Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité.
Un flash lumineux, un bruit sourd, une curieuse chaleur qui envahit le corps puis une chute.
Le temps comme l'espace se tord tandis que l'esprit s'éloigne du présent. Les temps se mêlent
tandis que l'instant se fige et que le corps tombe dans un puits sans fond. Le temps perd son sens, il
n'est plus pour l'esprit fiévreux qu'une suite de choix et de possibilité. De ses mains inertes il
cherche à agripper une image, un son, un souvenir, n'importe quoi qui stoppe sa descente aux
enfers. Il entend des rires mais familiers lointains , voit des sourires innocents et oubliés, sent des
larmes amères et douloureuses, comme s'il plongeait à l'intérieur de lui même traversant l'air
comme on traverse une rivière déchaînée.
Autour de lui le monde se déforme pour prendre des teintes nouvelles comme une aquarelle
mouvante au fil d'un pinceau humide. Le ciel se voile d'une obscurité désolante tandis que les
témoins silencieux flottant au-dessus du damné, grondent et masquent les premières lueurs du jours.
Les majestueux nuages aux formes chimériques se déchirent et se métamorphosent selon les
mouvements de minuscules formes de toutes les couleurs, celles ci filent dans les cieux à vive allure
crachant des flammes qui embrasent le firmament. Ces ombres déchaînées offrent un balais aérien
chaotique et spectaculaire, comme si les dragons pleins de hargnes se pourchassaient selon une
chorégraphie préétablie par une main divine. En contrebas sur un océan placide voguent des tâches
lointaines qui par dizaines abordent une longue étendue dorée. Parfois certaines de ces formes
s'illuminent d'un rouge éclatant qui les recouvre jusqu'à dévorer l'embarcation et son équipage.
Les falaises imposantes comme des géants de pierre, semblent barrer la route aux intrus qui
apportent la violence sur leur rivage, violant la quiétude naturelle de ces lieux.
Il y a aussi cette grande tour qui s'élève vers les cieux, celle d'où est partie la chute, celle que longe
cette silhouette qui bascule lentement dans le vide et l'oubli. Une pluie de débris accompagne sa
plongée dans les délires que seules connaissent ceux qui approchent suffisamment l'aube glacée de
la vie. Éclats de vers, morceaux de pierres, balustrades en fer, tous issus d'un tout désormais brisé.
Corps inertes attirés fatalement par le sol en contre bas, ils accompagnent cette chute comme pour
rappeler la réalité matérielle à un esprit éparpillé qui contemple le monde comme s'il ne l'avait
jamais vu.
Ce tout, c'est cette ombre qui recouvre le déchu dans sa chute. Cette grande tour aux bandes rouges
et blanches, à la peinture fatiguée et aux fenêtres brisées, qui défie les cieux de sa hauteur. Cette
grande tour au sommet du monde, surplombant les collines de sables et le vaste océan. Brûle à son
sommet un œil de feux pourfendant l'obscurité pour le salut des malheureux perdus en mer. Toutes
fois cette lumière qui veilla sans faille par le passé est remplacée en cet instant, par un brasier
affamé qui s'attaque aux planches vieillies, détruisant le faîte du monument pour assouvir son
appétit insatiable. Le phare s'embrase, se parant de lueurs écarlates, symbole d'un temps de
violence et de folie, symbole d'un passé qui se meurt et d'un présent bousculé. Dans l'incendie
brûle une histoire, des souvenirs un temps de solitude mais aussi de plaisir interdit. Plus qu'un
guide, c'est un témoin qui se meurt, celui de confessions romantiques face au soleil couchant, ou
encore des trahisons les plus violentes au plus fort des tempêtes.
Enfin il y a cette homme, cette victime du destin, sombrant dans une douce léthargie tandis que son
corps léger comme l'air, traverse une centaine de mètre en un temps distordu. Une seconde, une
minute, une heure peut-être....
Les tuiles de la petite maison en contre bas se rapprochent lentement, près à épouser la forme de son
dos lorsqu'il les percutera. Il peut revoir aisément la pièce principale de la chaumière en granite
avec sa cheminée souvent bouchée, sa solide table en bois sur lequel le couvert a été dressé pour
deux personnes et une pile de livre entassée avec négligence sur un maigre bureau au côté d'une
plume et d'un carnet entrouvert ou sont griffonnés les mots d'un jeune poète rêveur. Il y a aussi une
pendule, souvent négligée dans l'inventaire du foyer de part sa taille encombrante et son balancier
immobile, voilà des années que figée elle fascine son dernier propriétaire qui voit en elle un mystère
qui enhardit l'imagination libre et créative.
Cette pièce bien pauvre à première vue était riche par ce qu'elle représentait, il ne l'aurait échangé
pour tout l'or du monde.
Finalement survient la chute. Un grand fracas, une vive douleur qui embrase le dos puis de nouveau
la chute, celle ci plus courte achève sa course contre une large surface en bois qui craque et ploie
sous la force de l'impact. Un cris retentit, il l'entend à peine, ses sens se brouillent, il ne peut parler,
il ne peut bouger. Une forme noire apparaît, avançant lentement et prudemment, elle viens le
réchauffer de ses longs poils touffus puis tente vainement de nettoyer la poussière de son visage par
des petits coups de langues rugueux. Sentant ses forces l'abandonner, l'homme observe le plafond
éventré de sa maison tandis que ses yeux ne perçoivent plus qu'un pastel de rouge et de gris,
finalement la lueur écarlate semble l'emporter, une douce caresse accompagne son dernier sommeil.
Il règne dans la maisonnette un silence de mort, deux silhouettes contemplent avec chagrin le rêveur
dormant sur les restes d'une fière table en bois. Alors que plus rien ne bouge sonne le glas de
l'horloge ou les aiguilles inertes indiquent 6h30.
Dehors le temps a repris sa course, comme indifférent aux flammes, à la chute, aux malheurs qui
frappent un si petit coin du monde. Le bal des dragons continue tandis que pleuvent les obus.
Bientôt ne restera plus que les ruines du vieux phare et de son foyer lorsque les flammes auront
terminé leur œuvre, emportant en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, un souvenir du passé
Un flash lumineux, un bruit sourd, une curieuse chaleur qui envahit le corps puis une chute.
Le temps comme l'espace se tord tandis que l'esprit s'éloigne du présent. Les temps se mêlent
tandis que l'instant se fige et que le corps tombe dans un puits sans fond. Le temps perd son sens, il
n'est plus pour l'esprit fiévreux qu'une suite de choix et de possibilité. De ses mains inertes il
cherche à agripper une image, un son, un souvenir, n'importe quoi qui stoppe sa descente aux
enfers. Il entend des rires mais familiers lointains , voit des sourires innocents et oubliés, sent des
larmes amères et douloureuses, comme s'il plongeait à l'intérieur de lui même traversant l'air
comme on traverse une rivière déchaînée.
Autour de lui le monde se déforme pour prendre des teintes nouvelles comme une aquarelle
mouvante au fil d'un pinceau humide. Le ciel se voile d'une obscurité désolante tandis que les
témoins silencieux flottant au-dessus du damné, grondent et masquent les premières lueurs du jours.
Les majestueux nuages aux formes chimériques se déchirent et se métamorphosent selon les
mouvements de minuscules formes de toutes les couleurs, celles ci filent dans les cieux à vive allure
crachant des flammes qui embrasent le firmament. Ces ombres déchaînées offrent un balais aérien
chaotique et spectaculaire, comme si les dragons pleins de hargnes se pourchassaient selon une
chorégraphie préétablie par une main divine. En contrebas sur un océan placide voguent des tâches
lointaines qui par dizaines abordent une longue étendue dorée. Parfois certaines de ces formes
s'illuminent d'un rouge éclatant qui les recouvre jusqu'à dévorer l'embarcation et son équipage.
Les falaises imposantes comme des géants de pierre, semblent barrer la route aux intrus qui
apportent la violence sur leur rivage, violant la quiétude naturelle de ces lieux.
Il y a aussi cette grande tour qui s'élève vers les cieux, celle d'où est partie la chute, celle que longe
cette silhouette qui bascule lentement dans le vide et l'oubli. Une pluie de débris accompagne sa
plongée dans les délires que seules connaissent ceux qui approchent suffisamment l'aube glacée de
la vie. Éclats de vers, morceaux de pierres, balustrades en fer, tous issus d'un tout désormais brisé.
Corps inertes attirés fatalement par le sol en contre bas, ils accompagnent cette chute comme pour
rappeler la réalité matérielle à un esprit éparpillé qui contemple le monde comme s'il ne l'avait
jamais vu.
Ce tout, c'est cette ombre qui recouvre le déchu dans sa chute. Cette grande tour aux bandes rouges
et blanches, à la peinture fatiguée et aux fenêtres brisées, qui défie les cieux de sa hauteur. Cette
grande tour au sommet du monde, surplombant les collines de sables et le vaste océan. Brûle à son
sommet un œil de feux pourfendant l'obscurité pour le salut des malheureux perdus en mer. Toutes
fois cette lumière qui veilla sans faille par le passé est remplacée en cet instant, par un brasier
affamé qui s'attaque aux planches vieillies, détruisant le faîte du monument pour assouvir son
appétit insatiable. Le phare s'embrase, se parant de lueurs écarlates, symbole d'un temps de
violence et de folie, symbole d'un passé qui se meurt et d'un présent bousculé. Dans l'incendie
brûle une histoire, des souvenirs un temps de solitude mais aussi de plaisir interdit. Plus qu'un
guide, c'est un témoin qui se meurt, celui de confessions romantiques face au soleil couchant, ou
encore des trahisons les plus violentes au plus fort des tempêtes.
Enfin il y a cette homme, cette victime du destin, sombrant dans une douce léthargie tandis que son
corps léger comme l'air, traverse une centaine de mètre en un temps distordu. Une seconde, une
minute, une heure peut-être....
Les tuiles de la petite maison en contre bas se rapprochent lentement, près à épouser la forme de son
dos lorsqu'il les percutera. Il peut revoir aisément la pièce principale de la chaumière en granite
avec sa cheminée souvent bouchée, sa solide table en bois sur lequel le couvert a été dressé pour
deux personnes et une pile de livre entassée avec négligence sur un maigre bureau au côté d'une
plume et d'un carnet entrouvert ou sont griffonnés les mots d'un jeune poète rêveur. Il y a aussi une
pendule, souvent négligée dans l'inventaire du foyer de part sa taille encombrante et son balancier
immobile, voilà des années que figée elle fascine son dernier propriétaire qui voit en elle un mystère
qui enhardit l'imagination libre et créative.
Cette pièce bien pauvre à première vue était riche par ce qu'elle représentait, il ne l'aurait échangé
pour tout l'or du monde.
Finalement survient la chute. Un grand fracas, une vive douleur qui embrase le dos puis de nouveau
la chute, celle ci plus courte achève sa course contre une large surface en bois qui craque et ploie
sous la force de l'impact. Un cris retentit, il l'entend à peine, ses sens se brouillent, il ne peut parler,
il ne peut bouger. Une forme noire apparaît, avançant lentement et prudemment, elle viens le
réchauffer de ses longs poils touffus puis tente vainement de nettoyer la poussière de son visage par
des petits coups de langues rugueux. Sentant ses forces l'abandonner, l'homme observe le plafond
éventré de sa maison tandis que ses yeux ne perçoivent plus qu'un pastel de rouge et de gris,
finalement la lueur écarlate semble l'emporter, une douce caresse accompagne son dernier sommeil.
Il règne dans la maisonnette un silence de mort, deux silhouettes contemplent avec chagrin le rêveur
dormant sur les restes d'une fière table en bois. Alors que plus rien ne bouge sonne le glas de
l'horloge ou les aiguilles inertes indiquent 6h30.
Dehors le temps a repris sa course, comme indifférent aux flammes, à la chute, aux malheurs qui
frappent un si petit coin du monde. Le bal des dragons continue tandis que pleuvent les obus.
Bientôt ne restera plus que les ruines du vieux phare et de son foyer lorsque les flammes auront
terminé leur œuvre, emportant en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, un souvenir du passé