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Madame m'a lâché la main et elle est morte. Aussi simplement que cela. Je m'y attendais mais j'ai été surprise, finalement. À force, je pensais que ça n'arriverait pas, ou alors pas avant longtemps.
J'ai joint ses mains sur sa poitrine et je suis sortie. C'est en refermant la porte de sa chambre que j'ai pris conscience que la maison était vide. Qu'il n'y avait plus que moi.
Je suis allée dans le bureau pour téléphoner à ses enfants, d'abord parce qu'il fallait bien que je les prévienne, et puis pour entendre la voix de quelqu'un de vivant.
C'est la fille aînée que j'ai appelée. Elle n'était pas passée depuis huit jours et elle a eu l'air surprise, comme moi. Pourtant le docteur nous l'avait bien dit la dernière fois : « Ça ne tient qu'à un fil. »
Elle avait quand même demandé des nouvelles, deux fois dans la semaine.
Je n'avais pas su quoi lui répondre, sinon que c'était comme d'habitude. Madame dormait beaucoup, mangeait peu, ne souffrait pas, comme les autres jours. Elle me répondit, comme chaque fois, combien ses frères et elle m'étaient reconnaissants de m'occuper de leur mère, qu'elle aurait bien aimé le faire elle-même, mais que c'était impossible parce que « vous savez bien, Mariette, je n'ai pas besoin de vous en dire davantage ».
Je ne savais rien du tout, en fait. Leur vie ne m'intéressait pas. Seule Madame était l'objet de mon attention, et puis c'était mon travail. Garde de jour et de nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
J'ai fait ce qu'elle m'a dit, j'ai appelé le docteur. « Ma pauvre Mariette, m'a-t-il dit, on se demande comment elle a duré si longtemps, plus rien ne fonctionnait. » Pourtant, ai-je pensé, elle souriait, me parlait et elle aimait me tenir la main avant de s'endormir. Puis il a fait le nécessaire pour le reste ou ce sont les enfants... Je n'en sais rien. Ça ne me concernait plus.
C'est le soir que j'ai pleuré. Je suis allée dans la cuisine et, machinalement, j'ai préparé un potage pour elle. C'est là que le chagrin m'a prise.
Le lendemain, ils sont tous arrivés. Je les ai laissés et je suis montée dans ma chambre faire ma valise.
J'avais passé presque un an dans cette maison, mais je n'étais pas inquiète pour mon avenir. Pour ce genre de travail, il n'y a pas de chômage.
Quand je suis redescendue, un des fils m'a demandé où était le solitaire de sa mère. J'ai dit qu'il devait être dans sa boîte à bijoux, mais ils avaient cherché et ne l'avaient pas trouvé. Je l'ai suivi dans la chambre et j'ai vu que ses frères fouillaient partout. Et puis je me suis rappelé que Madame avait voulu que je le lui passe au doigt la semaine précédente. C'était sa bague de fiançailles, mais elle lui allait encore ; elle était même un peu large pour ses doigts amaigris. Sans doute la portait-elle toujours, je ne me souvenais pas de la lui avoir retirée.
Les fils se sont mis en colère. Madame était maintenant dans une chambre funéraire. On ne garde plus les morts chez soi, aujourd'hui, et ils avaient peur que quelqu'un ait subtilisé la bague. J'ai eu l'impression qu'ils me soupçonnaient.
Aussitôt ils y sont allés, ont constaté qu'elle portait toujours le solitaire et le lui ont retiré. J'étais soulagée qu'ils l'aient retrouvé.
Le lendemain, en partant, quand je suis passée devant le bureau, j'ai vu qu'ils fouillaient aussi par là.
La fille aînée m'a vue et est venue vers moi. Elle m'a prise dans ses bras. Elle pleurait et elle m'a remerciée. Elle m'a dit qu'ils me feraient d'excellents certificats et toutes les choses qu'on dit dans ces cas-là. Peut-être pour se rattraper.
Après l'enterrement de Madame, j'ai pris des vacances. J'ai décidé de faire une pause d'un mois. Il le fallait avant que je ne m'occupe de quelqu'un d'autre. Je le pouvais. J'étais nourrie, logée chez Madame et je ne dépensais rien de mon salaire, je n'en avais pas le loisir.
Et puis, j'ai repris un travail et j'ai reçu une lettre du notaire. Une convocation. Je le connaissais, ce notaire. Il était passé quelquefois.
Dans la salle d'attente, j'ai trouvé les enfants de Madame, mais ils m'ont à peine saluée.
Le notaire nous a reçus et nous a informés que leur mère avait fait un testament en ma faveur. Une grosse somme, d'après ce que j'ai compris.
Les enfants se sont alors énervés et l'un d'eux a dit qu'ils me feraient un procès pour abus de faiblesse. Le notaire leur a expliqué que c'était lui qui avait recueilli le testament et qu'il pouvait assurer que Madame était saine d'esprit à ce moment-là. Mais les enfants étaient furieux.
Je me suis alors tournée vers le notaire et je lui ai dit :
— C'est souvent que les personnes dont je m'occupe font des testaments en ma faveur, mais je les refuse toujours, et celui-là, je n'en veux pas non plus.
— Mais il s'agit de cent mille euros, m'a-t-il dit.
J'ai insisté : je n'en voulais pas. Puis je me suis levée, je n'ai pas salué les héritiers et je suis sortie. J'ai eu une pensée reconnaissante envers Madame. C'était la première fois qu'on me léguait une telle somme.
Dans la rue, j'ai regardé les gens autour de moi et je me suis demandé si ça se voyait que je venais de me faire un cadeau de cent mille euros. Mon honneur le valait bien.
Je me suis redressée et j'ai continué mon chemin, la tête haute. J'étais heureuse.
J'ai joint ses mains sur sa poitrine et je suis sortie. C'est en refermant la porte de sa chambre que j'ai pris conscience que la maison était vide. Qu'il n'y avait plus que moi.
Je suis allée dans le bureau pour téléphoner à ses enfants, d'abord parce qu'il fallait bien que je les prévienne, et puis pour entendre la voix de quelqu'un de vivant.
C'est la fille aînée que j'ai appelée. Elle n'était pas passée depuis huit jours et elle a eu l'air surprise, comme moi. Pourtant le docteur nous l'avait bien dit la dernière fois : « Ça ne tient qu'à un fil. »
Elle avait quand même demandé des nouvelles, deux fois dans la semaine.
Je n'avais pas su quoi lui répondre, sinon que c'était comme d'habitude. Madame dormait beaucoup, mangeait peu, ne souffrait pas, comme les autres jours. Elle me répondit, comme chaque fois, combien ses frères et elle m'étaient reconnaissants de m'occuper de leur mère, qu'elle aurait bien aimé le faire elle-même, mais que c'était impossible parce que « vous savez bien, Mariette, je n'ai pas besoin de vous en dire davantage ».
Je ne savais rien du tout, en fait. Leur vie ne m'intéressait pas. Seule Madame était l'objet de mon attention, et puis c'était mon travail. Garde de jour et de nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
J'ai fait ce qu'elle m'a dit, j'ai appelé le docteur. « Ma pauvre Mariette, m'a-t-il dit, on se demande comment elle a duré si longtemps, plus rien ne fonctionnait. » Pourtant, ai-je pensé, elle souriait, me parlait et elle aimait me tenir la main avant de s'endormir. Puis il a fait le nécessaire pour le reste ou ce sont les enfants... Je n'en sais rien. Ça ne me concernait plus.
C'est le soir que j'ai pleuré. Je suis allée dans la cuisine et, machinalement, j'ai préparé un potage pour elle. C'est là que le chagrin m'a prise.
Le lendemain, ils sont tous arrivés. Je les ai laissés et je suis montée dans ma chambre faire ma valise.
J'avais passé presque un an dans cette maison, mais je n'étais pas inquiète pour mon avenir. Pour ce genre de travail, il n'y a pas de chômage.
Quand je suis redescendue, un des fils m'a demandé où était le solitaire de sa mère. J'ai dit qu'il devait être dans sa boîte à bijoux, mais ils avaient cherché et ne l'avaient pas trouvé. Je l'ai suivi dans la chambre et j'ai vu que ses frères fouillaient partout. Et puis je me suis rappelé que Madame avait voulu que je le lui passe au doigt la semaine précédente. C'était sa bague de fiançailles, mais elle lui allait encore ; elle était même un peu large pour ses doigts amaigris. Sans doute la portait-elle toujours, je ne me souvenais pas de la lui avoir retirée.
Les fils se sont mis en colère. Madame était maintenant dans une chambre funéraire. On ne garde plus les morts chez soi, aujourd'hui, et ils avaient peur que quelqu'un ait subtilisé la bague. J'ai eu l'impression qu'ils me soupçonnaient.
Aussitôt ils y sont allés, ont constaté qu'elle portait toujours le solitaire et le lui ont retiré. J'étais soulagée qu'ils l'aient retrouvé.
Le lendemain, en partant, quand je suis passée devant le bureau, j'ai vu qu'ils fouillaient aussi par là.
La fille aînée m'a vue et est venue vers moi. Elle m'a prise dans ses bras. Elle pleurait et elle m'a remerciée. Elle m'a dit qu'ils me feraient d'excellents certificats et toutes les choses qu'on dit dans ces cas-là. Peut-être pour se rattraper.
Après l'enterrement de Madame, j'ai pris des vacances. J'ai décidé de faire une pause d'un mois. Il le fallait avant que je ne m'occupe de quelqu'un d'autre. Je le pouvais. J'étais nourrie, logée chez Madame et je ne dépensais rien de mon salaire, je n'en avais pas le loisir.
Et puis, j'ai repris un travail et j'ai reçu une lettre du notaire. Une convocation. Je le connaissais, ce notaire. Il était passé quelquefois.
Dans la salle d'attente, j'ai trouvé les enfants de Madame, mais ils m'ont à peine saluée.
Le notaire nous a reçus et nous a informés que leur mère avait fait un testament en ma faveur. Une grosse somme, d'après ce que j'ai compris.
Les enfants se sont alors énervés et l'un d'eux a dit qu'ils me feraient un procès pour abus de faiblesse. Le notaire leur a expliqué que c'était lui qui avait recueilli le testament et qu'il pouvait assurer que Madame était saine d'esprit à ce moment-là. Mais les enfants étaient furieux.
Je me suis alors tournée vers le notaire et je lui ai dit :
— C'est souvent que les personnes dont je m'occupe font des testaments en ma faveur, mais je les refuse toujours, et celui-là, je n'en veux pas non plus.
— Mais il s'agit de cent mille euros, m'a-t-il dit.
J'ai insisté : je n'en voulais pas. Puis je me suis levée, je n'ai pas salué les héritiers et je suis sortie. J'ai eu une pensée reconnaissante envers Madame. C'était la première fois qu'on me léguait une telle somme.
Dans la rue, j'ai regardé les gens autour de moi et je me suis demandé si ça se voyait que je venais de me faire un cadeau de cent mille euros. Mon honneur le valait bien.
Je me suis redressée et j'ai continué mon chemin, la tête haute. J'étais heureuse.
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