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Histoires Jeunesse :
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Salahad rota. Le ventre plein, il se prélassait, adossé à un rocher, au beau milieu du champ de bataille. Partout autour de lui gisaient ses victimes ; choux-fleurs et poireaux, navets et carottes, potirons et butternuts, à moitié dévorés et parfois un peu rôtis sur les bords.
Il allait fermer les paupières et entamer une petite sieste dominicale, lorsque surgit un soldat transpirant sous son armure.
— Sieur Salahad, sieur Salahad !
Le dragon évalua la menace en un clin d'œil ; soldat isolé, épée rangée, tremblements du genou : rien à craindre.
— Oui ?
— Sieur Salahad, la Reine Suzanne vous ordonne de...
— Elle ordonne ? Et qui est-elle, pour ordonner à un dragon ?
— Eh bien, euh, c'est la Reine... vous savez, la couronne, le sceptre...
Salahad fusilla du regard l'imbécile qui avait osé répondre. Les tremblements du genou s'accentuèrent.
— Alors, euh, bon, elle... vous demande ?
— Peux mieux faire.
— Elle... vous supplie ?
Le dragon sourit ; voilà, ce n'était quand même pas si difficile de présenter les choses correctement. Le soldat ôta son casque pour essuyer la sueur qui lui dégoulinait du front, puis il remit son couvre-chef en place, et reprit :
— La Reine, donc, vous supplie d'aller quérir la Princesse Zélie, retenue prisonnière au Donjon-de-la-Forêt-Maléfique.
— C'est celui de la Sorcière des Ombres ?
— Euh, non, ça, c'est le Donjon-de-la-Forêt-Maudite.
— Ah, mince. Je confonds toujours. Le Maléfique, c'est où, du coup ?
— Un peu plus au nord, après la Rivière-Enchantée et la Montagne-des-Géants.
— Ah, oui. C'est loin, ça !
— Eh oui, et c'est pour cela que la Reine vous ord... vous supplie de vous y rendre au plus vite, il faudrait que la Princesse Zélie soit de retour pour le goûter, on fait de la mousse au chocolat.
Salahad rota à nouveau. Il avait mangé trop de chou, cela lui donnait des gaz ; un peu d'exercice lui ferait du bien. Il interrogea cependant le guerrier une dernière fois :
— Et qu'est-ce que j'y gagne ?
Le troupier désigna le champ de bataille :
— Plus de légumes ?
Salahad fit mine de réfléchir, puis il se leva. Surpris, le soldat fit un bond en arrière, mais le dragon se contenta de se gratter le genou et de réclamer :
— Plus de légumes, et de la mousse au chocolat.
— C'est d'accord.
Pendant que le guerrier faisait demi-tour en essayant d'imaginer la taille du bol nécessaire à une mousse au chocolat de dragon, Salahad s'étira puis déploya ses ailes. Il fit claquer leur cuir rouge quelques secondes, puis décolla laborieusement.
Il survola les champs cultivés, patchwork de mille couleurs, et se réjouit d'y voir courir les paysans en tous sens, préoccupés par son ombre gigantesque. Même végétarien, un dragon reste un dragon ; Salahad veillait à ce que les hommes gardent une crainte constante de sa colère, et s'amusait de temps en temps à incendier quelques granges juste pour leur rappeler qu'il le pouvait. De préférence celles qui étaient remplies de maïs, parce que c'était trop drôle de s'asseoir ensuite et de manger le pop-corn en regardant les villageois lancer leurs petits seaux d'eau avec leurs petits bras.
Salahad franchit la Rivière-Enchantée d'un coup d'aile élégant, puis il contourna la Montagne-des-Géants, adressant des grands « coucous » de la patte à ses amis rocheux. Il venait parfois jouer à la belote avec eux ; ils n'étaient pas très malins, et Salahad aimait beaucoup gagner à la belote. Et puis, au moins, eux avaient des cartes à sa taille, pas comme les Elfes et leurs doigts minuscules.
Arrivé en vue de la Forêt Maléfique, il chercha le donjon des yeux. Là ! Une tour tarabiscotée bien trop haute et couverte de fientes de pigeons, c'était forcément là qu'était retenue la Princesse Zélie. Il fila comme le vent vers la plus grande fenêtre.
— Princesse Zélie, Princesse Zélie !
La petite fille apparut au balcon.
— N'aie pas peur, Princesse, c'est ta maman qui m'envoie. Tu dois rentrer au château pour le goûter, il y a de la mousse au chocolat !
Zélie s'accouda à la balustrade en souriant :
— Est-ce que tu as mangé la vilaine sorcière ?
— Mang... non, je suis végétarien !
— Alors, comment vas-tu faire pour t'approcher ?
Le dragon fronça des sourcils écailleux ; comment cela « comment faire pour s'approcher » ? Il suffit de... Aïe ! Il retira sa patte, brûlée par le gel, et souffla dessus. Un sort de glace entourait le donjon. Flûte ! Quel contretemps fâcheux ! Il se posa, à distance raisonnable de la tour, puis cracha le feu sur un mur, pour voir. Le sort de glace résista. La sorcière, cependant, avait été alertée. Elle sortit sur le pas de sa porte et ricana, bras croisés.
— Tiens donc, Salahad, tu fais les courses pour la Reine, à présent ?
— Rends-moi la Princesse Zélie, Gudrùn !
— Oh que non, on s'amuse bien ! On va bientôt commencer la confection des petits bonshommes en pain d'épice !
— Tu n'as pas le droit d'enlever les enfants comme ça !
— Oh, un petit kidnapping de temps en temps, cela ne fait de mal à personne... Et puis il faut bien un peu de compagnie pour le Prince oublié.
— Le Prince oublié ?
— Oui ! Celui-là, je l'ai kidnappé dans un petit royaume l'année dernière, mais personne n'est venu le chercher ! À croire qu'ils n'ont aucun preux chevalier chez eux, c'est triste... J'aime bien les preux chevaliers...
— Tu sais, Gudrùn, il y en a de moins en moins ; le preux, c'est en voie de disparition...
La sorcière soupira :
— Je sais bien, depuis l'augmentation de la taxe sur les trésors, ils ont tous changé de métier... Mais que veux-tu, les habitudes ont la vie dure, je suis sorcière de mère en fille depuis l'an Mil quatre-vingt douze, je ne peux pas fermer boutique comme ça ! Et toi, ils te payent toujours en or ?
— En légumes...
Ils soupirèrent de concert, nostalgiques des belles années de féerie. Puis Salahad réalisa que l'heure passait, et que la mousse au chocolat devait être prête.
— Allez, Gudrùn, laisse-moi raccompagner la Princesse chez elle, et je reviens partager quelques légumes.
— Ils sont bios, au moins ?
— Bios, et ramassés par l'Association Paysans Équitables, pour une meilleure rémunération des serfs.
— Bon, rapporte-moi quelques topinambours, ça m'évitera de prendre mon balai jusqu'au marché, demain. Mais emmenez le Prince oublié avec vous, ça me fera des vacances ; il passe son temps à dessiner sur les murs de ma tour.
— C'est d'accord !
Gudrùn, la Sorcière de Glace, rentra chez elle pour aller chercher les enfants. Elle revint bien vite avec eux et les abreuva de conseils pendant qu'ils se dirigeaient vers Salahad :
— Enfilez donc vos cache-nez, il fait froid à dos de dragon ! Et n'oubliez pas de bien vous laver derrière les oreilles, ce soir ! Et...
— Oui, Gudrùn, on a compris ! Allez, Salahad, on y va avant qu'elle nous ordonne de rajouter une petite laine ! Vite, elle est pire que maman !
Salahad aida la Princesse Zélie et le Prince oublié à se hisser sur son dos, puis il décolla. Ils saluèrent Gudrùn de la main avant de filer droit vers le Royal Château.
La mousse au chocolat les attendait.
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Pourquoi on a aimé ?
Drôle, rythmé, et imaginatif ! Ce conte complètement déjanté fait la part belle aux personnages et aux dialogues loufoques. Grâce à un style
Pourquoi on a aimé ?
Drôle, rythmé, et imaginatif ! Ce conte complètement déjanté fait la part belle aux personnages et aux dialogues loufoques. Grâce à un style