Tang O'Polo

Communicant par plusieurs portes avec la ville de Chang’an,ceinturée de ses énormes murs,le parc de la rivière Serpentine est divisée en carrés.La cerisaie,le jardin des poiriers,le vignoble et le terrain de jeu de polo.L’épreuve finale aura lieu dans quelques heures juste avant que le soleil ne se couche et laisse la place à la lune du 15ème jour du 8ème mois de l’année qui sera la plus ronde et la plus lumineuse.La présence de la cour impériale permettra de vérifier l’ordre de succession.Est-ce qu’un dauphin a disparu dans un accident prémédité ? Est-ce qu’une princesse a été donnée à un khan turc après une mauvaise bataille ? Toutes les rumeurs bruissent.On entend les jacasseries autour des tentes blanches dressées au sud du terrain ,dans les groupes de costumières,de maquilleuses,de coiffeuses qui vont donner à chaque cavalière la beauté la plus éclatante de toute leur existence.L’empereur à la fin de la rencontre choisira vite celles qui agrandiront son harem.

Au contraire,il prendra son temps pour les chevaux qui rejoindront son écurie de guerre.

Il caressera les flancs humides des chevaux célestes,il vérifiera que sur la paume de sa main,la sueur est rouge comme le sang.

Zhao est la plus jeune de l’équipe de l’Ouest.

A l’âge de 12 ans elle est favorisée par sa grande taille,sa famille venue du grand Nord lui a laissé les yeux verts.Comme les autres elle est maquillée,le visage est outrageusement poudré de jaune.Elle a voulu un fard rose indien sur les joues pour se différencier du rouge vif foncé de la fleur de coquelicot dessinée sur son front.Les lèvres sont peintes en rouge qui tire sur le violet,l’artiste leur a donné la forme d’une cerise.

Le plus long a été la coiffure.Les cheveux longs jusqu’aux hanches ont permis la confection d’une véritable sculpture en hauteur avec au sommet deux coques.

Zhao revêt un costume d’apparat de cavalier.En haut une tunique aux manches bouffantes avec des brocarts d’or et d’argent.En bas le pantalon s’arrete sous le genou pour laisser place à des bottes souples qui moulent les mollets et les pieds.Le pantalon et les bottes sont en daim pour qu’elle ne glisse pas sur sa monture qu’elle monte à cru.Elle est capable de passer sous le ventre du cheval au galop et de faire le tour complet.La tenaille de ses frêles jambes est si puissante qu’elle pourrait écraser le ventre d’un guerrier turc et le faire suffoquer.

L’équipe de l’Ouest de la ville est composée de 5 joueuses,elle est menée et entraînée par Diki.

C’est la plus âgée,elle n’a jamais été choisie par l’Empereur car elle ne ne présente pas les canons de la beauté.D’origine tibétaine,elle est petite,son visage buriné et creusé donne à la maquilleuse une heure de travail en plus.Personne n’a jamais vu ses yeux protégés du soleil de l’Himalaya par ses paupières épaisses.C’est une boule de muscle,quand elle saute sur son cheval par l’arrière en agrippant la queue,la clameur de la foule n’en laisse pas un indifférent.Son cheval n’a aucun enrênement,elle le dirige avec son corps en agrippant la crinière.Il est noir de jais,au soleil rasant ou à l’automnne,on est ébloui par ses reflets bleus.L’Empereur qui considère Diki comme la meilleure cavalière ne fera jamais entrer son cheval dans son écurie.Le bel étalon est le plus agile et le plus rapide de l’Empire.Il est gardé et soigné par 10 palefreniers qui ne le quittent jamais;on les surnomme les mignons de Diki.Il n’a pas de prix,par contre ses saillies ont enrichi sa propriétaire qui a fait construire un palais dont l’écurie serait un château en rêve pour n’importe quel chinois.

Le terrain de polo est entouré par des grands mâts où faseyent à leur sommet des drapeaux multicolores.Plus loin aux 4 coins sortent des gros tuyaux de bambou qui crachent des grandes flammes de gaz embrasé*.

Toute la cour est regroupée sur un côté.

Le peuple entoure les autres dans un grouillement et un brouhaha sans commune mesure avec une fourmilière.

Zhao était partagée,écartelée.Depuis plusieurs mois,quand elle galope sur le terrain d’entraînement,elle rencontre un jeune écuyer dont la beauté l’a bouleversée.C’est un prince héritier.

Elle appréhende la décision de l’Empereur.Si elle est choisie comme concubine talentueuse,enfermée dans le harem,elle ne verra plus le prince.

Doit-elle s’enlaidir?Mais elle ne contrôle pas sa parure qui représente sept 10èmes de la beauté.

Doit-elle mal jouer?Diki ne lui pardonnerait pas,elle la fouetterait à mort.

Elle a fini par se résoudre à jouer son rôle.

Le match est rugueux,l’équipe de l’Est,cette année,a importé de la vallée de Ferghana de très bons chevaux.La fin se rapproche et les deux équipes sont à égalité.

Diki n’a plus de voix,elle sait que pour gagner il faut un coup du sort ou un coup de génie de l’une d’entre elles.

La balle est grosse,il faut des muscles pour la faire rouler dans l’en-but.Une boucle de cuir est cousue à sa surface.Il est très difficile avec le maillet de s’en saisir pour gagner du temps;c’est un coup d’exception.

Un tour de tambour vient annoncer qu’il ne reste plus qu’une minute à la clepsydre.

Zhao a fait tourner son cheval sur place;il doit avoir des tendons d’acier dans les jambes.La balle est restée sur place,manquée par les 2 camps,toutes les autres cavalières sont dans le mauvais sens.Au grand galop Zhao charge ,elle va être gênée par 2 cavalières,une sur sa trajectoire et l’autre devant la balle.Après avoir contourné la première si elle reste assise elle sera trop loin de la balle. Elle se penche alors à angle droit sur le flanc enserrant l’animal par le dos et le ventre.Elle lâche les rennes,son compagnon est intelligent, il a compris la manœuvre. Les bras tendus elle tient le maillet des deux mains pour plus de stabilité et de précision.La tête de la canne rentre dans la boucle.Zhao se tord sur elle même et ramasse la balle en même temps que ses membres se rétractent pour relever son corps et s’assesoir pour éviter de percuter l’autrès joueuse devant.

Elle n’a plus qu’à marquer le but de la victoire.

Un déluge de hurlements,de sonneries de trompettes,de roulements de tambour,explosent autour du stade.

L’empereur est debout,les eunuques crient de leurs voix de fausset.

Les deux équipes se présentent devant l’empereur.Il demande,avant de faire ses choix,au chef des eunuques d’ouvrir la balle.

L’eunuque de son glaive sectionne l’enveloppe en peau de chèvre, il en sort une tête qu’il tient par les cheveux.Tout le monde reconnaît la chevelure d’un prince héritier quand il fait tourner la tête . La clameur est à son apogée,le peuple n’en est que plus respectueux de son empereur. Quand la figure livide du prince arrive devant son regard,Zhao vacille et va tomber de cheval.La poigne de Diki la remet sur le dos sanglant de sa noble monture.

Bien sûr Zhao et son cheval seront choisis par l’empereur.

Le chagrin de Zhao sera de courte durée.

Elle appendra au harem que son prince s’était fait arrêté par les eunuques lors d’une visite à une belle concubine, certains disent deux.

La concubine qui rend les oracles lui prédira qu’elle deviendra impératrice et qu’elle aura une multitude d’amants et de palefreniers.



* ces installations sont maintenant alimentées par des bouteilles de Butagaz