé sur le sol, elle vit des tomates et des courgettes. Peut-être était-ce une grand-mère qui apportait les légumes de son jardin à ses enfants et petits-enfants parisiens ? Depuis quelque temps, avoir un potager revenait à posséder une mine d'or. À la vue de ces tomates, Aurore se prit à rêver. En manger une poussée en terre, sans pesticides ni autres traitements en « ides », ne lui était pas arrivé depuis très longtemps.
Dès que le train fut à l'arrêt, Aurore descendit prestement, non sans remarquer que la dame âgée avait bien du mal à en faire de même. Dans ces trains de banlieue, les marches étaient hautes et vouloir les descendre avec un cabas dans chaque main était une mauvaise idée.
Aurore allait s'élancer vers la sortie lorsqu'elle entendit un cri. En se retournant, elle vit que la dame était tombée. Le panier avait aussi chuté et tomates, concombres et courgettes s'étalaient sur le quai. Il y avait même de mignons cornichons. Pendant que la propriétaire des légumes se relevait tant bien que mal, les gens se pressaient de descendre du train, mécontents d'être en retard et de devoir, en plus, se frayer un chemin à travers des légumes. Tous se dirigeaient vers la sortie dans l'indifférence et Aurore fut tentée d'en faire autant : apporter de l'aide à cette dame entraînerait qu'elle se fasse remarquer, ce qu'elle craignait par-dessus tout.
Pourtant, elle fut saisie de compassion et, retournant sur ses pas, elle commença à ramasser les légumes. Ce fut un peu plus long pour les cornichons mais, enfin, elle tendit le dernier à la dame âgée, rouge de confusion.
— Je vous remercie infiniment, dit la dame, et, lui mettant une belle tomate dans la main, elle ajouta : Vous êtes une belle personne.
Aurore, troublée par ces paroles, prit la tomate, remercia et se sauva en courant. Un peu plus loin elle ralentit sa marche. Une chaleur avait envahi son âme et son être, ses joues étaient en feu. Est-ce que quelqu'un un jour, lui avait dit qu'elle était belle ? Elle ne s'en souvenait pas. Certes, il ne s'agissait sans doute pas de son physique mais, pourtant, ne disait-on pas qu'une belle âme embellissait un visage ?
Pour la première fois elle se redressa et continua son chemin en faisant face aux gens qui la croisaient, sans crainte d'affronter leur regard.
Un jeune homme lui sourit.
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