Tout pour gagner

Mon père est catégorique. Pour lui, je ne suis rien. Qu'une bonne à rien. Chez moi, il ne voit que mon handicap. Il a honte de se promener dans la rue avec moi car je suis paralysée aux jambes. Je suis comme la peste pour lui, je ne pourrai rien faire de ma vie.
Ma mère m'a raconté qu'avant ma naissance, mon père était perpétuellement content mais, quand l'infirmière est venu vers lui pour lui dire que j'étais paralysée aux jambes... il n'a rien voulu entendre, il est parti. Sans m'avoir vu, parce qu'à ses yeux, je n'étais qu'une handicapée. Ce n'est que quand maman est décédée qu'il a dû prendre ma garde.
Alors aujourd'hui, quand je suis venue lui dire que je voulais devenir basketteuse. Il m'a regardé comme si j'étais folle et m'a redit pour la millième fois les injustices de ma maladie. Je ne pouvais rien contre mon père. Il était trop fort pour moi. Il connaissait tous les détails de ma maladie, étant lui-même médecin. Pour lui, je fais parti du sexe faible. Les femmes.

Le lendemain, mon père m'emmène au lycée sans un mot. Il s'arrête, sort pour m'aider et repart. J'étais en train de créer un plan pour pouvoir devenir basketteuse pro quand j'entendis Eliott m'appeler :
- Héloïse, Héloïse...attend moi.
Étant sa meilleure amie, je l'attends patiemment me rejoindre en courant, quelque peu essoufflé après sa course.
Sachant ce qu'il allait dire je lui répond, les larmes aux yeux :
- Ouais, t'avais raison Eliott. Mon père, n'a rien voulu entendre. Je ne suis qu'une petite insolente et en plus de ça, handicapée. Mais je le serai, je serai basketteuse. Avant sa mort, pour qu'il puisse me regarder et dire "ça c'est ma fille". Je veux qu'il me trouve utile. Juste une fois. Je veux qu'il m'offre le sourire qu'il a fait quand il ne savait pas encore que j'étais handicapé. Je le veux pour vivre, ce sourire. Je veux l'avoir pour pouvoir être fier de moi, de mon handicap. Pour montrer que je ne suis pas une incapable. Que je ne serai jamais une incapable. Jamais...
Eliott me prit dans ses bras, je pleurai à chaudes larmes maintenant. Et c'est comme ça que nous sommes partis en cours de sport (même si j'en étais dispensé, j'adorai regarder les autres en faire). Mais aujourd'hui, il n'y avait pas que Mr Vincent. Il était accompagné d'une femme d'âge mûr en tenue de basket. Elle avait des prospectus à la main. Nous nous sommes tous mis devant lui et elle.
C'est là qu'elle dit d'un ton enjouée :
- Bonjour, les enfants. Je suis ici pour vous dire que je suis entraîneuse de basketteurs et basketteuses. Je veux faire une équipe acceptant les handicapés mais aussi les personnes ne l'étant pas. C'est important pour moi car ma fille l'était, avant de mourir. J'aimerai montrer qu'une équipe totalement mixte rendra les liens entre joueurs encore plus forts. La vue d'un handicapé ou d'une personne ne montrant pas de problème médical important peut se montrer très différente. C'est ce que vous montrera cette équipe. Des liens incassables et des mentalités aussi fortes que la roche. Je voudrais rendre fier toutes les personnes participant à ce club avec moi. Merci de votre écoute.
A ses mots, mes yeux se mirent à briller comme devant un feu d'artifice. Pendant tout le cours de sport, je fus dans un état second. J'étais paralysé de joie (bien que mes jambes le sont déjà). Je me suis promis que ce soir-là j'irais au gymnase et que je commencerai les entraînements de basket. C'était une opportunité, une chance pour moi.

Pendant 2 mois, j'ai pris toutes les bases du basket et toute l'encyclopédie de ce sport. Je n'en ai rien dit à mon père. Il se posait peut- être des questions sur mes soirées du jeudi, mais il ne dit rien. Emma l'entraîneuse, me trouvait très bonne. Elle m'a dit que, bientôt, je pourrai participer à un vrai match.
Un jeudi après-midi, Emma nous dit qu'il y aura un match important.
Elle me regarde sans ciller pendant tout son laïus. J'étais surexcitée. A la fin, j'allai m'inscrire pour ce match quand Emma me dit:
- Héloïse tu sais que je t'adore mais je pense que c'est le moment de parler à ton père.
Évidemment je ne voulais pas de toutes les brimades que mon père me réservait. Je roule vers Emma pour lui faire un câlin et lui dit merci dans un murmure. J'étais stupéfié. Emma venait de me dire :
- Je te remercie aussi. Je t'aime comme une seconde fille. Et, c'est toi qui m'a fait redécouvrir ce sentiment. Merci.

Ce soir-là, je pars du basket sur un petit nuage. J'allais dire à mon père que j'avais une surprise pour lui. Une grande surprise : Le match. Mais, ça, je ne lui dirai pas. J'ai déjà organisé avec Eliott comment faire. Eliott emmènera mon père au match les yeux bandés avec un casque sur les oreilles. Rentrée chez moi je dis juste à mon père que j'ai une surprise pour lui.
Après ça, la semaine avant le match passe comme un éclair.

Le jour J, je n'arrive plus à rester sans rien faire. Je me prépare en cachette et Emma vient me chercher pour m'emmener au match. Quand mon père arrive les yeux bandés j'ai le ventre noué. Eliott me fait un clin d'œil et je le vois souffler à mon père que c'est le moment. Quand les yeux de mon père rencontrent les miens, les siens s'écarquillent comme s' ils étaient tirés par des cordes en fers.

Le match commence et je ne vois plus personne. J'enchaîne les paniers. Je ne vois pas mon père ni le reste du public. Je suis concentrée sur les moindres gestes de mes adversaires. J'entends un vague fond sonore de respirations retenu face à la dernière minute. Ce n'est que quand tous mes coéquipiers et coéquipières me portent au-dessus d'eux que j'ose ouvrir les yeux pour regarder mon père.
J'ai l'impression de le voir pour la première fois. Il pleure, applaudis et souri. Il est au ange. Et c'est là que je su que, mon engagement pour ce sport tiendrait toute ma vie, grâce à ce sourire.