Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Penser au suicide alors que je viens de donner la vie...
Tombée sur un tas de vieux cartons, je pouvais lire cette inscription sur ce qui ressemblait à un vieux journal intime. J’étais épuisée et mon esprit n’avait pas encore assimilé tout ce qui venait de m’arriver. Mon suicide raté. Et cette inscription ! Comme si mon moi intérieur me parlais. Le journal appartenait à ma défunte mère et ne comportait qu’une page que les années avaient marquée d’un pâle jaunissement. Tout juste en bas de l’inscription, était écrit : Joséphine appelle ton oncle Joseph à ce numéro. Je sortit en trombe et me dirigea vers mon portable l’air songeur. Au point où j’en étais, tout était confus. Je composai donc le numéro indiqué qui par miracle était encore en service à l’ère des téléphones sans fil. Une voix roque me parla au bout du fil. C’était celle d’un homme. Il appela immédiatement mon nom et me rassura. Il m’invita à passer urgemment à son bureau à Wemtenga.
Assise dans un coin du débarras de ma grande maison familiale, je revoyais en image comment ma vie si parfaite avait basculée en une journée. Douze ans et en classe de troisième. Je suis d’une famille aisée, mon père était selon papi un soldat vaillant qui aurait perdu la vie au Mali six mois avant ma naissance. Je n’ai aucun de souvenirs de ma mère. Mais la sœur de papi aimait me dire que mon plus grand malheur était de lui ressembler. Pour moi cela n’était alors que les divagations d’une vieille sénile. Si toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur manière. C’est sur ces mots que Morphée surprit mon jeune et frêle corps épuisé. Le lendemain, c’est aux aurores que je disparuse dans la pénombre d’un jour encore en sommeil. Sans prendre la peine de prendre ma douche alors que la puanteur de la souillure me pendait encore à la peau comme l’odeur d’un putois à son Cul. C’est l’adrénaline qui me fit arpenter Ouagadougou. C’est aux environs de huit heures du matin, épuisée que je m’arrêtai devant un bureau dans le quartier de Wemtenga. Un monsieur vint vers moi et se présenta avant de se figer net et de soupirer que je ressemblais beaucoup à ma mère, malgré mon allure négligée. Il m’invita à entrer. Il me tendit un paquet à l’intérieur du quel, il y avait une cassette de film pour les vieux magnétoscopes. Il m’amena dans une pièce isolée, où il alluma un poste téléviseur et un vieux magnétoscope avant de me laisser. J’insérai la cassette à l’intérieur et tout de suite, je vis ma mère dans une vidéo. Ma gorge se noua d’émotions. Je pris place dans un fauteuil pour l’écouter : « Bonjour ma chérie, tu es sans aucun doute une belle fille. Je suis désolée de t’avoir laissée. Par lâcheté mais plus par honte de ce que j’ai pu ressentir dans ce qui m’ai arrivé. Tu sais, notre société africaine nie l’inceste et le suicide. Je ne sais pas quelles balivernes on a pu te raconter, mais tes grands-pères ne sont pas des hommes biens. Loin de là. Ta grand-mère Raquelle était venue de la Côte d’Ivoire au Burkina Faso pour rendre visite à sa mère, employée à la ferme de tes arrières grands- parents. Elle avait quatorze ans à l’époque et ton grand- père en avait déjà vingt-cinq. Avec son frère, ils l’a violèrent toute une nuit avant que celle-ci ne perde connaissance. Entre la vie et la mort, ses parents cédèrent à la pression d’un renvoi et donna leur fille en mariage à son plus jeune violeur. Sa vie conjugale n’a été faite que de sévices corporels et psychologiques. A quinze ans, elle tomba enceinte et m’enfanta. Je n’avais que treize ans lorsque j’appris les circonstances de ma naissance sur son lit de mort. Emportée par un cancer de sein, Mamie est partie le sourire aux lèvres en disant que même la mort la plus atroce ne saurait égaler sa vie aux côtés de ton grand- père. Je gardais en moi à cette époque une vérité bien pire. Un secret de polichinelle que tout le monde semble reléguer sous le tapis. Refusant la réalité. Mais tu sais, une fois qu’on a écarté l’impossible, ce qui reste aussi improbable soit-elle doit être la vérité. J’aimais mon père. Mon esprit a longtemps réfuté ce qui s’était passé avant que la vérité ne me gifle en pleine face. J’ai quelques brides de souvenirs parce que ces moments étaient teintés par les doses d’alcool que j’ingérais. Il était des jours où, lorsque je revenais de l’école, papa me prenait sur ces genoux, me murmurant que j’étais la prunelle de ses yeux, avant de m’inviter à goûter son délicieux vin qu’il aimait tant, jusqu’à en devenir ivre. Je me souviens par brides, de ses lèvres collées aux miennes me disant que je connaissais le bisou que papa préférait avant d’enfoncer sa langue dans ma gorge. Puis il mettait délicatement sa main sous ma jupe et me caressait les cuisses. A cette époque, il ne se contentait que de ça pour jouir. Mais plus je grandissais plus son appétit augmentait. »
A écouter ma mère, mes souvenirs étaient incroyablement similaires. J’interrompis la vidéo, hurla de douleur et m’écroula. Avant d’appuyer à nouveau sur Play.
Elle continua en larmes : « ... un jour, à mes douze ans, je venais de prendre ma douche, j’étalais de l’huile sur mon corps nu. Je sursautai en remarquant mon père sur le pas de la porte à m’observer. J’eu à peine le temps d’attraper ma serviette qu’il s’était avancé vers moi en ayant pris le soin de fermer à clé la porte derrière lui. D’un sourire diabolique, il se jeta sur moi en me disant que j’étais la prunelle de ses yeux, qu’il m’aimait tellement qu’il ne pouvait plus se retenir. Qu’on allait devenir un. Que je devais être sage si je l’aimais. Je me suis détendue, convaincue de lui prouver mon amour, même si au fond de moi, je savais que c’était mal. Il m’embrassa longuement avant de sortir de sa braguette son pénis et de me pénétrer. J’avais mal, mais lui était devenu comme un fou. Il hurlait de plaisir et me répétait qu’il m’aimait. Après un long moment, il éjacula. Puis on cogna à la porte. C’était son frère. Il entra à son tour et me pris sous le regard approbateur de mon père et mes hurlements de douleurs. C’était ainsi devenu mon quotidien. Tout le monde dans la cour, était dans la confidence. Ma mère était la seule à ignorer mon calvaire. J’en ai parlé à ma tante qui m’a demandé de garder le silence au nom de l’honneur de la famille. Elle m’a dit que les ancêtres seraient contre moi si pareille accusation sortait. Je gardai donc le silence devenant ainsi leur complice. Ce silence quand venait la nuit, il était assourdissant. Au fil du temps, par moment, il m’arrivait de ressentir un certain plaisir malsain quand ils me prenaient à deux. Ton oncle Joseph avec qui j’ai été au lycée a été mon seul amour et mon seul soutient. Tu étais le fruit de ma peine et j’ignorais qui était ton père. Mon oncle ou mon père ? T’avorter était impensable, je t’aimais déjà beaucoup trop. Mais je ne pouvais plus supporter ma vie ou le poids de tes pères sur moi malgré ma grossesse. Je pris alors la décision la plus horrible. Tu m’as donné le courage d’aller à terme de ma grossesse. J’ai atentendu d’entendre tes cris et de te voir avant de me donner la mort sur mon lit d’hôpital. Je te supplie de me pardonner. Si je partage avec toi cette histoire, c’est parce que j’espère que tu auras hérité du courage de ta grand-mère. Je te demande de faire ce que je n’ai pas fait. Rompt la chaine de ce silence. Je souhaite que tu sois moins abîmée que moi. Je t’aime... »
C’est ainsi que s’est achevé le film de la vie de ma mère et par extension la mienne. Je quittai le bureau de Joseph d’un pas décidé. Me dirigeant vers le commissariat le plus proche. Je portais encore entre mes jambes les preuves de ce que mes pères m’avaient fait hier. Si pour ma grand-mère et ma mère, il y a prescription aux yeux de la loi, pour moi pas... mon père répondra de ses actes. Et si ma famille doit en mourir, elle MOURA.
Tombée sur un tas de vieux cartons, je pouvais lire cette inscription sur ce qui ressemblait à un vieux journal intime. J’étais épuisée et mon esprit n’avait pas encore assimilé tout ce qui venait de m’arriver. Mon suicide raté. Et cette inscription ! Comme si mon moi intérieur me parlais. Le journal appartenait à ma défunte mère et ne comportait qu’une page que les années avaient marquée d’un pâle jaunissement. Tout juste en bas de l’inscription, était écrit : Joséphine appelle ton oncle Joseph à ce numéro. Je sortit en trombe et me dirigea vers mon portable l’air songeur. Au point où j’en étais, tout était confus. Je composai donc le numéro indiqué qui par miracle était encore en service à l’ère des téléphones sans fil. Une voix roque me parla au bout du fil. C’était celle d’un homme. Il appela immédiatement mon nom et me rassura. Il m’invita à passer urgemment à son bureau à Wemtenga.
Assise dans un coin du débarras de ma grande maison familiale, je revoyais en image comment ma vie si parfaite avait basculée en une journée. Douze ans et en classe de troisième. Je suis d’une famille aisée, mon père était selon papi un soldat vaillant qui aurait perdu la vie au Mali six mois avant ma naissance. Je n’ai aucun de souvenirs de ma mère. Mais la sœur de papi aimait me dire que mon plus grand malheur était de lui ressembler. Pour moi cela n’était alors que les divagations d’une vieille sénile. Si toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur manière. C’est sur ces mots que Morphée surprit mon jeune et frêle corps épuisé. Le lendemain, c’est aux aurores que je disparuse dans la pénombre d’un jour encore en sommeil. Sans prendre la peine de prendre ma douche alors que la puanteur de la souillure me pendait encore à la peau comme l’odeur d’un putois à son Cul. C’est l’adrénaline qui me fit arpenter Ouagadougou. C’est aux environs de huit heures du matin, épuisée que je m’arrêtai devant un bureau dans le quartier de Wemtenga. Un monsieur vint vers moi et se présenta avant de se figer net et de soupirer que je ressemblais beaucoup à ma mère, malgré mon allure négligée. Il m’invita à entrer. Il me tendit un paquet à l’intérieur du quel, il y avait une cassette de film pour les vieux magnétoscopes. Il m’amena dans une pièce isolée, où il alluma un poste téléviseur et un vieux magnétoscope avant de me laisser. J’insérai la cassette à l’intérieur et tout de suite, je vis ma mère dans une vidéo. Ma gorge se noua d’émotions. Je pris place dans un fauteuil pour l’écouter : « Bonjour ma chérie, tu es sans aucun doute une belle fille. Je suis désolée de t’avoir laissée. Par lâcheté mais plus par honte de ce que j’ai pu ressentir dans ce qui m’ai arrivé. Tu sais, notre société africaine nie l’inceste et le suicide. Je ne sais pas quelles balivernes on a pu te raconter, mais tes grands-pères ne sont pas des hommes biens. Loin de là. Ta grand-mère Raquelle était venue de la Côte d’Ivoire au Burkina Faso pour rendre visite à sa mère, employée à la ferme de tes arrières grands- parents. Elle avait quatorze ans à l’époque et ton grand- père en avait déjà vingt-cinq. Avec son frère, ils l’a violèrent toute une nuit avant que celle-ci ne perde connaissance. Entre la vie et la mort, ses parents cédèrent à la pression d’un renvoi et donna leur fille en mariage à son plus jeune violeur. Sa vie conjugale n’a été faite que de sévices corporels et psychologiques. A quinze ans, elle tomba enceinte et m’enfanta. Je n’avais que treize ans lorsque j’appris les circonstances de ma naissance sur son lit de mort. Emportée par un cancer de sein, Mamie est partie le sourire aux lèvres en disant que même la mort la plus atroce ne saurait égaler sa vie aux côtés de ton grand- père. Je gardais en moi à cette époque une vérité bien pire. Un secret de polichinelle que tout le monde semble reléguer sous le tapis. Refusant la réalité. Mais tu sais, une fois qu’on a écarté l’impossible, ce qui reste aussi improbable soit-elle doit être la vérité. J’aimais mon père. Mon esprit a longtemps réfuté ce qui s’était passé avant que la vérité ne me gifle en pleine face. J’ai quelques brides de souvenirs parce que ces moments étaient teintés par les doses d’alcool que j’ingérais. Il était des jours où, lorsque je revenais de l’école, papa me prenait sur ces genoux, me murmurant que j’étais la prunelle de ses yeux, avant de m’inviter à goûter son délicieux vin qu’il aimait tant, jusqu’à en devenir ivre. Je me souviens par brides, de ses lèvres collées aux miennes me disant que je connaissais le bisou que papa préférait avant d’enfoncer sa langue dans ma gorge. Puis il mettait délicatement sa main sous ma jupe et me caressait les cuisses. A cette époque, il ne se contentait que de ça pour jouir. Mais plus je grandissais plus son appétit augmentait. »
A écouter ma mère, mes souvenirs étaient incroyablement similaires. J’interrompis la vidéo, hurla de douleur et m’écroula. Avant d’appuyer à nouveau sur Play.
Elle continua en larmes : « ... un jour, à mes douze ans, je venais de prendre ma douche, j’étalais de l’huile sur mon corps nu. Je sursautai en remarquant mon père sur le pas de la porte à m’observer. J’eu à peine le temps d’attraper ma serviette qu’il s’était avancé vers moi en ayant pris le soin de fermer à clé la porte derrière lui. D’un sourire diabolique, il se jeta sur moi en me disant que j’étais la prunelle de ses yeux, qu’il m’aimait tellement qu’il ne pouvait plus se retenir. Qu’on allait devenir un. Que je devais être sage si je l’aimais. Je me suis détendue, convaincue de lui prouver mon amour, même si au fond de moi, je savais que c’était mal. Il m’embrassa longuement avant de sortir de sa braguette son pénis et de me pénétrer. J’avais mal, mais lui était devenu comme un fou. Il hurlait de plaisir et me répétait qu’il m’aimait. Après un long moment, il éjacula. Puis on cogna à la porte. C’était son frère. Il entra à son tour et me pris sous le regard approbateur de mon père et mes hurlements de douleurs. C’était ainsi devenu mon quotidien. Tout le monde dans la cour, était dans la confidence. Ma mère était la seule à ignorer mon calvaire. J’en ai parlé à ma tante qui m’a demandé de garder le silence au nom de l’honneur de la famille. Elle m’a dit que les ancêtres seraient contre moi si pareille accusation sortait. Je gardai donc le silence devenant ainsi leur complice. Ce silence quand venait la nuit, il était assourdissant. Au fil du temps, par moment, il m’arrivait de ressentir un certain plaisir malsain quand ils me prenaient à deux. Ton oncle Joseph avec qui j’ai été au lycée a été mon seul amour et mon seul soutient. Tu étais le fruit de ma peine et j’ignorais qui était ton père. Mon oncle ou mon père ? T’avorter était impensable, je t’aimais déjà beaucoup trop. Mais je ne pouvais plus supporter ma vie ou le poids de tes pères sur moi malgré ma grossesse. Je pris alors la décision la plus horrible. Tu m’as donné le courage d’aller à terme de ma grossesse. J’ai atentendu d’entendre tes cris et de te voir avant de me donner la mort sur mon lit d’hôpital. Je te supplie de me pardonner. Si je partage avec toi cette histoire, c’est parce que j’espère que tu auras hérité du courage de ta grand-mère. Je te demande de faire ce que je n’ai pas fait. Rompt la chaine de ce silence. Je souhaite que tu sois moins abîmée que moi. Je t’aime... »
C’est ainsi que s’est achevé le film de la vie de ma mère et par extension la mienne. Je quittai le bureau de Joseph d’un pas décidé. Me dirigeant vers le commissariat le plus proche. Je portais encore entre mes jambes les preuves de ce que mes pères m’avaient fait hier. Si pour ma grand-mère et ma mère, il y a prescription aux yeux de la loi, pour moi pas... mon père répondra de ses actes. Et si ma famille doit en mourir, elle MOURA.