Suis-je dans le noir ou ai- je les yeux fermés? Peut-être les deux. Depuis que mon oncle m’avais fait ingurgiter cette potion, je ressentais constamment des douleurs pelviennes atroces. Ces maux me tourmentaient tant le jour que la nuit. Ainsi, des cauchemars, des hallucinations me persécutaient l’esprit. L’on raconte que les rêves sont des illustrations tiré du livre que notre âme écrit sur nous. Alors pourquoi je n’arrêtais pas de rêver de ces derniers mois ?
Quand j’avais reçu le courriel m’annonçant que j’avais été retenu pour le poste, j’étais vite allé voir mon oncle pour le lui raconter, que désormais il ne sera plus le seul homme de la maison à travailler pour subvenir à nos besoins. Ce dernier, persuadé que dorénavant je devais avoir un ange gardien, était par conséquent convaincu qu’il devait me préparer de quoi me protéger contre les oiseaux de mauvais augures. En revanche, il me fit différentes potions ainsi qu’un talisman capable de résister à n’importe quel esprit démoniaque que l’on pouvait envoyer pour me persécuter. Selon lui, il n’était pas toujours facile de distinguer les bons des méchants car les pécheurs pouvaient nous surprendre et les vertueux tout autant et que pour nous, les gens étaient généralement soit tout blanc ou tout noir et pourquoi ?
Parce que personne ne voulait reconnaitre que la compassion et la cruauté pouvaient cohabiter dans un même cœur. Que chaque individu était capable du meilleur comme des pires. En conséquence, il m’a fait un « beny »
La semaine précédant mon arrivée à mon premier travail, j’étais tranquille, essayant de tracer et de mener à bien mon avenir, je restais par ailleurs dans mon coin, je ne mêlais guère au petit groupe comme disaient les vieux : « se lèt mvinn bwè mpa vinn konte manmèl. » Serein, je ne me laissais pas intimider, j’étais catégorique et très concentrer sur mon objectif. Certains m’appréciaient, d’autres s’abstenaient à me côtoyer. En effet, je n’avais nullement la prétention de me faire des amis. Ainsi, la distance qu’ils prenaient envers moi ne m’avait en aucun cas déranger. Ceux qui comptaient essentiellement pour moi c’était le fait d’avoir mon premier boulot et d’accéder au poste pour lequel je m’étais sacrifié lors de mes études. De son coté, mon oncle me suppliait de toujours faire attention et de tout lui raconter ; comme les menaces que je recevais, les problèmes que j’affrontais et les difficultés dans lesquelles je me trouvais, ce dernier voulait tout savoir. Cependant, je ne le prenais pas au sérieux, je ne faisais nullement attention à ses multiples prémonitions. Je me moquais des prétendus songes de celui-ci, qui présageait souvent des attaques à mon égard, entre autres, des ‘’ sondages’’ comme il disait. Un peu plus tard, lorsque je tombais malade, je me disais que c’était une maladie comme les autres et que je m’en remettrais aussitôt. Néanmoins, la bienséance quand on nous persécute, exigeait toutefois que l’on fut éprit d’une quelconque maladie pour qu’il y ait au préalable une réponse claire de ce qui nous ait arrivé.
La nuit, dans ma souffrance affreuse, sans compter que ma faiblesse était sacrement immense, je ne pensais à une seule chose, parvenir à trouver ma dose. Ce n’était que de toutes les larmes de mon corps que j’arrivais à vaincre mes insomnies.
Il existait cependant différentes formes de maladies mais celles qui touchaient le corps étaient les plus faciles à traiter. Par contre, c’était plus complexe lorsqu’il s’agissait de maladie qui nous dévorait de l’intérieur, qui consumait notre âme et que l’on niait. Au comble de mon mal, mon oncle m’emmena voir un houngan qui, après m’avoir examiné, m’y avais hospitalisé. En outre, tous les soirs j’avais droit a de perpétuelles cérémonies et d’incessant coup de fouet. Mon corps sans l’ombre d’une âme vivante était étalé sur une natte au beau milieu du péristyle. D’une respiration lente, le visage soucieux, j’étais à fond dans mes pensées, essayant de m’accrocher à ce serait-ce un dernier souffle, je voyais envoler durant ma souffrance le rêve de tout une vie de dur labeur. Et ce ciel brume sur ma tête, entaché de nuage grisâtre n’était qu’à cause de la poussière de mes rêves qui partaient en éclat. J’étais pris de court par ma maladie, je n’avais pas eu le temps de réaliser ce à quoi je faisais face, je vivais par ailleurs un moment de pure panique mon choc était immense, je n’aurais jamais imaginé que des douleurs, des maux pouvaient n’avoir plus de fin et que de telle souffrances pouvait durer autant. Ce fut un moment étrange quand le houngan disait à mon oncle, que je pouvais passer l’arme à gauche à n’importe quel moment et que s’il n’agissait pas rapidement, il ne pourra plus rien pour moi, si bien qu’il ne lui restait qu’une dernière carte à jouer, pour lui, la meilleure option était de me mettre en terre pour une durée de trois jours afin de me sauver la vie.
Lorsque l’on m’enterra, des cris se fusaient de part et d’autre, des gens me lançaient des regards perçant et des incantations sonores et affreuses se fit entendre, d’une voix unanime ils chantaient et battaient les mains. J’ouvrais doucement mes yeux qui avaient du mal à scintiller tant qu’ils étaient lourds. J’apercevais alors le visage de ma mère qui s’émerveillait devant moi comme si elle venait de constater un miracle ; mon oncle surprit, laissa en trombe la chambre dans laquelle je me trouvais pour ensuite se précipiter dans les couloirs afin de trouver un médecin. Ce dernier, lui aussi, emboita les pas à mon oncle comme s’il ne voulait pas rater quelque chose d’extraordinaire, d’un geste rapide il attrapa ses matériels, m’examina les yeux ensuite me posa plein de question et me souhaita bon retour. Je n’arrivais toujours pas à comprendre ce qui m’avait arrivé. Tout compte fait, je jetai un regard autour de moi, ce n’était qu’à ce moment que j’avais réalisé que je me trouvais attaché à des appareils me permettant de m’accrocher à la vie, des souvenirs surgissaient en vrac dans ma tête, puis, je sentie monté en moi l’effet du poison que l’on avait administré dans mon café au bureau. Je compris alors que je me trouvais dans un lit d’hôpital et que j’avais été plongé au fin fond d’un coma.