Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux se disait-elle en définitive. Quelques fois elle aurait préféré que plus jamais ses yeux ne s’ouvrent, pour qu'elle soit épargnée des jets du lugubre et de l’ubuesque sort que les Hommes réservent aux Hommes et que la providence jalonne de ses griffes et de ses griefs machiavéliques. Pire, elle souhaitait que son cœur et son âme cessent de battre la mesure. Tel le soleil repu qui se couche au crépuscule velouté.
Vivre dans ce corps ambigu était encore pire que ces vies insolites et brumeuses qu’on trainait en Afrique. Une vie qui ère, dictée par les vicissitudes d’une sorte de tramontane qui l’enivre jusqu’aux confins du lucide. Dieu devait y perdre des vies et des joies ! A l’estrade de la moribonde scène, au théâtre de l’agonie, tel aux cimes du Golgotha. Où la crucifixion dame le pion à la vie. Le pauvre Seigneur ! Cette vie qui aurait due couler à flot comme du vieux vin dans un bistrot endiablé. Mais hélas, il faut croire que des broutilles lui échappent également à notre Seigneur ! Que faire d'une existence scabreuse et quasi scandaleuse? La preuve ? Personne n’assuma cette hydre, la créature des laboratoires de la précarité, aussi digne d’un poulpe que fidèle à la haine qu’on voue à l’incivilité d’un postillon. Peut-être était-ce finalement un ange ? Mon ami Foster. Il n’était ni homme ni femme, tels les anges. Ses parents voulurent néanmoins qu'il soit un homme. Je le connus donc homme à l’orée de nos vies d’enfants et d’innocence. Et j’appris le temps coulant à l’aimer et à l’apprécier sans me soucier de ses terreaux inconnus. Nous sommes bien des êtres diffus, des monades de la vanité qui voguent et vaquent sous bien de casquettes fourbes et hypocrites. Mais quand on est enfant on est bien à l’abri de ce pourpre tintamarre, on est comme déifié et on apprécie mieux les gens et les choses, sans complexe et sans prise de tête.
Foster que je connu était un être comme un autre et meilleur que ne le sont la plupart. Sans chaine et sans voile. Il aimait la vie et me fit l’aimer aussi. Il dégageait une ahurissante joie de vivre. C’était comme s’extasier à l’opium que de le côtoyer. C’était un homme passionnant. Qui pouvait d’ailleurs douter que ce ne fut un homme ? Il était plutôt exubérant et fougueux, cocasse et taquin, sympathique aussi. Je l’étais moins. On formait donc une belle paire, comme ces duos de contraires taraudants qui hébètent au final. Que peut bien foutre un lion à déambuler fraternellement avec une gazelle sous le soleil tapant, alors que les cloches tonitruantes de la faim coassent et bruissent. Comment aurait-il pu ne pas s’en rendre compte tôt ou tard ? Qu'il n'etait pas que homme. Qu’il avait quelque chose en plus et peut-être de trop. Cela l’avait toujours taraudé et émoustillé aussi dès fois quand j'y pense. Et plus nous avancions en âge et davantage la lancinante question du « qui suis-je » tambourinait dans sa tête.
Sous le poids du temps et de nos fécondes espérances, il arrive à chacun de nous, un matin bohème, celui où les chemins deviennent volages, de se demander qui on est. C’était pour lui la question existentielle. La réponse, il ne l’avait pas, du moins pour les moments qu’il se la posait. C’était comme un pis-aller. Plus il grandissait et plus sa vie était un véritable labyrinthe. Il ne pouvait plus s’ignorer et vivre sous des couleurs inassumées et niaises qui ne l’enjaillaient guère. Cette question lui collait à la peau telle une sensu sournoise et s’imposait d’elle-même sous ses yeux hagards. Il n’y pouvait rien, il subissait cette acre providence sans délectation aucune. Sa vie d’adolescent était devenue une vilaine litanie sans saveur et sans grâce qui trainait ses tares sans possibilité d’absolution. Et quand au jour sobre de l’espoir vaniteux il pensait pouvoir en saisir quelques bribes, quelques brins fins de cette vie d’atermoiements, tout s’évaporait subrepticement, illico presto, tel le vent frêle qui s’enfuit pour se fondre dans la pénombre alors que la canicule harcèle la sérénité et la quiétude.
Foster n’était pas un être commun comme le sont la plupart des gens. Il était un être double si vous voulez. Il était pluriel et antagonique comme un pharmakon. C’était un intersexué, un hermaphrodite pour être laconique. Finalement il n’était plus seulement un homme. Il était aussi une femme. Mais il pouvait être un homme ou une femme ou encore les deux à la fois. Tout cela avait le chic de me brouiller les méninges. Je n’y comprenais plus rien. C’était fort éreintant que d’y songer. De tenter demeler ce brouhaha qui dépassait mon entendement.
Vivre ainsi était une glorieuse façon de ne pas vivre et de n’être personne en particulier. Foster n'existait que comme un personnage d’une fiction passionnée et irréaliste. C’était là une belle farce qui n’avait rien de délicieux se disait-il. Et très souvent il espérait qu’au beau matin, après une nuit chaste, le Seigneur l’aurait restauré dans son droit d’être et d’exister enfin comme un personnage réel. Loin de l’exagération et de l’extravagance de la fertile imagination d’un féru de scénario abracadabrantesque.
Foster était désormais un grand garçon. A peine la quinzaine sonnée que les voix efféminées et les voies féminines le pressaient et l’oppressaient. Après une vie d’homme menée sous des signes parfois tumultueux, il allait devoir s’adonner à son autre vie, sa vie de femme. Il n y pouvait rien, c’était un appel du cœur et un appel du destin. Comme l’est l’appel du Seigneur. Il savait pourtant que la transition ne serait pas facile. Qu’il subira les supplices et les regards désapprobateurs d’une société inquisitrice. Ses parents allaient devoir affronter les vieux démons libérés des geôles de l’affable armistice et faire face à un océan de doutes et de hontes. Assumeraient-ils toujours ce fils devenu fille ? La mutation s’était opérée à une vitesse effarante. Foster était devenu une véritable femme avec les félicités y afférentes. Il se sentait désormais femme et il voulait être une femme. Il se foutait pas mal des regards sentencieux et des considérations brimeuses qu’on l’assenait. Je restai bien à distance de lui ou d’elle durant un bon bout. Je n’y comprenais rien, c’était à la fois insolite et inédit. Ce que les hommes ne comprennent pas, ils le relèguent assez vite au rang de la sorcellerie. Cela parait quelque peu gueux, comme si en l’inconnu il n’y avait aucune justesse, ni aucune moelle dont on pourrait s’enivrer.
Foster se retrouvait désormais dans une peau qu’il assumait et cela l’émulait véritablement. Il se sentait épanoui en tant que femme. Je mis du temps à le comprendre et à l’accepter. Cette femme-là avait le droit elle aussi de prétendre au bonheur, de faire ses propres choix et de les assumer. C’est aussi en cela que réside la liberté. Mais elle savait pertinemment qu’on ne la verra jamais comme une femme entière, qu’elle subira les pires railleries et que plutard elle aura des difficultés à trouver un mari qui l’acceptera sous cette cape, sous cette coupole. Elle ne désespérait pas pour autant. Elle était plutôt confiante maintenant que sa vie semblait avoir un sens à ses yeux et qu’elle savait qui elle voulait être. Nous sommes tous différents tout compte fait, ceci d’une manière ou d’une autre. Cela sonne comme un hymne mélodieux à la tolérance, à l’acceptation de la différence, qu’elle soit religieuse ou politique, qu’elle soit liée au sexe ou à la race, à la pauvreté où à la richesse...Nous sommes tous les enfants de ce monde qu’un jour nous laisserons pour nous en aller bredouille. Autant bien vivre cette vie éphémère qui chaque jour s’en va silencieusement. Autant vivre pour les autres et avec les autres, car au jour de la fin, ce qui reste pour la postérité et pour l’éternité ce sont nos bonnes œuvres.
Vivre dans ce corps ambigu était encore pire que ces vies insolites et brumeuses qu’on trainait en Afrique. Une vie qui ère, dictée par les vicissitudes d’une sorte de tramontane qui l’enivre jusqu’aux confins du lucide. Dieu devait y perdre des vies et des joies ! A l’estrade de la moribonde scène, au théâtre de l’agonie, tel aux cimes du Golgotha. Où la crucifixion dame le pion à la vie. Le pauvre Seigneur ! Cette vie qui aurait due couler à flot comme du vieux vin dans un bistrot endiablé. Mais hélas, il faut croire que des broutilles lui échappent également à notre Seigneur ! Que faire d'une existence scabreuse et quasi scandaleuse? La preuve ? Personne n’assuma cette hydre, la créature des laboratoires de la précarité, aussi digne d’un poulpe que fidèle à la haine qu’on voue à l’incivilité d’un postillon. Peut-être était-ce finalement un ange ? Mon ami Foster. Il n’était ni homme ni femme, tels les anges. Ses parents voulurent néanmoins qu'il soit un homme. Je le connus donc homme à l’orée de nos vies d’enfants et d’innocence. Et j’appris le temps coulant à l’aimer et à l’apprécier sans me soucier de ses terreaux inconnus. Nous sommes bien des êtres diffus, des monades de la vanité qui voguent et vaquent sous bien de casquettes fourbes et hypocrites. Mais quand on est enfant on est bien à l’abri de ce pourpre tintamarre, on est comme déifié et on apprécie mieux les gens et les choses, sans complexe et sans prise de tête.
Foster que je connu était un être comme un autre et meilleur que ne le sont la plupart. Sans chaine et sans voile. Il aimait la vie et me fit l’aimer aussi. Il dégageait une ahurissante joie de vivre. C’était comme s’extasier à l’opium que de le côtoyer. C’était un homme passionnant. Qui pouvait d’ailleurs douter que ce ne fut un homme ? Il était plutôt exubérant et fougueux, cocasse et taquin, sympathique aussi. Je l’étais moins. On formait donc une belle paire, comme ces duos de contraires taraudants qui hébètent au final. Que peut bien foutre un lion à déambuler fraternellement avec une gazelle sous le soleil tapant, alors que les cloches tonitruantes de la faim coassent et bruissent. Comment aurait-il pu ne pas s’en rendre compte tôt ou tard ? Qu'il n'etait pas que homme. Qu’il avait quelque chose en plus et peut-être de trop. Cela l’avait toujours taraudé et émoustillé aussi dès fois quand j'y pense. Et plus nous avancions en âge et davantage la lancinante question du « qui suis-je » tambourinait dans sa tête.
Sous le poids du temps et de nos fécondes espérances, il arrive à chacun de nous, un matin bohème, celui où les chemins deviennent volages, de se demander qui on est. C’était pour lui la question existentielle. La réponse, il ne l’avait pas, du moins pour les moments qu’il se la posait. C’était comme un pis-aller. Plus il grandissait et plus sa vie était un véritable labyrinthe. Il ne pouvait plus s’ignorer et vivre sous des couleurs inassumées et niaises qui ne l’enjaillaient guère. Cette question lui collait à la peau telle une sensu sournoise et s’imposait d’elle-même sous ses yeux hagards. Il n’y pouvait rien, il subissait cette acre providence sans délectation aucune. Sa vie d’adolescent était devenue une vilaine litanie sans saveur et sans grâce qui trainait ses tares sans possibilité d’absolution. Et quand au jour sobre de l’espoir vaniteux il pensait pouvoir en saisir quelques bribes, quelques brins fins de cette vie d’atermoiements, tout s’évaporait subrepticement, illico presto, tel le vent frêle qui s’enfuit pour se fondre dans la pénombre alors que la canicule harcèle la sérénité et la quiétude.
Foster n’était pas un être commun comme le sont la plupart des gens. Il était un être double si vous voulez. Il était pluriel et antagonique comme un pharmakon. C’était un intersexué, un hermaphrodite pour être laconique. Finalement il n’était plus seulement un homme. Il était aussi une femme. Mais il pouvait être un homme ou une femme ou encore les deux à la fois. Tout cela avait le chic de me brouiller les méninges. Je n’y comprenais plus rien. C’était fort éreintant que d’y songer. De tenter demeler ce brouhaha qui dépassait mon entendement.
Vivre ainsi était une glorieuse façon de ne pas vivre et de n’être personne en particulier. Foster n'existait que comme un personnage d’une fiction passionnée et irréaliste. C’était là une belle farce qui n’avait rien de délicieux se disait-il. Et très souvent il espérait qu’au beau matin, après une nuit chaste, le Seigneur l’aurait restauré dans son droit d’être et d’exister enfin comme un personnage réel. Loin de l’exagération et de l’extravagance de la fertile imagination d’un féru de scénario abracadabrantesque.
Foster était désormais un grand garçon. A peine la quinzaine sonnée que les voix efféminées et les voies féminines le pressaient et l’oppressaient. Après une vie d’homme menée sous des signes parfois tumultueux, il allait devoir s’adonner à son autre vie, sa vie de femme. Il n y pouvait rien, c’était un appel du cœur et un appel du destin. Comme l’est l’appel du Seigneur. Il savait pourtant que la transition ne serait pas facile. Qu’il subira les supplices et les regards désapprobateurs d’une société inquisitrice. Ses parents allaient devoir affronter les vieux démons libérés des geôles de l’affable armistice et faire face à un océan de doutes et de hontes. Assumeraient-ils toujours ce fils devenu fille ? La mutation s’était opérée à une vitesse effarante. Foster était devenu une véritable femme avec les félicités y afférentes. Il se sentait désormais femme et il voulait être une femme. Il se foutait pas mal des regards sentencieux et des considérations brimeuses qu’on l’assenait. Je restai bien à distance de lui ou d’elle durant un bon bout. Je n’y comprenais rien, c’était à la fois insolite et inédit. Ce que les hommes ne comprennent pas, ils le relèguent assez vite au rang de la sorcellerie. Cela parait quelque peu gueux, comme si en l’inconnu il n’y avait aucune justesse, ni aucune moelle dont on pourrait s’enivrer.
Foster se retrouvait désormais dans une peau qu’il assumait et cela l’émulait véritablement. Il se sentait épanoui en tant que femme. Je mis du temps à le comprendre et à l’accepter. Cette femme-là avait le droit elle aussi de prétendre au bonheur, de faire ses propres choix et de les assumer. C’est aussi en cela que réside la liberté. Mais elle savait pertinemment qu’on ne la verra jamais comme une femme entière, qu’elle subira les pires railleries et que plutard elle aura des difficultés à trouver un mari qui l’acceptera sous cette cape, sous cette coupole. Elle ne désespérait pas pour autant. Elle était plutôt confiante maintenant que sa vie semblait avoir un sens à ses yeux et qu’elle savait qui elle voulait être. Nous sommes tous différents tout compte fait, ceci d’une manière ou d’une autre. Cela sonne comme un hymne mélodieux à la tolérance, à l’acceptation de la différence, qu’elle soit religieuse ou politique, qu’elle soit liée au sexe ou à la race, à la pauvreté où à la richesse...Nous sommes tous les enfants de ce monde qu’un jour nous laisserons pour nous en aller bredouille. Autant bien vivre cette vie éphémère qui chaque jour s’en va silencieusement. Autant vivre pour les autres et avec les autres, car au jour de la fin, ce qui reste pour la postérité et pour l’éternité ce sont nos bonnes œuvres.