Le sifflement de la corde qui fouettait l'air donnait la cadence. A chaque tour, l'instrument venait claquer le sol pour se fondre dans le rythme en harmonie avec le son calfeutré de ses pieds qui rebondissaient sur le parquet grinçant du gymnase. Son corps, affûté, semblait être lourd comme une plume. Le petit projecteur qui la mettait en lumière faisait briller les gouttes de sueur perlées qui dégoulinaient avec grâce le long de ses tempes avant de s'élancer pour une chute libre et de s'éclater au sol. Son short de boxeuse allait à l'encontre de sa féminité exacerbée. Si elle était là, chaque samedi matin, depuis plusieurs mois, c'était d'ailleurs pour combattre l'image qu'elle se renvoyait et qu'elle étalait sur les réseaux à ses followers. Leurs réactions, quelques peu moqueuses à l'annonce de son désir de boxer l'avaient surmotivée. Depuis, plus de conseils maquillage ni de vidéos sur les potins des starlettes. Parenthèse. Seule à y croire, elle se donnait corps et âme. Une fois le rythme de son cœur à son apogée, elle enfilait les gants et frappait dans un sac qui pesait plus du triple de son poids. A chacun de ses coups elle ressentait une douleur vive, mais lui, ne bougeait jamais d'une once. Le manque de réaction de son adversaire quotidien pouvait parfois être la source de doute. En milieu de matinée, lorsque le bruit des moteurs vrombissants sur le parking débarquaient, que les pas des boxeurs se rapprochaient, que la porte grinçait, elle s'échappait de peur d'être vue et moquée. Elle empruntait l'issue de secours qui donnait sur une petite ruelle dans laquelle elle avait pris l'habitude de stationner incognito sa Mini Cooper couleur rouge à lèvre.
Après d'innombrables heures passées à l'entraînement, elle s'était armée de courage et avait fini par pousser la porte du gymnase un samedi aux alentours de dix heures. Heure d'affluence maximale. Les regards s'étaient immédiatement braqués sur elle. C'est ce qu'elle avait ressenti. Ce n'était pas le cas. Elle n'était pas la seule combattante. Loin de là. En confiance, même quelque peu inconsciente elle avait proposé à l'une d'elle un combat sur le ring le weekend suivant. De gabarit identique, la jeune femme avait pris un air étonné puis avait rapidement accepté la proposition avec un large sourire. Signe de confiance. Ce sourire avait dopé la volonté de la guerrière qu'elle était. Elle allait lui prouver, à elle aussi, de quoi elle était capable derrière ses airs de pin-up. Chaque jour de la semaine suivante elle travailla dur. Le jeudi précédent le combat, la pression était à son summum. Les doutes aussi. Elle qui avait une confiance en elle inébranlable lorsqu'elle était dans sa zone de confort. Mais sa zone était bien plus cosy et molletonnée que le ring au centre du gymnase.
Le grand jour était arrivé. Après avoir avalé un petit déjeuner surprotéiné et fait sa séance de méditation, elle enfila sa brassière et son short, mis son sac de sport sur l'épaule et s'arrêta devant le miroir qui lui faisait face dans l'entrée. Les yeux dans les yeux, ses pensées s'évadèrent un court instant. Qu'était-elle en train de faire ? Elle n'avait parlé de ce combat à personne. Il était encore temps de rebrousser chemin. Enfiler une robe. Des talons. Se pomponner. Niet! Elle poussa la porte, balança son sac sur la banquette arrière de sa Mini et pris la route. Silence. Pas un bruit dans l'habitacle. Concentration maximale. Déjà la tête au combat, elle coupa la priorité à une camionnette de livraison et faillit la percuter. Le klaxon strident du livreur apeuré la ramena à la réalité.
Arrivée dans l'antre, par l'entrée principale, elle passa la porte du vestiaire et tomba nez-à-nez avec son adversaire du jour. Elle pesait bien moins lourd que le sac dans lequel elle frappait inlassablement depuis quelques mois. Saurait-elle frapper un être humain ? Les gants enfilés, le corps huilé, elle fit son entrée dans le gymnase. Un rayon de soleil qui traversait le carreau fumé de la salle l'illumina comme pour la présenter aux yeux des quelques curieux autour du ring comme LA nouvelle combattante. Sa rivale, assise dans le coin du ring arborait le même sourire confiant. Son visage était marqué d'un cocard à l'œil droit et d'une balafre à l'arcade lui donnant un véritable air de guerrière. Elle aussi s'était entraînée. L'arbitre n'était autre que l'un des coachs de la salle. Après une tape dans les gants en guise de signe de respect le gong retentit. Elle y était. C'était son moment. Son jeu de jambes était léger. Elle semblait flotter à la surface du ring. Ses pas dessinaient sur le sol des arabesques. Sa garde était haute et son attitude conquérante. Après quelques secondes d'observation son adversaire s'approcha la faisant reculer dans les cordes. Elle devait s'extirper du piège dans lequel elle avait mis le pied. Esquivant une première droite, elle bloqua une gauche de l'avant bras. Sa garde se fit fébrile. Soudain son confort lui manqua terriblement. L'uppercut de son adversaire fendit l'air. Son gant frappa violemment la mâchoire de la novice, envoyant valser sa tête vers l'arrière. Le regard dans le flou, elle ramena sa tête vers l'avant. Dépassée. Elle vit la gauche revenir à toute vitesse. Pas le temps de remonter la garde. Le gant s'écrasa sur sa joue et attrapa son nez qui laissa échapper un filet de sang. Son corps ne répondait plus. Il s'écrasa sur le sol tel un poids mort. Perte de connaissance. Lorsqu'elle revint à elle, son nez, tordu, humait l'odeur de sueur dégagée par le sol du ring. Face à elle, son adversaire, assise dans son coin l'observait, sourire aux lèvres. Satisfaction optimale.
Après être passée par l'hôpital, la combattante d'un jour retrouva son nid douillet. Son téléphone ne s'arrêtait plus de vibrer. 1, 2, 3, 8, 15, 30, 100, 300 notifications. En cliquant sur l'une d'elles, elle découvrit que la vidéo de son combat, postée par un inconnu sur les réseaux était devenue en quelques heures virale. Buzz. Elle en avait l'habitude mais cette fois-ci elle était la risée. Les commentaires sadiques, moqueurs lui faisaient mal. Plus encore que les coups qu'elle avait reçus quelques heures auparavant. Sans le savoir, cet inconnu venait de lui faire prendre un tournant dans sa vie. Elle avait décidé qu'elle y arriverait. Elle s'en donnerait les moyens. Un jour, elle les ferait taire. Peut-être même ils l'encourageraient. Ce n'était d'ailleurs pas une possibilité. Il s'agissait d'une certitude. La volonté ne se forge bien que dans l'adversité. Elle était battante. Elle deviendrait tout bientôt Combattante. Championne du monde.
“Tout obstacle peut se surmonter avec le temps et la volonté” Antoine Claude Gabriel Jobert
Après d'innombrables heures passées à l'entraînement, elle s'était armée de courage et avait fini par pousser la porte du gymnase un samedi aux alentours de dix heures. Heure d'affluence maximale. Les regards s'étaient immédiatement braqués sur elle. C'est ce qu'elle avait ressenti. Ce n'était pas le cas. Elle n'était pas la seule combattante. Loin de là. En confiance, même quelque peu inconsciente elle avait proposé à l'une d'elle un combat sur le ring le weekend suivant. De gabarit identique, la jeune femme avait pris un air étonné puis avait rapidement accepté la proposition avec un large sourire. Signe de confiance. Ce sourire avait dopé la volonté de la guerrière qu'elle était. Elle allait lui prouver, à elle aussi, de quoi elle était capable derrière ses airs de pin-up. Chaque jour de la semaine suivante elle travailla dur. Le jeudi précédent le combat, la pression était à son summum. Les doutes aussi. Elle qui avait une confiance en elle inébranlable lorsqu'elle était dans sa zone de confort. Mais sa zone était bien plus cosy et molletonnée que le ring au centre du gymnase.
Le grand jour était arrivé. Après avoir avalé un petit déjeuner surprotéiné et fait sa séance de méditation, elle enfila sa brassière et son short, mis son sac de sport sur l'épaule et s'arrêta devant le miroir qui lui faisait face dans l'entrée. Les yeux dans les yeux, ses pensées s'évadèrent un court instant. Qu'était-elle en train de faire ? Elle n'avait parlé de ce combat à personne. Il était encore temps de rebrousser chemin. Enfiler une robe. Des talons. Se pomponner. Niet! Elle poussa la porte, balança son sac sur la banquette arrière de sa Mini et pris la route. Silence. Pas un bruit dans l'habitacle. Concentration maximale. Déjà la tête au combat, elle coupa la priorité à une camionnette de livraison et faillit la percuter. Le klaxon strident du livreur apeuré la ramena à la réalité.
Arrivée dans l'antre, par l'entrée principale, elle passa la porte du vestiaire et tomba nez-à-nez avec son adversaire du jour. Elle pesait bien moins lourd que le sac dans lequel elle frappait inlassablement depuis quelques mois. Saurait-elle frapper un être humain ? Les gants enfilés, le corps huilé, elle fit son entrée dans le gymnase. Un rayon de soleil qui traversait le carreau fumé de la salle l'illumina comme pour la présenter aux yeux des quelques curieux autour du ring comme LA nouvelle combattante. Sa rivale, assise dans le coin du ring arborait le même sourire confiant. Son visage était marqué d'un cocard à l'œil droit et d'une balafre à l'arcade lui donnant un véritable air de guerrière. Elle aussi s'était entraînée. L'arbitre n'était autre que l'un des coachs de la salle. Après une tape dans les gants en guise de signe de respect le gong retentit. Elle y était. C'était son moment. Son jeu de jambes était léger. Elle semblait flotter à la surface du ring. Ses pas dessinaient sur le sol des arabesques. Sa garde était haute et son attitude conquérante. Après quelques secondes d'observation son adversaire s'approcha la faisant reculer dans les cordes. Elle devait s'extirper du piège dans lequel elle avait mis le pied. Esquivant une première droite, elle bloqua une gauche de l'avant bras. Sa garde se fit fébrile. Soudain son confort lui manqua terriblement. L'uppercut de son adversaire fendit l'air. Son gant frappa violemment la mâchoire de la novice, envoyant valser sa tête vers l'arrière. Le regard dans le flou, elle ramena sa tête vers l'avant. Dépassée. Elle vit la gauche revenir à toute vitesse. Pas le temps de remonter la garde. Le gant s'écrasa sur sa joue et attrapa son nez qui laissa échapper un filet de sang. Son corps ne répondait plus. Il s'écrasa sur le sol tel un poids mort. Perte de connaissance. Lorsqu'elle revint à elle, son nez, tordu, humait l'odeur de sueur dégagée par le sol du ring. Face à elle, son adversaire, assise dans son coin l'observait, sourire aux lèvres. Satisfaction optimale.
Après être passée par l'hôpital, la combattante d'un jour retrouva son nid douillet. Son téléphone ne s'arrêtait plus de vibrer. 1, 2, 3, 8, 15, 30, 100, 300 notifications. En cliquant sur l'une d'elles, elle découvrit que la vidéo de son combat, postée par un inconnu sur les réseaux était devenue en quelques heures virale. Buzz. Elle en avait l'habitude mais cette fois-ci elle était la risée. Les commentaires sadiques, moqueurs lui faisaient mal. Plus encore que les coups qu'elle avait reçus quelques heures auparavant. Sans le savoir, cet inconnu venait de lui faire prendre un tournant dans sa vie. Elle avait décidé qu'elle y arriverait. Elle s'en donnerait les moyens. Un jour, elle les ferait taire. Peut-être même ils l'encourageraient. Ce n'était d'ailleurs pas une possibilité. Il s'agissait d'une certitude. La volonté ne se forge bien que dans l'adversité. Elle était battante. Elle deviendrait tout bientôt Combattante. Championne du monde.
“Tout obstacle peut se surmonter avec le temps et la volonté” Antoine Claude Gabriel Jobert