« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? peut-être les deux. »
Ce courant interrogatif s'empara de ma quiétude. De ma pensée retentissait le son des cloches d'une défaite. Qu'entendais-je là de la bouche de tante Céline ? Papa n'est pas mon père ? Comment ? Celui à qui je dois tous mes efforts à l'école ? Non, ça ne pouvait pas être impossible.
Écartelé entre un sentiment de stupéfaction, de dégoût, de mépris et d'angoisse, je me précipitai entre la tante Céline et maman dont la querelle présageait nettement une bagarre.
- Johann mon chéri, ne l'écoute pas! Attends, je vais tout t'expliquer. Déclara ma mère.
- Johann, tout ce que tu as entendu c'est la vérité. Tu n'es pas de notre sang. Tu es un enfant maudit, rejetté par son propre père. Et mon frère au cœur d'ange a pris pitié de ta mère et toi. Renchérît Céline.
À l'instant, je sentis comme un grand poids au niveau de la poitrine. Comme si j'avais lourdement mangé, sans prendre le soin de disloquer ce tas de nourriture.
Tante Céline s'en alla, son tour joué. Maintenant ma mère ne pouvait plus me maintenir dupe. Du moins, pas après tous ces aveux.
Elle s'apprêtait alors à me conter cette séquence de ma vie, ignorée par son principal personnage,
quand soudain, le son du téléphone l'interrompît.
-Allô! fit-elle
-Oui, allô! Marie c'est Jules !
-Oui, doc j'ai vu ton nom s'afficher sur l'écran
-Ok, ma grande. Je suis désolée car les nouvelles ne sont pas bonnes.
-Qu'est -il arrivé ? Dis-moi !
-Robert a eu un accident et il est actuellement aux soins intensifs.
-Quoi? Oh mon Dieu !
-Maman, qui a t-il ?
Ton père, Johann, ton père. (Les deux mains sur la tête)
- Papa? Qu'est-ce qu'il a ?
-Allons à l'hôpital !
Le long de la route, les paroles de Céline ne me quittaient pas. J'étais abattu comme une feuille morte. Ma pâleur était manifeste. Il ne pouvait pas m'arriver pire. Et pourquoi mon père devrait-il se trouver en danger de mort à cette même heure? L'heure de vérité !
Nous atterîmes immédiatement dans le bureau du médecin. Car papa disait toujours que le hall n'était pas pour la famille.
A nouveau je faisais face à l'ennemi sans aucune armure possible.
La nouvelle du décès de mon père nous fut annoncé.
Je restais ébahi, me tenant face au médecin.
D'un noir d'ébène, c'était un homme aux traits d'un ancien combattant, mais aux paroles dont la douceur confondait son apparence.
-Calmez-vous donc fiston! Me dit-il.
Soyez fort, vous ne devez pas vous abandonner à l'émotion. Vous êtes un homme, et un homme, ça se doit d'être fort.
Je me posai aussitôt sur le divan en lin tout près de maman, comme si un ordre me fut donné de m'asseoir pour une prise de note plus confortable. J'étais là dos au mur, écoutant sagement mon interlocuteur. Moi qui de coutume plains ceux qui sont soumis à ce type de serment. Enfin, c'est un peu ridicule de penser que la peine tienne compte du genre. Me confiais-je en sourdine pour justifier mon état.
-Maintenant, il vous revient la tâche de vous occuper de votre mère. Poursuivît-il.
Fiston, Robert était un ami, voire beaucoup plus, un frère. Et je sais que vous étiez proches. Il vous adorait vous et votre mère. Il savait vous défendre face au monde entier. Et je ne doute pas que même dans sa mort, il ne vous veuille que du bien.
Le docteur s'en alla d'un pas précipité au signal d'un de ses agents. Je vois quelqu'un! Me fit-il d'un léger tapotage
au dos.
Ma mère, comme étrangère au sinistre spectacle ne disait mot. Mais à quoi m'attendre ?
Elle était absorbée par la douleur. La pauvre se voyait régulièrement séquestrée par les tracas de la vie. Car Céline n'avait pas tort, Robert était bien son héros. Et ça, je ne pourrai que le confirmer. Étant le mien aussi.
Toutefois, l'état de ma mère me semblait inquiétant et je me permis de lui réitérer les dires du médecin.
- Mais maman, papa est mort. Et tu ne dis rien?
Maman, Robert, ton mari, mon père!
Perdant patience, je la saisis par l'épaule, la secouant vivement, en guise d'une réanimation traditionnelle.
Je me suis accoutumé à ce geste grâce aux scènes théâtrales. C'est à croire que tout n'est pas que montage dans ces films.
Car au toucher de ma mère elle réagit enfin. Aussitôt une pluie de larmes recouvra son visage de veuve désemparée.
De retour à la maison, la funeste nouvelle convia un monde considérable. On voyait des gens de partout. Des amies et sœurs de ma mère accoururent vers nous pour témoigner leur émoi et la préparer aux rituels de veuvage.
J'aperçus la famille de mon défunt père dans un coin de la cour. A l'idée du sort qu'elle me réservait, ma crainte m'exigeait de ne point m'en approcher.
Timidement je me faufilais au milieu des pleurs, jusqu'à atteindre ma chambre. Là, je me retrouvais face à mon destin. Devant mon miroir, chaque larme qui échappait de mes yeux, me chuchotait combien j'étais malheureux. Je paniquai à l'aperçu d'éventuelles humiliations que me promettait ma condition actuelle. Robert, n'était plus là. Ce père qui m'avait été offert. Il n'était certes pas mon géniteur, mais il m'aidait à affronter mes peurs. Soudain, ses sages paroles me revinrent à l'esprit : «Les larmes ne sont aucunement un signe de faiblesse, mais l'incapacité à pouvoir les essuyer en est un.» Ma mère demeurait ma raison de vivre. Ainsi, je me promettais de lui porter secours à mon tour.
A la suite des obsèques, nous fûmes renvoyés de chez Robert. Eh oui! Ce qui était à prévoir. Car même s'il avait fait de moi son fils légitime, la loi n'est pas souvent habile à contrer les coutumes. Aussi,ma mère n'avait-elle pas conquis cette famille. Puisque tout ce qu'elle avait réussi à faire c'est faire adopter son bâtard de fils, comme ils me qualifiaient. Tout était dit, mais la vie n'avait pas dit son dernier mot. Tant que la mort n'envie pas notre vie, l'on survit.
Ce courant interrogatif s'empara de ma quiétude. De ma pensée retentissait le son des cloches d'une défaite. Qu'entendais-je là de la bouche de tante Céline ? Papa n'est pas mon père ? Comment ? Celui à qui je dois tous mes efforts à l'école ? Non, ça ne pouvait pas être impossible.
Écartelé entre un sentiment de stupéfaction, de dégoût, de mépris et d'angoisse, je me précipitai entre la tante Céline et maman dont la querelle présageait nettement une bagarre.
- Johann mon chéri, ne l'écoute pas! Attends, je vais tout t'expliquer. Déclara ma mère.
- Johann, tout ce que tu as entendu c'est la vérité. Tu n'es pas de notre sang. Tu es un enfant maudit, rejetté par son propre père. Et mon frère au cœur d'ange a pris pitié de ta mère et toi. Renchérît Céline.
À l'instant, je sentis comme un grand poids au niveau de la poitrine. Comme si j'avais lourdement mangé, sans prendre le soin de disloquer ce tas de nourriture.
Tante Céline s'en alla, son tour joué. Maintenant ma mère ne pouvait plus me maintenir dupe. Du moins, pas après tous ces aveux.
Elle s'apprêtait alors à me conter cette séquence de ma vie, ignorée par son principal personnage,
quand soudain, le son du téléphone l'interrompît.
-Allô! fit-elle
-Oui, allô! Marie c'est Jules !
-Oui, doc j'ai vu ton nom s'afficher sur l'écran
-Ok, ma grande. Je suis désolée car les nouvelles ne sont pas bonnes.
-Qu'est -il arrivé ? Dis-moi !
-Robert a eu un accident et il est actuellement aux soins intensifs.
-Quoi? Oh mon Dieu !
-Maman, qui a t-il ?
Ton père, Johann, ton père. (Les deux mains sur la tête)
- Papa? Qu'est-ce qu'il a ?
-Allons à l'hôpital !
Le long de la route, les paroles de Céline ne me quittaient pas. J'étais abattu comme une feuille morte. Ma pâleur était manifeste. Il ne pouvait pas m'arriver pire. Et pourquoi mon père devrait-il se trouver en danger de mort à cette même heure? L'heure de vérité !
Nous atterîmes immédiatement dans le bureau du médecin. Car papa disait toujours que le hall n'était pas pour la famille.
A nouveau je faisais face à l'ennemi sans aucune armure possible.
La nouvelle du décès de mon père nous fut annoncé.
Je restais ébahi, me tenant face au médecin.
D'un noir d'ébène, c'était un homme aux traits d'un ancien combattant, mais aux paroles dont la douceur confondait son apparence.
-Calmez-vous donc fiston! Me dit-il.
Soyez fort, vous ne devez pas vous abandonner à l'émotion. Vous êtes un homme, et un homme, ça se doit d'être fort.
Je me posai aussitôt sur le divan en lin tout près de maman, comme si un ordre me fut donné de m'asseoir pour une prise de note plus confortable. J'étais là dos au mur, écoutant sagement mon interlocuteur. Moi qui de coutume plains ceux qui sont soumis à ce type de serment. Enfin, c'est un peu ridicule de penser que la peine tienne compte du genre. Me confiais-je en sourdine pour justifier mon état.
-Maintenant, il vous revient la tâche de vous occuper de votre mère. Poursuivît-il.
Fiston, Robert était un ami, voire beaucoup plus, un frère. Et je sais que vous étiez proches. Il vous adorait vous et votre mère. Il savait vous défendre face au monde entier. Et je ne doute pas que même dans sa mort, il ne vous veuille que du bien.
Le docteur s'en alla d'un pas précipité au signal d'un de ses agents. Je vois quelqu'un! Me fit-il d'un léger tapotage
au dos.
Ma mère, comme étrangère au sinistre spectacle ne disait mot. Mais à quoi m'attendre ?
Elle était absorbée par la douleur. La pauvre se voyait régulièrement séquestrée par les tracas de la vie. Car Céline n'avait pas tort, Robert était bien son héros. Et ça, je ne pourrai que le confirmer. Étant le mien aussi.
Toutefois, l'état de ma mère me semblait inquiétant et je me permis de lui réitérer les dires du médecin.
- Mais maman, papa est mort. Et tu ne dis rien?
Maman, Robert, ton mari, mon père!
Perdant patience, je la saisis par l'épaule, la secouant vivement, en guise d'une réanimation traditionnelle.
Je me suis accoutumé à ce geste grâce aux scènes théâtrales. C'est à croire que tout n'est pas que montage dans ces films.
Car au toucher de ma mère elle réagit enfin. Aussitôt une pluie de larmes recouvra son visage de veuve désemparée.
De retour à la maison, la funeste nouvelle convia un monde considérable. On voyait des gens de partout. Des amies et sœurs de ma mère accoururent vers nous pour témoigner leur émoi et la préparer aux rituels de veuvage.
J'aperçus la famille de mon défunt père dans un coin de la cour. A l'idée du sort qu'elle me réservait, ma crainte m'exigeait de ne point m'en approcher.
Timidement je me faufilais au milieu des pleurs, jusqu'à atteindre ma chambre. Là, je me retrouvais face à mon destin. Devant mon miroir, chaque larme qui échappait de mes yeux, me chuchotait combien j'étais malheureux. Je paniquai à l'aperçu d'éventuelles humiliations que me promettait ma condition actuelle. Robert, n'était plus là. Ce père qui m'avait été offert. Il n'était certes pas mon géniteur, mais il m'aidait à affronter mes peurs. Soudain, ses sages paroles me revinrent à l'esprit : «Les larmes ne sont aucunement un signe de faiblesse, mais l'incapacité à pouvoir les essuyer en est un.» Ma mère demeurait ma raison de vivre. Ainsi, je me promettais de lui porter secours à mon tour.
A la suite des obsèques, nous fûmes renvoyés de chez Robert. Eh oui! Ce qui était à prévoir. Car même s'il avait fait de moi son fils légitime, la loi n'est pas souvent habile à contrer les coutumes. Aussi,ma mère n'avait-elle pas conquis cette famille. Puisque tout ce qu'elle avait réussi à faire c'est faire adopter son bâtard de fils, comme ils me qualifiaient. Tout était dit, mais la vie n'avait pas dit son dernier mot. Tant que la mort n'envie pas notre vie, l'on survit.