David Contre Goliath

Né à la Barbade, je partage mon temps entre les Caraïbes et la France. J' écris toutes sortes de poésie, mais j' aime surtout écrire des haïku, ce que je fais depuis 2004.J' écris en anglais ... [+]

Image de Portez haut les couleurs ! - 2020

Beaulieu est un village pittoresque situé sur la côte est d’une petite île des Caraïbes. Il devint renommé grâce aux exploits extraordinaires d'un jeune sportif qui excella dans le lancer du javelot. Pendant des semaines, le pays ne parla que de cela. Et les médias internationaux, la radio, la télévision, les journalistes se rendirent sur l'île pour faire leur reportage sur cet événement phénoménal dont toute la nation était fière. Naturellement, ce fut une excellente occasion pour mettre en valeur cette petite île d'à peine un million et demi d'habitants et de cinq mille kilomètres carrés, une île dotée de pétrole, de gaz naturel et d’un lac massif d’asphalte dont le goudron est exporté vers des pays du monde entier.
Ainsi, les médias internationaux firent l’éloge de ce territoire magnifique avec son paysage verdoyant et ses somptueuses plages de sable blanc, un pays multiracial où les différents groupes ethniques coexistent en harmonie et en paix, une terre heureuse, spontanée, chaleureuse, vivant au rythme de la musique et du calypso et fière d’être reconnue comme le lieu de naissance du steel pan, ce remarquable instrument de percussion mélodique et envoûtant. Et puis le carnaval avec ses resplendissantes couleurs et ses costumes étincelants qui montrent si bien la richesse culturelle, la créativité artistique et l'originalité du peuple. C'est un spectacle mondial qui rivalise avec celui de Rio et il n’est pas surprenant qu’on le surnomme le plus grand show du monde, attirant chaque année des mélomanes et des touristes des quatre coins du globe.
Les médias ne pouvaient s'empêcher de rappeler au monde que c’est une île qui se vante d’avoir produit deux Miss Univers et une Miss Monde ; puis il y a deux lauréats du prix Nobel de littérature, sans oublier les prouesses dans le domaine de l’athlétisme, le football et le cricket en particulier. Cela nous ramène évidemment à l'événement impressionnant et formidable qui rendit le pays célèbre sur la scène internationale: le jeune prodige qui remporta une médaille d’or pour son territoire aux Jeux olympiques dans le lancer du javelot. Son succès éblouissant dans ce domaine est une formidable histoire de sacrifice personnel, de travail acharné, de courage, de persévérance et de confiance en soi. Pour les activités sportives régulières comme le football et l'athlétisme, le gouvernement, les clubs sportifs et la Fédération du Sport et de la Culture fournissent une aide indispensable en matière de financement, d'équipement, d'entraînement et de frais de déplacement pour la compétition. Dans le sport relativement nouveau du lancer du javelot, ce soutien est souvent inadéquat. Pourtant, le champion opta pour le javelot quand il aurait pu exceller dans d’autres sports dits populaires. L'interviewer international l’interrogea:
- Pourquoi avez-vous choisi le lancer du javelot vu qu'il n'y a jamais eu beaucoup d'attention accordée à ce sport dans votre pays ?
- Quand je l'ai essayé pour la première fois, il m’a tellement fasciné que j’ai décidé de le poursuivre aussitôt !
- Mais comment vous êtes-vous entraîné, puisque la gestion technique et les subventions en matière sportive pour ce sport sont terriblement insuffisantes ?
- Je m’y suis donné totalement parce que ça a toujours été mon rêve de faire quelque chose de grand dans le sport. Je me levais tôt, je courais, je lançais tout ce qui me tombait sous la main, un vieux javelot, une branche de bambou, de gros morceaux de bois, des noix de coco... puis j'ai réussi à trouver un entraîneur qui m'a aidé de temps en temps...
- Comment êtes-vous arrivé à être sélectionné pour participer aux Jeux olympiques ?
- Grâce à mon entraîneur et à la Fédération du Sport et de la Culture, j'ai obtenu un financement pour le voyage et pour le reste j'ai passé du temps à collecter des fonds en faisant appel à des sponsors, à des organisations caritatives, à des amis et à ma famille. C'était une tâche herculéenne, mais j'étais déterminé à participer et à réussir. Les détracteurs et les défaitistes se demandaient pourquoi je voulais poursuivre cet objectif. Ils ont même suggéré que j’abandonne et que je participe plutôt à des sports dans lesquels je pouvais facilement briller. Mais je savais que je pouvais le faire ! J'avais confiance en moi, je voulais réaliser mon rêve coûte que coûte, alors je me suis jeté dans cette aventure corps et âme. Et mon entraîneur était derrière moi jusqu'au bout pour que j’atteigne mon but. Il m'a parlé d'exploiter au maximum les possibilités illimitées en moi. Ma famille, mes amis et mes sympathisants m'ont aussi encouragé à prendre le taureau par les cornes, à les rendre fiers, eux et mon pays.
- Quels ont été vos sentiments face à tous ces grands champions de ce sport venus d'Europe et d'ailleurs ?
- Au début, je me sentais intimidé et je doutais un peu de moi, puis je me suis souvenu de toutes les leçons que mon entraîneur m'avait apprises sur l'estime de soi, le courage, la discipline, ma volonté farouche et inébranlable et le triomphe de l'esprit humain. Quand je me suis qualifié pour la finale au lancer du javelot, j'ai ressenti une sublime poussée d'adrénaline, j'ai été submergé par l'émotion, je ne trouvais pas les mots pour exprimer ces sentiments, et quand, finalement, j'ai lancé le javelot gagnant pour l'or olympique, je pouvais à peine me contenir. C'était la victoire de David sur Goliath, j’avais triomphé sur les géants internationaux de ce sport et j’allais ramener la gloire à ma petite île, à son peuple et aussi à toute la région des Caraïbes !
- Comment le pays vous a-t-il reçu après cette victoire retentissante ?
- Eh bien, vous savez, quand vous êtes le plus jeune champion du lancer du javelot au niveau international et le premier athlète à remporter cette médaille prestigieuse pour son pays et la région, c'est une grosse affaire ! Tout le territoire était dans une ambiance festive, car la journée de mon retour avait été décrétée un jour férié pour marquer cet événement. Les gens ont afflué à l'aéroport pour me voir. Le ministre des Sports et plusieurs personnalités étaient sur place pour me saluer et me présenter les félicitations du Premier ministre. Comme c'est la coutume dans certains petits pays en voie de développement ou des pays riches en pétrole, on m'a offert de l'argent, un terrain et une maison de luxe pour mes exploits.
- Fantastique ! Pour finir cette enquête, quels conseils donneriez-vous aux jeunes athlètes en herbe comme vous ?
- Je leur dirai de se concentrer sur leur objectif, de s'entraîner dur, d'être disciplinés, de croire en eux-mêmes, de viser l'excellence, de suivre leurs rêves, et de refuser d'abandonner même face à l'adversité ou lorsque les choses deviennent difficiles, même quand l'équipement sportif et le soutien technique laissent beaucoup à désirer. Que leur mot d’ordre soit “dévouement et audace”, que le corps et l’âme œuvrent de concert pour créer des résultats stupéfiants ! Et il ne faut jamais désespérer !
- Merci beaucoup, champion, pour cette interview intéressante ! Bonne continuation et beaucoup de succès dans vos projets futurs !
- Merci bien, monsieur ! Au revoir !
Après cette entrevue, le jeune champion fut emmené dans une limousine pour assister à un cocktail organisé par la Fédération nationale du sport et de la culture en son honneur.