Elle arriva en dernier dans les vestiaires. Toutes ses coéquipières l’attendaient pour débuter la danse de la joie. 3-0 ! Elles avaient enfin réussi à battre cette équipe rivale. La malédiction était rompue. Tania leur sourit et se mit au centre du cercle. Puis, ce fut une explosion de hurlements, de cris et de sauts pour fêter la victoire tant espérée. Après quoi, chacune partit aux douches. Sauf Tania. Elle resta là, à observer les maillots de ses partenaires de foot, désormais devenues des membres de sa famille. Le rouge s’immisça dans ses pupilles, devenant plus vif à chaque seconde. Elle passa une main sur l’un des T-shirts. C’était comme si les pigments de leur couleur explosaient pour se frayer un chemin direct vers son cœur. Elle fixa ensuite la blancheur des lettres de son club, Dourdan, puis sourit. Elle avait toujours été une fine observatrice, mais désormais, rien ne lui échappait. Pas le moindre petit détail. Elle détourna le regard à regret, prenant, elle aussi, la direction des douches.
De retour chez elle, à Cergy, Nolwenn s’affala sur son canapé. Elle ne voulait parler à personne. La soirée avait été décevante. Des images refirent surface. Elle revit cette fille réussir à lui arracher la balle des pieds à chaque fois qu’une bonne occasion se présentait, anticiper chacune de ses passes. Quelle poisse... Mais elle avait beau s’en vouloir, elle ne pouvait nier l’évidence. Depuis un certain temps, elle sentait tout. Et ce soir-là, alors qu’elle venait de poser le pied sur le terrain, elle avait su. Son équipe perdrait. Et le regard perçant de cette fille la hantait. Bien sûr, elle était chargée de la marquer, mais il y avait quelque chose de plus profond dans tout ça. Quelque chose qui la tourmentait. Ce regard lui semblait familier. Alors, oui, elle avait entendu parler d’elle. Mais ce n’était pas ça. C’était véritablement comme si ses yeux lui avaient parlé tout le long du match, et à chaque regard plus ou moins appuyé, son cœur avait sursauté. Comment était-ce possible ? Jamais elle n’avait ressenti ça pour une femme. Elle alluma la télé pour tenter d’échapper à ses tourments.
Tania se mit en route pour l’entraînement. Elle partait toujours en avance pour pouvoir méditer sur la beauté de la nature. Le printemps arrivait et avec lui, ses couleurs chatoyantes qui paraient les mille et une fleurs de sa région. Le vert des pelouses l’éblouissait aussi. Et à chaque fois, la même question s’imposait : comment n’avait-elle pas remarqué ça plus tôt ? Elle sortit la lettre qu’elle avait reçue la veille et suivit les caractères imprimés de son doigt. Le prochain rendez-vous était proche. Plus qu’une semaine pour savoir. Ses paupières se fermèrent dans un instant d’émotion. Vingt minutes plus tard, elle était arrivée au centre d’entraînement de son équipe pour le débriefing d’après-match. Ses cheveux dégoulinaient, mais le soleil avait remplacé les averses et le ciel lui offrait un spectacle magique. Elle s’arrêta sur le trottoir pour admirer l’arc-en-ciel qui se dessinait au-dessus de sa tête et dont les couleurs s’intensifiaient toujours plus. Une larme coula le long de sa joue. Puis, lorsque la magie s’évapora, elle se dirigea vers la salle où on l’attendait. Mais cette fois-ci, c’était différent. Elle n’arriva pas à se concentrer tant elle ne pouvait quitter des yeux son adversaire à l’écran.
- Qu’est-ce qui t’arrive, Nolwenn ?
Benjamin, son frère, la fixait du regard, comme pour percer le secret qu’elle tentait de garder depuis quelque temps.
- Je me sens bizarre depuis... depuis le dernier match.
- Explique-moi...
- Je n’arrête pas de penser à une personne...
- Ah ah, je le savais !, s’exclama Benjamin. Ton entraîneur, c’est ça ? Je me suis toujours douté qu’il y avait un truc entre vous.
Nolwenn sentit ses joues s’enflammer, puis baissa les yeux, avant de murmurer :
- Non, Ben... Je parle d’une femme...
Les mots qu’elle retenait prisonniers en elle étaient sortis sans crier gare. Elle osa un regard vers son frère, et lut de l’étonnement sur son visage. Puis, après un long silence, il lui lança avec douceur :
- Une femme, un homme... Du moment que tu es heureuse, ça me va. Tu as déjà tellement souffert. Tu mérites d’être heureuse.
Elle ne sut trop quoi répondre, mais esquissa un léger sourire. Ce trouble qui s’était immiscé en elle, elle ne le comprenait pas vraiment. Tout ce qu’elle savait, c’était que son cœur se mettait à battre un peu plus fort à la seule pensée de cette joueuse. C’était surtout son regard qui la troublait.
- C’est quand ton prochain rendez-vous ?, lui demanda Benjamin, sentant sans doute qu’elle ne souhaitait pas s’attarder tout de suite sur ce sujet.
- Demain, lui répondit-elle d’un air reconnaissant. J’ai hâte de savoir.
Le grand jour était arrivé. Tania décida de marcher jusqu’à son lieu de rendez-vous. Arrivée devant le bâtiment, elle prit une grande inspiration, puis se glissa dans un ascenseur qui la déposa au troisième étage. Elle parcourut le long couloir, entra dans la salle d’attente. Elle était vide, à l’exception d’un homme d’une quarantaine d’années qu’elle salua et qui lui sembla troublé à sa vue. Tania regarda sa montre. Un quart d’heure d’avance. Tant mieux. Elle allait pouvoir feuilleter un magazine pour se détendre un peu. Lorsqu’elle se pencha vers la table basse qui accueillait les revues, elle sentit le regard de l’homme s’attarder sur elle. Elle lui jeta un bref coup d’œil et fut surprise de voir que ses yeux brillaient d’émotion. Gênée, elle détourna le regard et fit mine de lire un article pour éviter de croiser de nouveau son regard.
- Vous avez des yeux magnifiques...
La voix tremblante, l’homme lui avait adressé la parole. Elle lui sourit faiblement pour le remercier, cherchant à ne pas l’encourager à lui parler davantage. Son cœur cognait fort dans sa poitrine. Elle contrôla l’heure. Plus que dix minutes. Pourquoi il n’y avait personne d’autre dans cette salle d’attente ? Peut-être qu’elle pourrait faire un tour dans le couloir, prétexter un appel pour s’éloigner un peu de cet homme qui la mettait mal à l’aise. Elle prit une grande inspiration et décida de se plonger dans la lecture d’un article sur la Mongolie. Mais elle avait beau fixer les mots, son cerveau n’imprimait le sens d’aucun d’eux. Sortant son portable, elle contrôla si elle avait reçu de nouveaux messages. Rien. Alors, elle lança un jeu et tenta de se concentrer dessus, cherchant à oublier cette présence qui la contrariait. Sans s’en rendre compte, le temps passa plus vite qu’elle ne le réalisa et la secrétaire vint prononcer son nom. Elle rangea hâtivement son portable dans son sac et la suivit jusqu’à la porte 306.
Le médecin l’accueillit avec un large sourire.
- Bonjour, Tania. Comment allez-vous ?
- Très bien, merci.
Elle posa son regard sur les chaises installées en petit cercle dans la salle. Il y en avait quatre. Elle lança un regard interrogateur au médecin.
- Nous attendons deux autres personnes, d’où le nombre de chaises.
Tania s’apprêtait à répondre lorsqu’une personne entra dans la salle. Lorsque son regard se posa sur elle, elle ne put s’empêcher de sursauter. Là, en face d’elle, se trouvait une jeune femme qu’elle avait croisée récemment. Elle examina sa bouche maquillée de rouge coquelicot et ses paupières parées de beige nacré. L’autre femme sembla tout aussi surprise et posa une main sur son cœur.
- Mais, on se connaît...
- Qu’est-ce que..., lança Tania au médecin. Ce dernier sourit et lui indiqua le seuil de la porte en guise de réponse. Là, se tenait l’homme qui avait partagé la salle d’attente avec elle quelques instants auparavant.
- Nous sommes au complet. Tania... Nolwenn... Je vous présente Tom, l’époux de Marie Dubois... La patiente grâce à laquelle vous pouvez voir, Tania, et celle grâce à qui votre cœur bat, Nolwenn...
Elles se regardèrent, les larmes aux yeux. C’était donc ça... Alors, sans réfléchir, elles se précipitèrent vers Tom pour le serrer dans leurs bras.
De retour chez elle, à Cergy, Nolwenn s’affala sur son canapé. Elle ne voulait parler à personne. La soirée avait été décevante. Des images refirent surface. Elle revit cette fille réussir à lui arracher la balle des pieds à chaque fois qu’une bonne occasion se présentait, anticiper chacune de ses passes. Quelle poisse... Mais elle avait beau s’en vouloir, elle ne pouvait nier l’évidence. Depuis un certain temps, elle sentait tout. Et ce soir-là, alors qu’elle venait de poser le pied sur le terrain, elle avait su. Son équipe perdrait. Et le regard perçant de cette fille la hantait. Bien sûr, elle était chargée de la marquer, mais il y avait quelque chose de plus profond dans tout ça. Quelque chose qui la tourmentait. Ce regard lui semblait familier. Alors, oui, elle avait entendu parler d’elle. Mais ce n’était pas ça. C’était véritablement comme si ses yeux lui avaient parlé tout le long du match, et à chaque regard plus ou moins appuyé, son cœur avait sursauté. Comment était-ce possible ? Jamais elle n’avait ressenti ça pour une femme. Elle alluma la télé pour tenter d’échapper à ses tourments.
Tania se mit en route pour l’entraînement. Elle partait toujours en avance pour pouvoir méditer sur la beauté de la nature. Le printemps arrivait et avec lui, ses couleurs chatoyantes qui paraient les mille et une fleurs de sa région. Le vert des pelouses l’éblouissait aussi. Et à chaque fois, la même question s’imposait : comment n’avait-elle pas remarqué ça plus tôt ? Elle sortit la lettre qu’elle avait reçue la veille et suivit les caractères imprimés de son doigt. Le prochain rendez-vous était proche. Plus qu’une semaine pour savoir. Ses paupières se fermèrent dans un instant d’émotion. Vingt minutes plus tard, elle était arrivée au centre d’entraînement de son équipe pour le débriefing d’après-match. Ses cheveux dégoulinaient, mais le soleil avait remplacé les averses et le ciel lui offrait un spectacle magique. Elle s’arrêta sur le trottoir pour admirer l’arc-en-ciel qui se dessinait au-dessus de sa tête et dont les couleurs s’intensifiaient toujours plus. Une larme coula le long de sa joue. Puis, lorsque la magie s’évapora, elle se dirigea vers la salle où on l’attendait. Mais cette fois-ci, c’était différent. Elle n’arriva pas à se concentrer tant elle ne pouvait quitter des yeux son adversaire à l’écran.
- Qu’est-ce qui t’arrive, Nolwenn ?
Benjamin, son frère, la fixait du regard, comme pour percer le secret qu’elle tentait de garder depuis quelque temps.
- Je me sens bizarre depuis... depuis le dernier match.
- Explique-moi...
- Je n’arrête pas de penser à une personne...
- Ah ah, je le savais !, s’exclama Benjamin. Ton entraîneur, c’est ça ? Je me suis toujours douté qu’il y avait un truc entre vous.
Nolwenn sentit ses joues s’enflammer, puis baissa les yeux, avant de murmurer :
- Non, Ben... Je parle d’une femme...
Les mots qu’elle retenait prisonniers en elle étaient sortis sans crier gare. Elle osa un regard vers son frère, et lut de l’étonnement sur son visage. Puis, après un long silence, il lui lança avec douceur :
- Une femme, un homme... Du moment que tu es heureuse, ça me va. Tu as déjà tellement souffert. Tu mérites d’être heureuse.
Elle ne sut trop quoi répondre, mais esquissa un léger sourire. Ce trouble qui s’était immiscé en elle, elle ne le comprenait pas vraiment. Tout ce qu’elle savait, c’était que son cœur se mettait à battre un peu plus fort à la seule pensée de cette joueuse. C’était surtout son regard qui la troublait.
- C’est quand ton prochain rendez-vous ?, lui demanda Benjamin, sentant sans doute qu’elle ne souhaitait pas s’attarder tout de suite sur ce sujet.
- Demain, lui répondit-elle d’un air reconnaissant. J’ai hâte de savoir.
Le grand jour était arrivé. Tania décida de marcher jusqu’à son lieu de rendez-vous. Arrivée devant le bâtiment, elle prit une grande inspiration, puis se glissa dans un ascenseur qui la déposa au troisième étage. Elle parcourut le long couloir, entra dans la salle d’attente. Elle était vide, à l’exception d’un homme d’une quarantaine d’années qu’elle salua et qui lui sembla troublé à sa vue. Tania regarda sa montre. Un quart d’heure d’avance. Tant mieux. Elle allait pouvoir feuilleter un magazine pour se détendre un peu. Lorsqu’elle se pencha vers la table basse qui accueillait les revues, elle sentit le regard de l’homme s’attarder sur elle. Elle lui jeta un bref coup d’œil et fut surprise de voir que ses yeux brillaient d’émotion. Gênée, elle détourna le regard et fit mine de lire un article pour éviter de croiser de nouveau son regard.
- Vous avez des yeux magnifiques...
La voix tremblante, l’homme lui avait adressé la parole. Elle lui sourit faiblement pour le remercier, cherchant à ne pas l’encourager à lui parler davantage. Son cœur cognait fort dans sa poitrine. Elle contrôla l’heure. Plus que dix minutes. Pourquoi il n’y avait personne d’autre dans cette salle d’attente ? Peut-être qu’elle pourrait faire un tour dans le couloir, prétexter un appel pour s’éloigner un peu de cet homme qui la mettait mal à l’aise. Elle prit une grande inspiration et décida de se plonger dans la lecture d’un article sur la Mongolie. Mais elle avait beau fixer les mots, son cerveau n’imprimait le sens d’aucun d’eux. Sortant son portable, elle contrôla si elle avait reçu de nouveaux messages. Rien. Alors, elle lança un jeu et tenta de se concentrer dessus, cherchant à oublier cette présence qui la contrariait. Sans s’en rendre compte, le temps passa plus vite qu’elle ne le réalisa et la secrétaire vint prononcer son nom. Elle rangea hâtivement son portable dans son sac et la suivit jusqu’à la porte 306.
Le médecin l’accueillit avec un large sourire.
- Bonjour, Tania. Comment allez-vous ?
- Très bien, merci.
Elle posa son regard sur les chaises installées en petit cercle dans la salle. Il y en avait quatre. Elle lança un regard interrogateur au médecin.
- Nous attendons deux autres personnes, d’où le nombre de chaises.
Tania s’apprêtait à répondre lorsqu’une personne entra dans la salle. Lorsque son regard se posa sur elle, elle ne put s’empêcher de sursauter. Là, en face d’elle, se trouvait une jeune femme qu’elle avait croisée récemment. Elle examina sa bouche maquillée de rouge coquelicot et ses paupières parées de beige nacré. L’autre femme sembla tout aussi surprise et posa une main sur son cœur.
- Mais, on se connaît...
- Qu’est-ce que..., lança Tania au médecin. Ce dernier sourit et lui indiqua le seuil de la porte en guise de réponse. Là, se tenait l’homme qui avait partagé la salle d’attente avec elle quelques instants auparavant.
- Nous sommes au complet. Tania... Nolwenn... Je vous présente Tom, l’époux de Marie Dubois... La patiente grâce à laquelle vous pouvez voir, Tania, et celle grâce à qui votre cœur bat, Nolwenn...
Elles se regardèrent, les larmes aux yeux. C’était donc ça... Alors, sans réfléchir, elles se précipitèrent vers Tom pour le serrer dans leurs bras.