Un Noël Noir

Toute histoire commence un jour quelque part. Celle-ci se déroule dans un quartier paisible de Cotonou où se fêtait comme partout ailleurs, la naissance du fils de Dieu le Père.
-Tu vas à l'église ?
-Je ne sais pas maman.
-Il ne faut pas sortir mon fils. Vas à l'église. Moi je vais m'apprêter si tu veux on y va ensemble.
Je ne dis rien et je vais dans ma chambre sur mon lit. J'écris à ma petite amie.
-Bb? J'ai hâte qu'on se voit. Tu me manques tellement.
-Oh toi aussi chérie mais j'ai une mauvaise nouvelle. Mes parents insistent pour qu'on fête en famille. Du coup, je ne sais pas si je pourrai me libérer. Mais je te dirai chéri. Ne te fâche pas s’il te plaît. Au pire on se choppe le matin ou en journée.
Toute ma bonne humeur s'est évaporée en une seconde. J'étais tellement chaud pour cette soirée. On verra ce que la soirée nous réserve.
-Je suis prête, tu es où? Bon si tu ne veux pas y aller viens me déposer à l'église. Non laisses tomber tu iras te balader après. Je vais me débrouiller.
Je ne voulais même pas sortir maintenant ça m'arrange. Elle part et je vais me coucher. Papa aussi fait de même. Je me relève, je m'habille et je sors.
-Tu vas ou?
Ma sœur était assise et regardais le spectacle du voisinage. Je la rejoins alors.
-Nulle part encore. J'attends qu'on m'appelle. Je n'ai pas envie de rester à la maison ce soir.
-T'as dit à papa?
-Non il dort.
Soudain des amis passent. Je me dirige vers eux pour serrer le plan. On se salut et on discute
-Les gars, ça va où?
-A la plage frère, le grand frère d’Hector fait une fête. On fait juste un tour pour voir la météo.
Nous nous dirigeâmes tous vers la plage. Arrivés sur les lieux, la météo était fade. Ben reçus un coup de fil et s'écarta.
-Mais c'est vraiment le frère d’Hector qui a organisé ça?
-Ah c'est ce qu'on vient de constater.
Hector vient vers nous, ainsi que Ben.
-Les gars, j'ai un méchant plan avec une sale météo. Ceux qui veulent suivre n'ont qu'à se manifester.
Sans plus tarder nous avons commencé à quitter les lieux. Sur le chemin je rencontre Yoan et Rock. Anciens camarades de classe on se retrouve après un long moment.
-Bro ! il y a trois jours. Je n'ai plus jamais eu de tes nouvelles.
-Oh Yoan ça fait longtemps vraiment. Qu'est ce qui t'emmène ici?
-Rien de spécial j'avais le choix entre l'église et sortir mais Rock m'a proposé le plan du frère d'Hector. J'aurais dû refuser apparemment.
On avance, on discute, on sort de la plage. Ben et les autres étaient encore derrière pendant que Yoan et moi continuions et il me demanda :
-Tu sais où je peux trouver un zem (taxi-moto) rapidement pour rentrer chez moi?
-Vu l'heure, tu vas marcher jusqu'au pavé et ils vont te taxer.
Soudain on aperçut une moto qui venait dans notre direction à vive allure. Qu'est ce qui se passe? Pourquoi tant de pression? Qui les pourchasse ? A notre grande surprise, une voiture de police était à leur trousse. Qu'ont-ils fait?
Pris de panique, Nous qui n'avions pas nos papiers prîmes la fuite. Yoan me suivit dans ma course tandis que tous les autres se retournèrent. Arrivés au bout de la ruelle que nous avions empruntée se tenaient deux policiers qui fonçaient sur nous.
-Arrêtez-vous ?
Nous nous sommes retournés aussitôt. La deuxième tentative fut bloquée par la voiture de patrouille qui se tenait juste devant nous. Que faire? Nous sommes pris en sandwich. Arrivés à notre niveau, ils n'y sont pas allés de mains molles.
-Allongez-vous! Les mains sur la tête. Sortez les armes que vous avez sur vous.
Étrange question... Quelles armes? Il est normal ? A peine Yoan réponds que j'entends un coup de feu.
-On n’a pas d'armes sur nous. Fouillez-nous.
GBA! GBA! Que se passe-t-il ? Il a ouvert le feu sur nous ? Ou c'est des pétards. Une force surnaturelle m’a relevé du sol où l'impact de la balle ma propulsé. GBA! Dernier coup de feu. Film ou réalité ? J'essaie de me lever et je tombe. Ma jambe ne répondait plus.
-Yoan? Yoan?
Il ne me répondait plus. Rock courut au loin et vint voir ce qui se passe. L'attroupement se fait en 3 secondes à quelques mètres de la scène.
-Cris! Pourquoi ? Yoan? Merde il est mort. Que vais-je dire à ses parents ? Pourquoi vous avez courus ? Samy pourquoi ?
A peine je voulais lui répondre qu’un policier se dirigea vers lui.
-Si tu ne dégages pas de là, je vais te dégonfler !!!
Sur ces mots, il s'écarta les larmes aux yeux. Ma mère me disait de ne pas sortir. La sienne aussi sûrement. Qu'avons-nous fait ? Je perdais du sang j'étais au sol. J'aperçus ma sœur qui n'y croyais pas, elle me vit et fondis en larmes. La foule s'agrandissait, les policiers réquisitionnèrent un homme musclé qui nous dépose Yoan et moi dans la voiture de patrouille. Peut-être aurait-il survécu s’ils nous avaient conduits aussitôt à l'hôpital. Mais non, ils perdaient le temps. Ils furent obligés de quitter les lieux à cause de la foule. Pourquoi ont-ils tirés sur nous? Je me le demandais. Ils semblèrent paniqués, le tireur était frustré.
La voiture s'arrêta devant une maison où se tenait une réception. Ils descendirent et discutèrent entre eux. Une autre voiture vint les rejoindre. L'un des policiers demanda à celui qui a tiré :
-Avez-vous palpé les suspects ?
-Oui chef.
A ces mots, ils prirent son arme, j'avais toute mon attention sur eux. Je saignais beaucoup. Ils reçurent un coup de fil. Ils embarquèrent et allèrent sur les lieux. La douleur prenait le dessus, ma cuisse enflait. On arriva devant une clinique. Je pensais que c'était pour me soigner mais ils nous laissèrent dans la voiture et allèrent à l'intérieur. Les policiers sortirent avec deux agents de soins, ils discutèrent.
Entre-temps, ma sœur informa mon père que les policiers avaient tiré sur moi. Mon père ne s’en revenait pas surtout que pour lui, je devais me trouver dans ma chambre en ce moment.
Soudain, j'aperçus la voiture de mon père qui se garait. Il descendit et regarda dans la voiture de patrouille.
-Papa! Je suis ici!
-Mon fils! Tu as fait quoi? Pourquoi tu es sorti sans me dire !
A peine il finit sa phrase qu’un policier lui fonça dessus.
-Monsieur circulez! Vous n'avez rien à faire ici.
-Je suis le Major LOUIS et lui, c'est mon fils.
- Allez nous attendre à la base. Nous faisons notre travail.
-Il saigne laissez-moi l'emmener à l'hôpital.
-Non c'est impossible. Allez à la base, nous ne tarderons pas.
Il baissa la tête, ne dit plus rien et partit dans sa voiture, puis attendit que la patrouille se mette en route.
Au même moment, dans la voiture.
-Qui t’a autorisé à parler? Fais ça encore et nous allons t'abattre. Braqueur !
Braqueur ? Moi? Ça c'est la meilleure. Il tire sur moi de sang-froid et me traite de braqueur pour camoufler son forfait. Mon ami est mort en vain? Dieu sauve-moi !
On vint à la base. La voiture s'arrêta :
-Sors de la voiture !
-Pardon chef, je ne sens plus ma jambe je ne peux pas bouger.
-Sors de la voiture je dis, où je te tire et tu tombes parterre comme un sac de maïs.
-Pardon aidez-moi.
Un des leurs soulève Yoan et le dépose à terre. Il me soulève et va me déposer sur un banc dans la salle d'attente. Je saigne toujours, il sort et rejoint les autres. Soudain un homme entra et demanda à l'agent qui était à l'accueil :
-Bonsoir monsieur je suis le Colonel BONOU. Je viens d'être informé que mon fils a été arrêté. Il est où?
Le policier ne lui répond pas.
-Bonsoir votre fils est mort. Ils lui ont tiré dessus. Il est allongé près de leur voiture.
Il me regarda, vit le sang puis sortit vérifier.
-Toi on t'a mis là pour parler?
Un autre policier vint.
-Il fait quoi là?
-C'est un des braqueurs qu'ils ont interceptés cette nuit chef.
-Allez bouclez-le ! On va régler son cas.
-Allez debout on y va.
-Pardon chef, je ne peux pas marcher aidez-moi !
-Mets-toi au sol vite. Faut ramper.
N’ayant pas le choix j’exécutai son ordre et entrai dans une cellule. Cris! Pleurs! J'entends une mère qui pleure la mort de son enfant. Son père a constaté les faits et a informé sa mère sûrement. Vais-je saigner jusqu'à mourir ? Dieu protège-moi. Mon père insistait pour m'emmener à l'hôpital, mais ils le rabrouaient à chaque fois.
-Toi tu as fait quoi et ils ont tiré sur vous? Me demanda un compagnon de cellule.
-Rien. On rentrait chez nous. Ils poursuivaient d'autres personnes et sont tombés sur nous.
Pendant ce temps je saignais, le temps passe je sens la vie me quitter. Mon sang est plein sur le sol. Un autre me dit :
-Tu saignes beaucoup. Le matin tu vas tout nettoyer.
Je le regarde et je ferme les yeux. Un autre me tape.
-Si tu t'endors tu ne te réveilleras plus. Luttes !
J'ouvre les yeux, je le regarde et tout bas je murmure. « Dieu protège-moi ». Ils vinrent ouvrir la cellule enfin et autorisèrent mon père à m'emmener à l'hôpital. Il tenta de me soulever sans y parvenir. Un des policiers vint l'aider. Ils m’installèrent dans la voiture de mon père. Je m'allongeai à l'arrière. Deux policiers armés vinrent me dire de me redresser qu’ils vont partir avec nous. Mais je ne pouvais pas j'avais très mal.
-Vous l'emmenez où?
-Au Camp Guezo
-Pas question, nous devons le présenter le matin. Il ira dans une clinique à côté et on revient. Mon père n'en revenait pas, il pleurait. Il me regarda et me dit dans notre langue :
-On te dit de rester à la maison mais tu n'écoutes pas. Ce que je crains c'est qu'ils amputent ta jambe.
Il se tût et se mit en route. Arrivés à la clinique, dans la souffrance ils me sortirent de la voiture et m'emmenèrent en salle de soin. Le docteur consulta ma jambe.
-C'est au-dessus de mes compétences. Il faut qu'il aille au CNHU.
-Impossible nous devons le présenter le matin. Faites quelque chose.
-Je suis désolé mais sa vie est en jeu. Soit vous l'emmenez, soit j'appelle une ambulance.
-D’accord en route pour le CNHU.
Ils me déposèrent dans la voiture dans une position qui amplifiait la douleur. Arrivé au CNHU, on me déposa au sol. Il a fallu négocier une chambre. Mes sœurs arrivèrent. Elles commencèrent à passer des coups de fils. Mon sang continuait de couler. La vie me quittait petit à petit. Ma sœur a remarqué et commença à me parler pour s'assurer que j’étais toujours là.
-Tiens bon frère, résiste, si tu t'endors c'en est fini. Penses aux parents, à ton avenir, à nous, à ta petite amie, à Yoan. Restes avec nous.
- Je vais essayer dada.
Je comptais bien réaliser mes rêves et je ne partirai pas sans les avoir concrétisés. Une chambre me fut octroyée. Les policiers me menottèrent au lit. Un médecin vint me donner les premiers soins pour me maintenir en vie et stopper le saignement. Les policiers insistaient pour me ramener au commissariat. Puis l'un d'entre eux reçut un coup de fil. Il sortit pour décrocher. Le temps passait. Il est 8h, je suis menotté au lit et le saignement a stoppé. La jambe a enflé par contre, puis je ne la sentais plus.
-Tu vas manger quelque chose ?
-Non papa je n'ai pas faim. Le policier qui était au téléphone revint.
-Maintenez-le éveillé. Un agent est en route pour prendre sa déclaration. Il sera là d'une minute à l'autre.
-Il ne peut pas être interrogé dans cet état. Pourquoi tant de pression ?
Un type en civil entra dans la chambre. Il s'agissait de l'agent chargé de prendre ma déclaration. Mon père est resté car j'étais encore mineur. Puis il commença. On aurait dit qu'ils faisaient une course contre la montre. Je répondais avec peine quand mon avocat fit son entrée. J'étais rassuré. Le policier finit son interrogatoire et sortit. Il discuta avec les deux autres agents et partit.
- Si ton père n'est pas là et quelqu'un essaye de t'interroger en son absence dis-lui de l'attendre et que tu ne parlerais qu’en présence de ton avocat. Sinon ils vont te manipuler.
-D’accord Maître.
Il sortit de la chambre avec ma sœur pour discuter. Je voulais me reposer quand un homme entra dans la chambre.
-Vous êtes qui vous? Vous cherchez qui? demanda arrogamment l’un des policiers.
-Bonjour. C’est comme ça qu’on parle à ses aînés? lui demanda poliment le nouvel arrivé.
-Présentez-vous!
- Je suis le Procureur de la République. Vous devriez essayer de parler poliment aux gens.
-Excusez-moi monsieur le Procureur, vous pouvez continuer.
Le Procureur lui dit alors :
-Sortez! Vous pourrez entrer quand j'en aurai fini.
Il s'écarta et le procureur vint vers moi. Mon Père se leva pour le saluer, ma sœur revint aussi et eut l'air surprise de le voir là. Il me fit face et me demanda :
-Comment te sens-tu ? Tu tiens le coup ?
-Oui monsieur. Les douleurs continuent mais ma plus grosse crainte est de perdre ma jambe.
Il leva les yeux et vit que j’étais menotté au lit.
-Malgré ton état ils t'ont menotté. Tu peux t’enfuir dans cet état? Vraiment ! Tu te sens en état de me dire ce qui s'est passé ?
-Oui monsieur.
Je lui racontai tout.
-Mais c'est très grave ! Tiens le coup, la lumière sera faite sur cette histoire.
Il appela l’un des policiers et lui dit :
-Enlevez-lui les menottes. Repartez dans votre base, vous êtes dessaisis de l'affaire.
Le policier s’exécuta puis sortit informer son partenaire. Mon père remercia le Procureur qui lui promit que la lumière sera faite sur cette affaire. L’affaire était dorénavant aux mains de la gendarmerie. Des gendarmes furent dès lors dépêchés pour assurer ma protection. Leurs supérieurs arrivèrent un peu plus tard.
-Bonjour monsieur ici le capitaine MOTIBA. C’est moi qui suis chargé de l'enquête.
-Moi, c'est le Major LOUIS. Vous avez fait vite.
Mon père discuta un bon moment avec le capitaine qui m’interrogea aussi sur ce qui s’était passé. Mon père était soulagé car ma sécurité était désormais garantie.
Pendant ce temps, au quartier, la police procédait à des recherches sur les lieux de leur forfait. La population ayant aperçu le véhicule de police, se rassembla pour protester. Sur les chaînes de télévision la police fit une conférence de presse où elle raconte avoir abattu un braqueur armé, et blessé son acolyte. Qu'elle aurait également trouvé une arme artisanale et des talismans.
Mais de quoi parlent-ils? De qui ils parlent? Nous, armés ? Me demandai-je.
On dit souvent qu'un malheur n'arrive jamais seul et c'était le cas. Il s'avérait que ma jambe devait être amputée car la balle avait brisé mon os du fémur.
-Mon fils, soit fort le médecin a dit qu'ils ne peuvent plus rien faire pour ta jambe.
-Donc, ils vont l'amputer? Non papa je préfère rejoindre Yoan que de vivre comme ça.
-Ne dis pas ça mon fils, tiens bon on trouvera une solution.
Le 31 décembre, j’étais transféré à l’hôpital du Camp Guezo. Là-bas, j’avais des chances d’être sauvé de l'amputation. Les policiers cherchaient toujours un moyen de m'atteindre car j’étais devenu un témoin gênant.