Tentative de viol

« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître ». Disait Adeline alors que son agresseur était toujours obliqué au-dessus d'elle, prêt à lui infliger une gifle à son tour. Contre toute attente, tel un coup de grâce des dieux, sous le regard d'une voiture de patrouille de la police, l'agresseur se désista et avec son gang, tous à la peau blanche comme neige, ils partirent en se perdant plus loin dans le vide. Une fois de plus, Adeline venait de subir une autre agression dans les rues du Michigan, comme cela était d'ailleurs de coutume. Elle et ses semblables noirs, avaient commis le crime de naître la peau beaucoup plus foncée. Loin de s'imaginer que l'addition de cette journée allait être encore plus salée, Adeline rejoignit la propriété des Wilson dont elle avait pris congé pour passer la fin de la semaine en famille.
Adeline, une afro-américaine, comme la majeure partie des siens était employée par un couple blanc pour faire le ménage dans leur immense villa pour un maigre salaire. À la tombée de la nuit, elle logeait à l'arrière-cour, seule dans un cagibi non loin de l'enclos des chiens. Ce soir là, comme tous les précédents de sa misérable vie, elle ne rejoignit son cagibi qu'après s'être affranchit de ses dernières tâches quotidiennes et lorsque son employeur et toute sa famille partirent rejoindre leurs lits. Elle avait le corps écrasé et l'esprit éreinté. Adeline était suffisamment fractionnée par la fatigue liée aux devoirs interminables de son cahier de charge kilométrique. Avant de se glisser sous sa couette, elle fit une petite prière au bon Dieu. Ensuite, elle se badigeonna le corps d'une crème mentholée conseillée par l'une de ses amies pour chasser les courbatues de son corps. Au chapelet de ses maux, s'ajoutait cette douleur au bas-ventre. Elle était dans sa mauvaise période en tant que femme et ses menstrues s'accompagnaient de douleurs atroces. Adeline s'est étendue dans le creux de sa couette le temps que la douleur passe et qu'elle tombe dans les bras de Morphée. Son mal baissait en intensité à pas de torture. Au bout d'une demi-heure la douleur s'endormit, lui permettant enfin de fermer les yeux.
Pendant que son corps se reposait pour les quelques heures qui lui restait, elle sentit une présence au-dessus d'elle. Ensuite, une ombre faisant écran à la lumière de la lampe l'envahit. Le pressentiment de la présence d'une personne à ses alentours s'intensifiait, mais elle ne voulut pas mettre fin à ce petit moment de délice. Par la suite, elle sentit une main palper son corps. C'est à cet instant qu'en sursaut, Adeline jaillit de son sommeil. Au-dessus d'elle, se dressait monsieur Wilson ou un incube prêt à profiter de son corps. Il s'était déjà ôté de sa veste qui trainait au sol, il portait juste un sous-corps et une petite culotte. Le regard de monsieur Wilson parcourait le corps de la jeune fille attentivement avec tant de désir pendant que l'une de ses mains tripotait le corps d'Adeline dans tous les sens. « Hé ! Monsieur Wilson que faites-vous ainsi ? », questionna Adeline. À défaut d'une réponse, ses mains continuaient de gagner en profondeur dans les sous-vêtements de la jeune nègre. Monsieur Wilson continuait d'aplatir son corps contre celui de sa boniche. « Non ! Arrêtez, je vous prie monsieur. J'ai mal partout au corps, en plus les Anglais sont là ». Disait Adeline à répétition. « Laissez-vous faire ». Répondait ensuite monsieur Wilson. Le mal d'Adeline endormi depuis quelques minuscules heures se réveillait progressivement. À peine, elle parvenait à se dégourdir les jambes. Monsieur Wilson insistait, une insistance tenace et têtue. Le refus de la jeune fille sautait au visage vu les efforts qu'elle fournissait pour se refuser à lui. Leurs membres se débattaient comme sur un ring de boxe entre deux adversaires qui tentaient chacun de remporter une ceinture olympique. Un petit instant, Adeline réussit à sortir de la couette. Pendant qu'elle courait en direction de la porte pour s'évader, monsieur Wilson la saisit une seconde fois pour la jeter brutalement au sol. Alors qu'elle évitait sa chute, son dos heurta le miroir accroché sur l'un des quatre murs. Des morceaux de verre traînaient sur la couette, là où monsieur Wilson roulait Adeline dans tous les sens. Certains morceaux trouaient le corps de la jeune fille. Adeline se tordait de douleur. À bout de souffle, pour parvenir à ses fins, monsieur Wilson se mit à donner des coups au visage de sa proie. Des paires de gifles, de la joue gauche à la joue droite. Ensuite un gros coup de poing dans son abdomen pour la faire céder. Adeline commençait à perdre conscience. Tout devenait noir, c'était presque l'obscurité dans ses yeux. C'est à cet instant, avant de tomber dans les pommes, qu'elle se servit de son dernier souffle pour attraper l'un des objets auprès d'elle sur la couette pour se défendre.
Adeline est revenue à elle un peu plus tard. Les draps étaient tous rouges. Elle avait un morceau de verre recouvert de sang dans l'une de ses mains. Le vertige la faisait voyager dans toute la pièce. Dans une mare de sang, le corps de monsieur Wilson y nageait. Prise de peur et de panique elle lui tapota l'épaule. « Monsieur Wilson... ; Monsieur Wilson... » Elle récitait son nom à plusieurs reprises, mais c'était le silence aux lèvres de son employeur. Adeline avait très mal. À peine, elle pouvait se tenir débout. Mais le sang et sa senteur l'inquiétaient, alors elle prit appui sur l'un des côtés du sol pour parvenir à se tenir sur ses fesses. Ensuite, un, deux, trois, d'un coup, elle se servit de toutes ses forces pour retourner le corps de monsieur Wilson sur le dos. Hélas ! C'était le pire. La dépouille de monsieur Wilson se vidait des dernières gouttes de sang. Adeline aperçut un gros trou dans le cou de monsieur Wilson. Elle se rendit compte qu'elle y avait enfoncé un morceau du miroir morcelé pendant la débandade. Adeline avait l'esprit désormais affolé. Elle prit le pouls de monsieur Wilson, mais il ne présentait aucun signe de vie. Adeline refusait de se convaincre, mais le corps de monsieur Wilson était sans vie. « À l'aide, à l'aide », elle criait d'une voix affaiblie et tremblante qui d'ailleurs ne parvenait pas à franchir le seuil du cagibi. Personne ne venait, Adeline était là à observer monsieur Wilson recouvert de son sang. Les larmes d'Adeline coulaient, ses joues étaient inondées. Elle sanglotait et gémissait de douleur. Elle venait de réaliser que monsieur Wilson était mort pendant son court temps d'évanouissement. Les cris d'alerte d'Adeline finirent par susciter l'inquiétude chez le chien qui se mit à aboyer aussi fort jusqu'aux nuages. Cela poussa madame Wilson à sortir de son lit pour venir satisfaire sa curiosité. En s'approchant de plus près, elle finit par entendre les cris d'alerte d'Adeline. Sur la pointe des pieds, madame Wilson marchait pour parvenir au cagibi d'Adeline. Hélas ! Elle découvre le corps de son mari flottant dans une mare de sang. Elle s'écria, paniqua et tomba en larme. Elle courut chez les voisins et alerta la police. Une demi-heure plus tard, les pompiers, la police et un petit monde étaient au domicile des Wilson. Menottée et jetée derrière les barreaux, le lendemain au poste de police Adeline raconta les faits face aux policiers et toute la petite ruée des hommes de pouvoir qui défilaient dans sa cellule pour la questionner. Elle clama son innocence et confessa la tentative de viol de son patron. Mais dans leurs regards la boniche savait qu'ils l'avaient tous déjà condamnés. Cinq jours plus tard pour des questions de formalités, Adeline est présentée au juge devant les tribunaux pour prendre connaissance de sa sentence. Avant la demi-journée, Adeline est condamnée à la perpétuité sous le regard des siens. Adeline, une misérable femme noire dans une Amérique d'hier n'eut pas droit à un grain de justice.