Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? peut-être les deux. Ma vie n’est qu’une longue descente en enfer, c’est tellement injuste.
Je crois que j’ai toujours été mature depuis toute petite ; Aujourd’hui avec le recul ,je me dis que la lecture y a beaucoup contribué , une grande partie de mon enfance et de mon adolescence a été passé dans les livres , je ne tenais pas compte réellement de ce qui se passait à côté de moi .J’étais très heureuse à cet époque , j’avais un grand estime de moi ,je me sentais supérieure à tous les enfants et adolescents de mon entourage , je partais sur le principe que j’étais imbattable ,que vivant dans un cocon intellectuel et romancé , ce n’était pas l’idée de la petite princesse qui primait ,mais au contraire l’idée de la petite fille raffinée , intellectuellement au-dessus des enfants de son entourage et même de sa ville et qui est une grande femme intellectuelle en devenir qui prédominait en moi .
Comment se fait-il qu’une enfant puisse avoir une telle confiance en soi ? je répondrai aujourd’hui : littérature et famille ; en effet, je ne savais plus par quel hasard, il y’avait des livres, les grands classiques de la littérature se retrouvait chez nous, ajouté à cela mon oncle d’Atakpamé nous ramenait à chaque fois, qu’il venait nous rendre visite, des anthologies de la littérature et des romans ; des romans et grands classiques que je dévorais avec plaisir. À moins de 13 ans, je connaissais les grands auteurs de tous les mouvements littéraires, aucun ne m’était inconnu, ils me semblaient lointains et en même temps proches, présents dans ces pages que je tournais, à moins de 13 ans, je lisais des livres philosophiques, à moins de 13 ans, je pouvais lire un roman ou deux romans par jour. Est-ce que je comprenais nécessairement ce que je lisais ? j’y croyais avec force. M’enlever à mes lectures à cette époque relevait d’un grand crime pour moi...je détestais les travaux ménagers...ce qui était la cause de disputes avec ma mère, elle comprenait bien et m’autorisait à lire, autant que je peux mais elle voudrait aussi m’inculquer l’éducation qu’une fille est censée avoir, je repoussais cela avec une grande férocité, pour moi, c’était une perte de temps. Ce ne sont pas mes lectures qui m’y poussaient mais plutôt le plaisir, le confort de lire ; c’était devenu une grande source de tension entre ma mère et moi, elle me jetait à la figure qu’il n’y avait pas que l’école dans la vie, et que je suis appelé aussi un jour à être une femme au foyer et mère de famille. Cet argument ne me faisait ni chaud, ni froid car déjà le mariage n’était pas dans mes plans .et même si cela arrivait un jour, si la personne m’aimait vraiment, il me prendrait comme je suis, et aussi ,tout peut être appris à n’importe quel âge avec de la volonté, pensais- je... aujourd’hui, je m’étonne de ces pensées que j’avais... c’était plutôt rare ces pensées, surtout pour une jeune africaine ..ces lectures , ces pays que je désirais visiter ,ces documentaires historiques que je regardais , la vie de ces intellectuels et femmes intellectuelles que je connaissais m’ont poussé à désirer ardemment ce genre de vie ..je voulais être libre de mes mouvements ,connaitre les grands personnes de ce monde ,voyager partout au monde , être une grande intellectuelle , avoir un petit château avec une grand bibliothèque avec des chats ( j’adorais les chats et nous en avions à la maison).il s’avère que ses pensées étaient un tantinet avant-gardiste.
Je croquais la vie à plein dents, j’appartenais à une famille modeste , bien que mon père souffrait d’une hypertension artérielle je ne manquais de rien, Arrivé au collège, j’ai participé à un concours de lecture , j’ai réussi , ce qui me permit d’entrer dans l’association LIRE; le conte de fées continua de plus belle ; c’était le paradis sur terre , entrer dans cette association , c’est comme rentrer dans une association d’élite , nous jouions des théâtres et comédies dans les différents établissements de notre ville , des pièces théâtrales qui passaient aussi à la radio , des chroniques et débats que nous animions à la radio des lectures et animations à la bibliothèque...parfois je cherche au fond de moi cette adolescente que j’étais , cette adolescente qui était déjà très courageuse ,qui jonglait entre les études , l’association LIRE et les crises de d’hypertension de son père malade ; Cette adolescente qui ne connaissait pas la honte , le stress
Mon père mourut , lorsque j’étais en deuxième année du collège ; j’étais inconsciente , je me souvenais de mes larmes forcées devant les gens pour qu’ils ne croient pas que je suis insensible et que je suis sans cœur ..la vérité est que je ne ressentais rien, aucun sentiment dans mon cœur quand revenue à la maison , de l’école, mon père n’étais plus là, transporté à la morgue....je croyais que je ne mesurais pas les enjeux et ce que je venais de vivre...le soir , nous avions un devoir à l’école , je partis au devoir comme si de rien n’étais , ma mère me demanda de rester à la maison mais j’ai dit non , je ne voulais en aucun cas rater ce devoir , et risquer de perdre ma place à la tête de la classe ; les deux semaines suivantes , je ne ressentais rien...ma profonde souffrance jaillit quand je revis mon père sur son lit de mort , je ne pouvais pas empêcher les larmes et je me laissai aller à cette souffrance réparatrice...sur le moment , je ne mesurais pas la grave portée de cette perte....je n’en pris conscience que pour plus tard , quand j’entendais mes amis ou certains proches parler de leur père , dans mes moments de souffrance , dans les moments de manque de moyens je me revois dire à ces moments : si moi aussi j’avais un père , ma situation serait différente...aujourd’hui ,loin de ma famille , au Sénégal pour les études ..je me dis que si mon père était là ,j’aurais déjà pu publier mon premier roman , j’aurais pu partir en Europe, pour continuer les études et acquérir les compétences nécessaires et revenir sur le continent faire profiter au sien de mes compétences...longtemps après , je me suis rendue compte des enjeux de cette perte , je voyais dans cette perte , une succession de manques d’opportunités pour mon développement et mon avenir ; je détestais le qualificatif « orphelin » car je n’aime pas susciter de la pitié mais au fin fonds de moi , je trouvais cela comme un justificatif pour obtenir ce que je voulais dans mes prières , une façon de dire a Dieu, je suis privée de mon père, autant ne pas aggraver ma souffrance , en exauçant mes vœux , en ouvrant les portes du succès
Je me suis battue pour figurer parmi les meilleurs de mon pays, ce qui m’a permis d’obtenir une bourse de l’état de mon pays et la lutte continue toujours aujourd’hui...au fur et à mesure que je grandis, je fais de plus en plus face à l’adversité, à partir de 20 ans, la vie n’est pas facile, ce n’est pas le plus bel âge de la vie pour moi. Durant ces hauts et ces bas, la lecture m’a sauvé ,les livres se sont invités dans ma vie, tout ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce aux livres, je leur doit une grande partie de mon succès, Comme les gens trouvent du réconfort auprès des amis et connaissances, moi je le trouve dans la lecture et l’écriture, je m’appelle dzidula, et j’espère redonner ce que j’ai vécu et appris dans mes livres ; je continue toujours le combat pour réaliser mes rêves, la vie est un perpétuel combat, je reviens de loin mais tant que brillera le jour, l’espoir est permis...