Sun

Dans un climat proche, le gouvernement a lancé une taxe sur le soleil. Qui ne l'acquitte pas ne bronze pas. Il sera assigné à résidence l'été. La moindre trace de bronzage lui coûtera si cher qu'il lui faudra toute une vie pour la payer. Des horaires de sortie sont imposés aux mauvais payeurs. Ils n'ont droit qu'à un nombre d'heures limité d'ensoleillement par semaine. Les pauvres, quant à eux, n'ont le droit de sortir que la nuit. Leur vie s'organise ainsi. Ils travaillent dès le coucher du soleil et rentrent avant son lever. La domotique contrôle la fermeture des fenêtres de leurs domiciles pendant la journée, afin qu'aucune lumière de l'astre diurne n'y pénètre.
 
Journal de bord :
 

J - 5 ° C
 

Je purge ma peine. Pour avoir milité contre le réchauffement climatique, le gouvernement me condamne à mourir de froid pendant l'été. Je suis emprisonné chez moi, la clim est au plus bas. 
Ma maison est devenue ma geôle. Une chambre froide. J'y passe mes journées et mes nuits sous les couvertures. Je me nourris d'aliments froids. Je suis dans l'obscurité totale. Ma famille a été relogée ailleurs, à ses frais. Dans leur demeure provisoire, ils sont en froid avec le gouvernement depuis ce jour. Dans un climat encore plus proche, les pauvres vivront sous la Terre. L'air sera taxé aussi. On vendra de l'air en bouteille, de l'air marin, de l'air des montagnes.
 

J - 10 ° C
 

Il ne me reste que quelques degrés à vivre. Je revois ma vie défiler devant moi. Blotti contre moi-même, recroquevillé sur la morsure  du froid, un souvenir glaçant me traverse l'esprit, réchauffant mon cœur dans la foulée. Le jour de mes dix ans, mon père m'avait emmené camper en montagne. Nous avions été surpris par une chute de neige. La nuit ne tarda pas a tisser sa toile, nous enveloppant ainsi dans son piège obscur. Papa avait allumé sa lampe frontale, retiré ses gants, et m'a demandé d'en faire de même. Quand je l'ai questionné sur la raison de sa décision, il ma répondu dans un grand sourire, les lèvres gercées :
 

'' Le peu de chaleur que nous pouvons avoir est entre nos mains. Il suffit de les frotter l'une contre l'autre. ''
 

Ce furent ses dernières paroles.
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