UNE ÂME DE SOUFFRANCE

Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. L'acte n'a duré qu'une minute et la vie Fatima a irréversiblement basculé. 
Fatima,  12 ans à peine, vient d'obtenir son certificat d'études primaires et l'entrée en classe de 6e. Elle nourrit le rêve d'être médecin. Dit-elle, elle souhaite éradiquer la cécité qui avait rendu sa mère aveugle trois plutôt. Mais son père décide de l'envoyer en mariage chez l'un de ses amis qui exploite une plantation à 12km de leur village. 
La veille de sa dot, elle fuit la maison de son père. Elle se réfugie chez son  oncle maternel. Malgré ses supplications, elle la ramène de force vers son père. Fatima seule au monde, elle pleure, mais plus de larmes dans son corps. Elle regrette d'être née ; mais le destin ne lui trouve point d'excuses. Elle est même ligotée avec des ronces comme un gibier. Fatima n'a que 12 ans et ses rêves se brise au fur et à mesure que la nuit tombe.
La première nuit de son mariage fut l'une des plus pénibles de la jeune fille. Elle ne connaissait pas encore l'homme. Cette nuit, ce Koké, son mari, la violait de la plus douloureuse manière. 
Ils sont arrivés dans le village de Kokoé dans la nuit. Il l'a tenait à l'aide d'une liane sauvage grâce à laquelle son beau-père avait soigneusement attaché les mains de sa fille de peur qu'elle ne s'échappe. 
Affligée et assoiffée, Fatima n'avait plus de force pour appeler à l'aide. Quand bien, elle l'aurait fait, qui de cette contrée n'aurait pas été fière que Kokoé ait trouvé sa septième épouse ? 

Ils entrèrent dans une cabane crasseuse au fond de laquelle se trouvait une sorte de planches qu'on se croirait dans un poulailler. C'était là le lit que Kokoé avait préparé pour sa nouvelle épouse. 
Pensait-elle encore à ses projets d'études ? Rêvait-elle encore devenir comme Madame Germaine, le parent éducateur de l'arrondissement ? Pensait-elle à la vie tout simplement ? Le monde venait de s'éloigner et la vie s'est obscurcie sous ses yeux.
Elle se couchait malgré elle. Une odeur âcre à laquelle, elle avait fini par adopter, envahit ses narines. C'était cet homme qui puait des aisselles et de la bouche. Ce calvaire, combien de temps avait-il duré avant que Fatima ne perdît sa virginité ? Elle n'en sait point jusqu'à aujourd'hui. 
Lorsque le souvenir de cette histoire lui revient, elle fond en larmes et perd sa langue. Elle se souvient que ce mari d'un jour, avant de monter sur elle et avait complètement déchiré ce qui lui servait de sous-vêtement. Puis, l'homme entreprît de la violer. Elle perdit connaissance. Mais l'homme ne s'en lassa point. Cinq, dix, vingt minutes de calvaire pour Fatima. Les derniers cris de détresse de cette enfant, réveillaient la première femme de Kokoé. C'est une vieille dame avec quelques cheveux sur la tête qui. Elle avait 45 ans de plus que Fatima. C'est elle qui est venue au secours de la jeune fille qui, au coin du lit, baignait dans du sang noirâtre.  
Elle l'a portait dans sa chambre qui jouxte  la cabane principale de la contrée pendant que Kokoé, torse nue dans la cour, tirait une cigarette en signe d'accomplissement d'une mission. Fatima ne tenait pas sur ses deux pieds. Le sang, comme un ruisseau, sortait de son ventre. Elle aussi fondit en larmes. Que pouvait-elle faire au milieu de la nuit dans ce village au fond où cohabitent les Badjoé et les Bobilis. Elle avait pensé la mettre sur son dos pour l'amener à l'hôpital. Et, si Kokoé l'apprenait le lendemain, sûrement, il lui aurait cassé les quelques dents qui lui restaient. 
Elle réchauffa alors  de l'eau et essaya de ranimer la jeune fille, mais en vain. Plus, elle la massait, plus le sang coulait de son ventre. 
Au premier chant du coq, elle allait supplier deux jeunes gens qui passaient de l'amener à l'hôpital. Volontiers, ils parcourent plus de 16 kilomètres à pied. Ils s'échangèrent leur colis en fonction du degré de fatigue qui les animait. 
Vers la fin de la dernière partie de la journée, ils atteignirent l'hôpital de district de Roumindou. Mais personne ne su si Fatima était morte ou vivante.
On amenait la jeune fille dans un bloc. Et l'infirmière leur signifiait que dans cet hôpital,  il n'y ni médecin spécialiste pour ces cas ou tout simplement un médecin. Il manque aussi du matériel et des médicaments pour sauver la jeune fille. Ils se demandaient, chacun dans son cœur, si c'était nécessaire de parcourir cette longue distance pour voir cette fille mourir sous leur yeux? Que pouvait il faire de mieux ? 
Finalement, ils prirent la décision de laisser Fatima entre les mains de l'infirmière. Quelque minutes d'attente pour voir si la manne tombera du ciel pour cette jeune fille, mais hélas, l'infirmière leur revint, les gants induits du sang. Les larmes russelaient de ses yeux enfoncés dans ce maigre visage. Elle leur dit: "je n'ai pas pu; je n'ai pas eu des moyens, je l'ai perdue". 
Le corps de Fatima était allongé dans un lit rouillé dans une salle à moitié ouvert sur le toit. Une lueur de lumière lui frappait la tête et on pouvait distinguer sa beauté d'antan. Les favoris de cheveux recouvraient son visage, des cils fusionnaient sur ses beaux yeux fermés. Fatima était inerte et laissait voir les traces de la souffrance qu'elle avait subit. Fatima est morte. 
 
 
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