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Excité comme un enfant le soir de Noël, Thierry fait hurler le moteur de sa moto. Il jubile intérieurement : « Ça, c'est le plus beau coup de ma vie ! » Il faut dire que son braquage était presque parfait. Ce qui le chagrine, c'est qu'il a commis une bavure en liquidant le gardien. Pauvre type... Ce n'était pas prévu, et c'est un mauvais point pour Thierry. Il essaye de s'excuser comme il peut, comme on fait dans ces cas-là, en invoquant la surprise, le manque de pratique, la panique. Mais il se console très vite : « En attendant, question fric, j'ai ramassé le maximum ! Bien plus que ce qu'a raflé Pierre la dernière fois ! Hé hé, le gamin va apprendre qu'un vieux requin peut encore lui donner une bonne leçon ! »
Mais pas question de traîner. Il s'agit maintenant de déguerpir au plus vite et de semer ces foutus flics qui ont eu la mauvaise idée de le prendre en chasse. Le moteur de sa petite moto rugit lorsqu'il quitte la route pour s'enfoncer dans le sous-bois. Au guidon de sa trial, Thierry se sent rajeunir. Il ne peut s'empêcher de penser à son petit-fils : « Merci, Pierre ! Tu m'offres une seconde jeunesse ! Sans toi, je n'aurais jamais connu de telles sensations, une telle ivresse, et ma vie manquerait plutôt de piment ! » Quelle revanche, pour cet irréprochable employé de banque, que d'avoir ainsi sauté le pas, et de se retrouver du côté des cambrioleurs en tous genres, des « escroqueurs » comme dit Pierre. Il imagine la fierté et la joie de son petit-fils. Grâce à lui, il a été initié, il a vaincu ses réticences, non sans mal, il faut bien le dire, et il est devenu un vrai pro, motard accompli et as du braquage. À eux deux, ils font « une sacrée paire de voyous », comme dit Géraldine, sa femme. Au début, elle était effondrée par les nouvelles activités de son mari et par le cours que prenait sa vie, lui jusque là si sérieux, si exemplaire ; puis elle a été bien obligée de faire contre mauvaise fortune bonne mine. Ce qui ne l'empêche pas de le condamner à tout bout de champ, de lui répéter que ce n'est plus de son âge de faire de telles âneries – c'est son mot ça, « ânerie » –, que c'est dangereux. Pour toute réponse, Thierry hausse les épaules. Maintenant qu'il a goûté aux frissons de l'interdit, rien ne peut plus l'arrêter, l'excitation est la plus forte. Déjouer les pièges, se fourrer dans des situations périlleuses, risquer sa vie même... quel bonheur !
Pour l'instant, c'est la puissance et la maniabilité de son engin qui l'émerveillent. Bien qu'il n'ait plus les capacités de ses vingt ans, il se débrouille bien avec toutes les manettes. Géraldine ne comprend pas le bonheur qu'il éprouve à surmonter ces épreuves, à se surpasser. Il a bien essayé, au début, de lui cacher ce que Pierre et lui trafiquaient, mais à force de les voir disparaître ensemble pendant des heures entières, elle a fini par exiger une explication. La pauvre ! Elle répète qu'ils vont la rendre folle.
Le parcours devient de plus en plus périlleux. Thierry fixe son attention. Un coup d'œil dans le rétroviseur lui confirme que ses poursuivants sont toujours à ses trousses, prêts à tout pour l'éliminer ! Ce n'est pas le moment de rêvasser ! Il accélère. Le terrain est « sale », comme disent les coureurs, c'est-à-dire qu'il est semé d'embûches, de pièges de toutes sortes quand on roule à cette vitesse. Thierry n'a plus le choix. Sa vigilance redouble. Il négocie un virage à la perfection, il saute une bosse, une deuxième, se balance à droite, à gauche, sprinte entre les arbres qui défilent à toute allure. Il suit à la lettre tout ce que lui a enseigné son petit-fils, et ça marche ! Le petit a de l'expérience. Mais à force de fixer exagérément ce qui se passe devant lui, ses yeux piquent et sa vue se brouille. Il repense à Géraldine, qui va lui reprocher, une fois de plus, de lui donner du souci. Elle l'accuse, lui, d'entraîner le petit sur une mauvaise pente ! Comme s'il avait besoin d'être « entraîné » le petit ! Elle ferait mieux d'avouer qu'elle est jalouse de leur complicité ! Quand la moto fait une embardée, le cœur de Thierry bondit dans sa poitrine. Il parvient à rétablir la trajectoire d'extrême justesse. Ouf ! Il était moins une, il n'est pas passé loin du fossé. Il va trop vite, mais s'il ralentit, les autres vont le rattraper !
Le chemin est de plus en plus mauvais, les ornières se creusent davantage, les arbres se resserrent. Pour couronner le tout, la pluie se met à tomber. Aïe ! Ça se complique. Son dos commence à être inondé ; pas de pluie, mais de sueur. Ses mains sont moites, il a du mal à tenir les commandes. Il décélère. Surprise ! Il débouche sur une clairière, puis se retrouve sur une départementale.
Le bruit du moteur, lancé de nouveau à plein gaz, enchante Thierry. Cette béatitude est de courte durée : les flics sont toujours là, ils se sont rapprochés, ils le talonnent maintenant. Ils ont même sorti leur revolver, ils le visent. L'asphalte défile sous les roues de sa trial. Un panneau routier, tout juste entraperçu, signale qu'en cas de pluie, la route devient glissante. Tant pis. Il faut jouer le tout pour le tout ! Thierry déteste perdre. Il n'est pas arrivé jusque-là pour finir avec un zéro pointé et une balle dans le dos !
Une fois encore, il accélère, et... c'est le drame ! Les roues chassent, son engin dérape, sort de la route. Il entreprend une course folle sur le bas-côté. Les yeux de Thierry s'agrandissent d'effroi lorsqu'il aperçoit un mur devant lui. Sa moto ne lui obéit plus. Il va s'écraser contre le mur... Il ferme les yeux, pense « C'est fini... »
Soudain, il sent une main sur son épaule. Lorsqu'il rouvre les yeux, Thierry voit le visage de Pierre penché sur lui. Le petit garçon éclate de rire :
— Alors Pépé ? Tu as embrassé le macadam ?
Vexé, Thierry éteint l'ordinateur. Vraiment pas faciles, ces jeux vidéo...
Mais pas question de traîner. Il s'agit maintenant de déguerpir au plus vite et de semer ces foutus flics qui ont eu la mauvaise idée de le prendre en chasse. Le moteur de sa petite moto rugit lorsqu'il quitte la route pour s'enfoncer dans le sous-bois. Au guidon de sa trial, Thierry se sent rajeunir. Il ne peut s'empêcher de penser à son petit-fils : « Merci, Pierre ! Tu m'offres une seconde jeunesse ! Sans toi, je n'aurais jamais connu de telles sensations, une telle ivresse, et ma vie manquerait plutôt de piment ! » Quelle revanche, pour cet irréprochable employé de banque, que d'avoir ainsi sauté le pas, et de se retrouver du côté des cambrioleurs en tous genres, des « escroqueurs » comme dit Pierre. Il imagine la fierté et la joie de son petit-fils. Grâce à lui, il a été initié, il a vaincu ses réticences, non sans mal, il faut bien le dire, et il est devenu un vrai pro, motard accompli et as du braquage. À eux deux, ils font « une sacrée paire de voyous », comme dit Géraldine, sa femme. Au début, elle était effondrée par les nouvelles activités de son mari et par le cours que prenait sa vie, lui jusque là si sérieux, si exemplaire ; puis elle a été bien obligée de faire contre mauvaise fortune bonne mine. Ce qui ne l'empêche pas de le condamner à tout bout de champ, de lui répéter que ce n'est plus de son âge de faire de telles âneries – c'est son mot ça, « ânerie » –, que c'est dangereux. Pour toute réponse, Thierry hausse les épaules. Maintenant qu'il a goûté aux frissons de l'interdit, rien ne peut plus l'arrêter, l'excitation est la plus forte. Déjouer les pièges, se fourrer dans des situations périlleuses, risquer sa vie même... quel bonheur !
Pour l'instant, c'est la puissance et la maniabilité de son engin qui l'émerveillent. Bien qu'il n'ait plus les capacités de ses vingt ans, il se débrouille bien avec toutes les manettes. Géraldine ne comprend pas le bonheur qu'il éprouve à surmonter ces épreuves, à se surpasser. Il a bien essayé, au début, de lui cacher ce que Pierre et lui trafiquaient, mais à force de les voir disparaître ensemble pendant des heures entières, elle a fini par exiger une explication. La pauvre ! Elle répète qu'ils vont la rendre folle.
Le parcours devient de plus en plus périlleux. Thierry fixe son attention. Un coup d'œil dans le rétroviseur lui confirme que ses poursuivants sont toujours à ses trousses, prêts à tout pour l'éliminer ! Ce n'est pas le moment de rêvasser ! Il accélère. Le terrain est « sale », comme disent les coureurs, c'est-à-dire qu'il est semé d'embûches, de pièges de toutes sortes quand on roule à cette vitesse. Thierry n'a plus le choix. Sa vigilance redouble. Il négocie un virage à la perfection, il saute une bosse, une deuxième, se balance à droite, à gauche, sprinte entre les arbres qui défilent à toute allure. Il suit à la lettre tout ce que lui a enseigné son petit-fils, et ça marche ! Le petit a de l'expérience. Mais à force de fixer exagérément ce qui se passe devant lui, ses yeux piquent et sa vue se brouille. Il repense à Géraldine, qui va lui reprocher, une fois de plus, de lui donner du souci. Elle l'accuse, lui, d'entraîner le petit sur une mauvaise pente ! Comme s'il avait besoin d'être « entraîné » le petit ! Elle ferait mieux d'avouer qu'elle est jalouse de leur complicité ! Quand la moto fait une embardée, le cœur de Thierry bondit dans sa poitrine. Il parvient à rétablir la trajectoire d'extrême justesse. Ouf ! Il était moins une, il n'est pas passé loin du fossé. Il va trop vite, mais s'il ralentit, les autres vont le rattraper !
Le chemin est de plus en plus mauvais, les ornières se creusent davantage, les arbres se resserrent. Pour couronner le tout, la pluie se met à tomber. Aïe ! Ça se complique. Son dos commence à être inondé ; pas de pluie, mais de sueur. Ses mains sont moites, il a du mal à tenir les commandes. Il décélère. Surprise ! Il débouche sur une clairière, puis se retrouve sur une départementale.
Le bruit du moteur, lancé de nouveau à plein gaz, enchante Thierry. Cette béatitude est de courte durée : les flics sont toujours là, ils se sont rapprochés, ils le talonnent maintenant. Ils ont même sorti leur revolver, ils le visent. L'asphalte défile sous les roues de sa trial. Un panneau routier, tout juste entraperçu, signale qu'en cas de pluie, la route devient glissante. Tant pis. Il faut jouer le tout pour le tout ! Thierry déteste perdre. Il n'est pas arrivé jusque-là pour finir avec un zéro pointé et une balle dans le dos !
Une fois encore, il accélère, et... c'est le drame ! Les roues chassent, son engin dérape, sort de la route. Il entreprend une course folle sur le bas-côté. Les yeux de Thierry s'agrandissent d'effroi lorsqu'il aperçoit un mur devant lui. Sa moto ne lui obéit plus. Il va s'écraser contre le mur... Il ferme les yeux, pense « C'est fini... »
Soudain, il sent une main sur son épaule. Lorsqu'il rouvre les yeux, Thierry voit le visage de Pierre penché sur lui. Le petit garçon éclate de rire :
— Alors Pépé ? Tu as embrassé le macadam ?
Vexé, Thierry éteint l'ordinateur. Vraiment pas faciles, ces jeux vidéo...
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