Le Prince oublié et la Sorcière malfaisante

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L’autrice nous plonge avec douceur dans l’univers d'une petite fille qu’on prend plaisir à suivre jusqu’au bout du chemin. Dans son périple

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Je suis, avec bonheur, un peu conteuse ; j'aime lire, écrire , raconter des histoires... aux petits et aux grands .

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Anna avait huit ans et elle adorait les histoires ; les histoires qu'on lui racontait, et celles qu'on lui lisait. Elle n'était jamais fatiguée de les écouter et de rêver à partir des images des livres. Mais dès qu'elle essayait de lire, les lettres commençaient à tourner, à jouer à saute-mouton pour se mélanger, et à se placer tête-bêche pour qu'on ne les reconnaisse pas.
Comment voulez-vous arriver à lire dans ces conditions ? C'était comme un mauvais sort qu'une terrible magicienne, une sorcière malfaisante, aurait jeté à la petite fille en se penchant sur son berceau.

Or la semaine précédente, la maîtresse avait décidé que chaque élève de sa classe devait lire à la maison un chapitre entier du livre qu'elle leur avait donné. Anna avait regardé l'illustration de couverture : un prince avec un pourpoint rouge et un ridicule chapeau à plumes vertes. Ce prince ne lui disait rien qui vaille. La petite fille avait refermé le livre et l'avait glissé dans son sac à dos où elle avait essayé de l'oublier durant toute la semaine.
Le dimanche soir pourtant, il n'était plus temps de reculer, il fallait faire les devoirs et Anna ressortit le livre. Horreur ! l'image du prince s'était effacée, et les pages du livre, qu'elle tournait fébrilement, étaient devenues blanches !

— Anna, lui dit doucement sa grand-mère, tu as voulu l'oublier trop fort, et ton prince est parti sur l'Île aux Oubliés. C'est là que vont les chansons qu'on ne chante plus, et les livres que personne ne lit... Si tu veux retrouver ton prince, c'est là-bas que tu dois le chercher, sur l'île où soufflent les quatre vents, tout droit vers le soleil couchant. Le chemin est long, difficile et semé d'embûches, et tu dois partir seule. Auras-tu le courage et la persévérance d'aller jusqu'au bout ?

Anna se mit en chemin, droit vers l'ouest. En traversant le bois de pins, elle aperçut trois pies qui poursuivaient un écureuil. Le petit animal acculé sous un buisson n'osait s'en dégager pour gagner les arbres.
— Ouste ! cria Anna en agitant les bras.
Elle s'élança, et les pies s'envolèrent.
— Merci, dit l'écureuil en montrant son museau sous les branches basses. Confiant, il sauta gracieusement sur l'épaule de la fillette, sa queue rousse recourbée en point d'interrogation.
— Tu m'as sauvé, petite fille. Je te donne cette noisette. Là où tu vas, elle te servira.  

En passant près d'un champ de blé fraîchement moissonné, Anna aperçut une souris menacée par une buse. Elle chassa l'oiseau de proie.
— Prends ces trois grains de blé, couina la souris encore toute tremblante. Là où tu vas, ils te serviront.  

Anna marcha longtemps, et arriva enfin au bord de la mer.
Quelque chose sautillait maladroitement sur le rivage. C'était une mouette. Elle s'était laissé prendre à la ligne d'un pêcheur, en gobant le poisson-appât que tirait le bateau. La ligne s'était cassée, mais l'oiseau ne pouvait dégager son bec.
La petite fille délivra la mouette, qui lui confia une de ses plumes blanches :
— Tu n'auras qu'à la jeter au vent, cria-t-il en s'envolant. Là où tu vas, elle te servira.

Le soleil orangé se couchait sur la mer, les petites vagues commençaient à se franger d'écume...  
Comment faire pour gagner l'Île aux Oubliés ?  
Le vent qui tourbillonnait fit frissonner la petite fille. En mettant les mains dans les poches de son anorak pour les réchauffer, elle sentit, sous ses doigts, les petits trésors offerts par les animaux qu'elle avait secourus. Elle les sortit pour les regarder... Lequel pourrait bien lui venir en aide ?  
Le vent choisit pour elle. Il souleva la plume. Tout à coup, Anna sentit ses bras se tendre comme deux ailes, se trouva soulevée, emportée elle aussi, comme une plume au-dessus des flots, et déposée, en douceur, sur le sable de l'île.  

La plage était étroite, et face à la mer s'élevait une haute falaise sombre, striée de blanc. Les oiseaux de mer qui nichaient dans les trous s'étaient tus. Il n'y avait aucun chemin pour monter au sommet ; cependant, çà et là, les rochers offraient quelques prises.
Anna était sujette au vertige. L'idée de tenter l'escalade ne lui souriait guère. La nuit allait bientôt tomber ; la petite fille ne pouvait pas rester au bord de la mer sans abri. Elle pensa au cadeau de l'écureuil, brisa la coque de la noisette entre deux galets et croqua le petit fruit sec. Aussitôt, elle se sentit pleine de courage et grimpa la falaise comme un petit écureuil agile.  

Au sommet se dressait un immense château.  La nuit était à présent complètement tombée ; derrière les hautes tours, les premières étoiles s'allumaient dans le ciel. Au fond de sa poche, Anna caressa les trois grains de blé... Si elle-même était souris, peut-être pourrait-elle entrer dans le château ? Elle mâcha les grains de blé. Aussitôt, les murailles lui parurent grandir vertigineusement. Anna était devenue petite, petite comme une souris et elle s'aperçut que ses yeux étaient capables de voir dans le noir. Elle chercha et trouva le trou qui lui permettrait d'entrer, puis trottina le long des murs, comme une petite souris silencieuse...

Elle traversa des salles immenses, celle des violoncelles et celle des pianos, où les feuillets jaunis des vieilles partitions s'entassaient sous la poussière, où les touches des pianos jouant tout seuls lâchaient parfois quelques notes mélancoliques. Même l'air qu'elle respirait semblait fané, comme ces odeurs passées de vieille poussière, de rose, de pomme ou d'iris...
Elle entrevit des salles et des salles tapissées de livres, où chevaliers et princesses minaudaient et se faisaient des signes d'un bout à l'autre de la pièce, pendant que les dragons soufflaient piteusement avec de petits plops des jets semblables à la flamme d'une allumette... Dans les salles voisines, d'invraisemblables vaisseaux spatiaux tournaient en orbite autour de planètes inconnues et des trolls ou des gnomes grimaçaient sur les livres de fantaisie...  

Les petites jambes d'Anna étaient fatiguées ; si elle avait été vraiment une souris, elle aurait bien grignoté une page de livre ou deux, histoire de retrouver des forces.  
Ne trouverait-elle jamais la salle des contes ?
Elle y arriva enfin.  
Là, juste devant elle, et parmi des centaines de princes, elle reconnut le sien, avec son pourpoint rouge et son chapeau à plumes, celui-là même qui s'était effacé de son livre et qu'elle était venue chercher.  
— Oh, Princesse... soupira-t-il, êtes-vous là pour me sauver ? Me donnerez-vous un baiser ? Acceptez-vous de m'épouser ?
— Nous n'avons pas le temps ! jeta-t-elle très vite, d'ailleurs je ne te connais pas et je ne veux pas me marier. Viens vite, si tu ne veux pas être tout à fait oublié !
— Comment pourrai-je jamais vous remercier ? 

C'est alors qu'un éclair de feu zébra la pièce.  
Comme dans les contes, la Sorcière malfaisante apparut dans un nuage de fumée et éclata d'un rire sinistre, en tendant vers Anna sa main aux doigts crochus. Et comme dans les contes, n'écoutant que son courage, le prince tira son épée, puis trucida la sorcière d'un seul coup.  
Soudain, les lettres qui dansaient sur les pages des livres retrouvèrent leur place, s'agencèrent en mots et en phrases qui racontaient des histoires, et Anna se retrouva dans sa chambre.  

Sur la couverture du livre qu'elle avait jeté sur son petit bureau, le prince était là, dans son pourpoint rouge. Anna crut apercevoir, sous les plumes vertes, l'ombre d'un clin d'œil.  

Alors, elle s'installa commodément, à plat ventre sur son lit, elle ouvrit le livre et commença à lire.

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Image de Le Prince oublié et la Sorcière malfaisante
Illustration : Pablo Vasquez

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