Trou noir...

Toute histoire commence un jour, quelque part, qu'elle soit dictée par le hasard ou par le destin. La sienne est belle lui dit-on souvent, il n'en disconvient guère, il a suivi son cheminement, étape par étape, et ceci d'aussi loin qu'il se souvienne, mais au delà, c'est le vide ! Sa genèse lui échappe... Ce soir encore, Benjamin s'apprête à la célébrer, une fois de plus, mais il n'arrive pas à se rappeler... Pourquoi ? Il ne le sait pas, il y était pourtant ! Pourquoi diable sa mémoire lui fait autant défaut ?

Cette interrogation le hante, presqu'une obsession elle inonde son esprit curieux et avide de casse-tête ; scientiste assumé, il ne peut se résoudre à l'acceptation. Envahi par la frustration, ce dernier s'isole... Loin de l'atmosphère festif qui règne en ces lieux, calé dans un fauteuil, il expira profondément, comme pour s'alléger, et s'enfouit dans une méditation profonde à la rencontre de son essence. Et là, c'est le déclic !

Son coeur bat la chamade, ses sens sont submergés de stimuli: ça crie, ça hurle, ça bipe, il a terriblement froid. Une sensation étrange s'empare de son fort intérieur, elle grandit et se fait oppressante, cet environnement hostile semble le pénétrer et s'unir à lui ; impuissant, il cède... Discret de nature, il ne dit mot, il a voulu se faire tout petit mais ça, ils ne l'ont pas compris. Une étreinte le saisit, ferme ; ses mains se referment sur les bras du fauteuil où il se trouve à l'instant, plongé dans les limbes de son subconscient ; il vibre et soudain, une claque, puis une autre : pris par surprise, il n'a pu ni esquiver ni se défendre. Mécontent, il fustige, grogne, proteste de toutes ses forces ; il n'en sort qu'un mélange de sons, les uns plus aigus que les autres, qu'il ne maîtrise pas. Il a pourtant compris ce toubib car il a arrêté, se dit Benjamin : “ Je n'ai rien demandé, il le sait.”
Ballotté de part et d'autre, celui-ci se sentit dépourvu de tout contrôle sur le cours des événements. Il luttait, hurlait, il n'arrêtait plus, mais ces géants décideurs, tels des dieux, semblaient disposer de sa personne à leur bon gré... Au terme de son périple, il se retrouva face à un visage qu'il n'arrivait pas à discerner : sacrée vision, tout est flou ! Planant au dessus de ce chaos de décibels qu'elle chassait au loin, la voix singulière qui s'y rattachait lui parlait, douce et familière, il se tût pour l'écouter, il la reconnaissait, c’est elle qui l'a toujours guidé jusqu'ici, tel un ange gardien. Elle l'appela une fois, 2 fois..

Une main épousa la forme de son visage dans une caresse et l'arracha de sa pseudo trance ; en ouvrant les yeux elle était là, elle se tenait devant lui : “Tu viens Benji, c'est l'heure du gâteau !” Pris d'un automatisme, il se leva ! Avait-il rêvé ? Serait il imaginable qu'il ait eu accès à ce souvenir si lointain qu'il semble être les vestiges d'une existence antérieure ? Nul Homme n'a osé prétendre jusque là se remémorer ses premières minutes de vie, Ben le sait.
Partagé entre la confusion et un soupçon de satisfaction, comme s'il venait de percer l'un des plus grands mystères de l'humanité, il suivit sa mère jusqu'à la terrasse où l'attendait ses convives. Une pensée nouvelle le gagnait petit à petit: peut-être que lui, il s'en souvient... Mais, au fond il se dit qu'aussi traumatisante qu'elle a pu être, il reste persuadé que c'était une journée pas comme les autres, le début d'une belle aventure, celle qu'il vit depuis... Et, une fois de plus aujourd'hui, comme tous les ans, il la célèbre encore car c'est de loin le plus beau cadeau qui lui ait été fait.

Prenant une profonde inspiration et conviant ses invités à le mimer, les yeux rivés vers le ciel étoilé, dans un geste ultime il leva sa coupe : “À la vie!”