Ce matin, je me lève de bonne humeur. Je ne sors pas souvent de chez moi, mais quand je pointe le bout de mon nez, j’ai l’habitude de rendre heureux les gens que je rencontre. Aujourd’hui il fait beau, je sens que ça va être ma journée.
J’adore me promener sur les rues de Paris. Voir mon reflet sur la Seine, regarder d’en haut les touristes sur les bateaux-mouches, scruter leur visage et me réjouir de la joie qu’ils ressentent lorsqu’ils m’aperçoivent. Lorsque je navigue sur le fleuve, j’aime bien passer devant Notre Dame. En un sens, elle me ressemble avec ses vitraux hauts en couleur. J’ai entendu dire qu’elle avait été partiellement détruite. Je n’étais pas là lorsque c’est arrivé, mais je ne sais pas si, même en étant là, j’aurais pu remonter le moral des personnes qui ont assisté à ce drame pour notre paysage culturel. J’ai cru voir, cependant, ses hautes flammes orangées toucher les hauteurs du ciel. Mais je n’ai pas osé sortir de chez moi. De toute façon, je ne pouvais pas, les conditions n’étaient pas bonnes. Je ne sais pas si j’irai voir la cathédrale aujourd’hui. J’ai peur d’être triste en la voyant ainsi défigurée, et il ne faut surtout pas que je m’assombrisse.
Je décide donc d’aller voir du côté du Louvre. Les grands bassins d’eau et la pyramide de verre m’ont toujours fasciné. De plus, les jours de grand soleil, j’ai l’impression de reconnaitre des frères et sœurs lorsque je jette un coup d’œil au travers des parois vitrées de cette belle pyramide. En ce moment, je ne les aperçois pas, la pluie est trop forte. Qu’à cela ne tienne, je n’ai pas peur de me mouiller !
Après avoir fait le tour du Louvre et posé avec tous les touristes qui ont eu le temps de me prendre en photo, je décide de me diriger vers le jardin du Luxembourg. Je suis heureux de voir que les enfants s’amusent toujours autant avec leur bateau en bois dans le grand bassin circulaire. C’est que j’en ai vu passer des générations de bambins, se pavanant, leur beau bateau sous le bras, ou en pleurs lorsque celui-ci se coince au milieu du point d’eau ! C’est d’ailleurs souvent lorsque cela arrive que je donne le plus fort de moi-même, ravi de voir un sourire percer sous leurs larmes lorsqu’ils aperçoivent mon reflet à côté de leur bateau. Alors, tirant leurs parents par la manche, ils lèvent la tête et me pointe du doigt, oubliant le petit malheur du naufrage de leur précieux navire. Parfois, il m’arrive de me tourner alors vers le Panthéon, juste en face. Je pense à tous les gens qui s’y trouvent, toutes ces personnes qui se sont données corps et âme pour faire de leur patrie un monde meilleur. Alors, je me sens tout petit. Certes, je donne toujours le meilleur de moi-même, et tout ce que je fais, je le fais pour réchauffer les corps et réjouir les âmes, mais mon apport est si peu concret. J’en viens à me demander si je mérite toute l’attention que l’on me porte.
Mais, tandis que je me dirige vers les Invalides et sa coupole dorée, le regard des passants me fait changer d’avis. Comme eux, je suis comme hypnotisé par cette tâche brillante au milieu du ciel de Paris. J’en oublie toutes mes mauvaises pensées et je me concentre sur cette couleur crue, irradiante, qui me rappelle un ami qui, comme moi, s’efforce de rendre les gens heureux. On nous voit d’ailleurs toujours ensemble, et il nous arrive d’échanger sur les éclairs de joie que nous avons provoqués dans nos journées respectives. Malheureusement, je ne le vois pas autant que je voudrais. Il est bien plus souvent de sortie que moi.
Mais aujourd’hui nous sommes ensemble, je dois en profiter. Tous les deux, nous nous dirigeons ainsi vers la Tour Eiffel. La grande dame de fer n’est pas forcément notre monument préféré, mais, lorsque nous nous y rendons, nous rendons inéluctablement les gens heureux. Nous avons alors droit à une avalanche de selfies, que nous endurons patiemment. Puis, lorsque nous estimons que nous leur avons accordé assez de temps, je laisse mon ami là (il est bien plus lent que moi) et je vais voir mon cousin et ma cousine.
Cela faisait longtemps que je n’étais pas allé voir l’Arc de Triomphe. Lui aussi a été bien dégradé. Mais il se dresse toujours contre le temps et les hommes, et je perçois chez lui la même fierté que j’avais remarqué plus tôt dans les yeux des enfants moussaillons. Il a côtoyé tant de grandes personnes ! Mais celle qui le rend le plus fier, c’est justement la plus petite, qu’il côtoie quotidiennement et que personne ne connaît. Il me dit qu’elle lui fait penser à moi. Maintenant que j’y pense, c’est vrai que nous avons des points communs. Nous sommes tous les deux des symboles d’espoir et de paix. Et la source de chaleur à ses côtés, toujours vacillante mais jamais éteinte, me ressemble beaucoup, tant dans sa pugnacité que dans ses teintes. Je m’emplis toujours d’un trop-plein d’émotions lorsque je vais voir ce splendide monument. Il serait peut-être temps de me changer les idées.
Quoi de mieux pour oublier les reflux de sentiments historiques qu’un secteur plongé dans la modernité ? Lancé dans cette idée, je me retrouve vite sur la place centrale de la Défense, surplombée par sa grande Arche. Il est vrai que je ne vais pas souvent par ici. Peut-être est-ce parce que je n’aime pas ces grands gratte-ciels qui me barrent toujours le passage ? Non, je ne pense pas être si égoïste. Je crois que c’est plutôt parce que je ne pense pas rendre heureux les gens qui s’y trouvent. Comment pourraient-ils m’apercevoir, lorsqu’ils sont enfermés dans ces bâtiments toute la journée, les yeux rivés sur leur ordinateur ? Pour éviter une violente dépression qui semble vouloir s’abattre sur moi, je me rends à mon lieu parisien préféré.
C’est au sommet de Montmartre que je ressens le plus de joie. De là-haut, j’ai vue sur toute la capitale, et plus loin encore. Après avoir contemplé le magnifique paysage qui s’étend à mes pieds, je regarde ce qui m’entoure. J’adore regarder au-dessus de l’épaule des peintres pour contempler leur dernière œuvre, où il m’arrive de figurer. J’écoute avec bonheur les vieilles musiques à l’orgue de barbarie qui me rappellent un temps passé qu’il m’arrive de regretter. Mais ce sur quoi je préfère porter mon attention, ce sont les amoureux. Tous ces couples qui viennent en haut de la butte, par les marches pour les plus jeunes, ou par le funiculaire pour les plus âgés, et qui déambulent dans les petites ruelles touristiques. Dans ce haut lieu de l’amour, rien n’éclaire plus leur visage que le fait de me voir. Des étoiles plein les yeux, ils savourent cet instant romantique, et profitent de la pluie qui rajoute à ce moment une touche authentique, jusqu’à ce que, la mort dans l’âme, je sois contraint de m’en aller.
Alors, avant de rentrer, je vais voir une dernière fois les endroits magiques que l’on peut trouver hors de la capitale. Je passe d’abord du côté du château de Versailles, et je retrouve mes frères et sœurs dans les jeux d’eau. Pourtant, les visiteurs sont bien plus impressionnés par moi que par eux, sûrement du fait de ma taille. Je les laisse donc m’admirer puis les quitte à contrecœur, ne sachant pas quand sera la prochaine fois que je les verrai.
Je finis mon périple en Île-de-France du côté du château de Sceaux. Plus humble, et aux jardins plus naturels, j’aime y finir mon parcours pour me rappeler ce à quoi ressemblait cette région avant l’implantation des grandes tours qui se dressent sur mon chemin. Mélancolique, je m’apprête à disparaître. Je regarde une dernière fois le ciel, qui a l’air d’osciller entre le bleu et le gris. Le pauvre, je comprends à quel point cela peut être dur de devoir jongler avec plusieurs couleurs. Moi-même, je me demande parfois si les miennes sont vraiment harmonisées. Mais étrangement, rien ne semble rendre plus heureux ces petits corps qui s’animent sous mes pieds que de voir mes sept couleurs former un arc dans le ciel. Et puis après tout, ne suis-je pas ce qu’offre le ciel de Paris pour se faire pardonner d’avoir été cruel ?
J’adore me promener sur les rues de Paris. Voir mon reflet sur la Seine, regarder d’en haut les touristes sur les bateaux-mouches, scruter leur visage et me réjouir de la joie qu’ils ressentent lorsqu’ils m’aperçoivent. Lorsque je navigue sur le fleuve, j’aime bien passer devant Notre Dame. En un sens, elle me ressemble avec ses vitraux hauts en couleur. J’ai entendu dire qu’elle avait été partiellement détruite. Je n’étais pas là lorsque c’est arrivé, mais je ne sais pas si, même en étant là, j’aurais pu remonter le moral des personnes qui ont assisté à ce drame pour notre paysage culturel. J’ai cru voir, cependant, ses hautes flammes orangées toucher les hauteurs du ciel. Mais je n’ai pas osé sortir de chez moi. De toute façon, je ne pouvais pas, les conditions n’étaient pas bonnes. Je ne sais pas si j’irai voir la cathédrale aujourd’hui. J’ai peur d’être triste en la voyant ainsi défigurée, et il ne faut surtout pas que je m’assombrisse.
Je décide donc d’aller voir du côté du Louvre. Les grands bassins d’eau et la pyramide de verre m’ont toujours fasciné. De plus, les jours de grand soleil, j’ai l’impression de reconnaitre des frères et sœurs lorsque je jette un coup d’œil au travers des parois vitrées de cette belle pyramide. En ce moment, je ne les aperçois pas, la pluie est trop forte. Qu’à cela ne tienne, je n’ai pas peur de me mouiller !
Après avoir fait le tour du Louvre et posé avec tous les touristes qui ont eu le temps de me prendre en photo, je décide de me diriger vers le jardin du Luxembourg. Je suis heureux de voir que les enfants s’amusent toujours autant avec leur bateau en bois dans le grand bassin circulaire. C’est que j’en ai vu passer des générations de bambins, se pavanant, leur beau bateau sous le bras, ou en pleurs lorsque celui-ci se coince au milieu du point d’eau ! C’est d’ailleurs souvent lorsque cela arrive que je donne le plus fort de moi-même, ravi de voir un sourire percer sous leurs larmes lorsqu’ils aperçoivent mon reflet à côté de leur bateau. Alors, tirant leurs parents par la manche, ils lèvent la tête et me pointe du doigt, oubliant le petit malheur du naufrage de leur précieux navire. Parfois, il m’arrive de me tourner alors vers le Panthéon, juste en face. Je pense à tous les gens qui s’y trouvent, toutes ces personnes qui se sont données corps et âme pour faire de leur patrie un monde meilleur. Alors, je me sens tout petit. Certes, je donne toujours le meilleur de moi-même, et tout ce que je fais, je le fais pour réchauffer les corps et réjouir les âmes, mais mon apport est si peu concret. J’en viens à me demander si je mérite toute l’attention que l’on me porte.
Mais, tandis que je me dirige vers les Invalides et sa coupole dorée, le regard des passants me fait changer d’avis. Comme eux, je suis comme hypnotisé par cette tâche brillante au milieu du ciel de Paris. J’en oublie toutes mes mauvaises pensées et je me concentre sur cette couleur crue, irradiante, qui me rappelle un ami qui, comme moi, s’efforce de rendre les gens heureux. On nous voit d’ailleurs toujours ensemble, et il nous arrive d’échanger sur les éclairs de joie que nous avons provoqués dans nos journées respectives. Malheureusement, je ne le vois pas autant que je voudrais. Il est bien plus souvent de sortie que moi.
Mais aujourd’hui nous sommes ensemble, je dois en profiter. Tous les deux, nous nous dirigeons ainsi vers la Tour Eiffel. La grande dame de fer n’est pas forcément notre monument préféré, mais, lorsque nous nous y rendons, nous rendons inéluctablement les gens heureux. Nous avons alors droit à une avalanche de selfies, que nous endurons patiemment. Puis, lorsque nous estimons que nous leur avons accordé assez de temps, je laisse mon ami là (il est bien plus lent que moi) et je vais voir mon cousin et ma cousine.
Cela faisait longtemps que je n’étais pas allé voir l’Arc de Triomphe. Lui aussi a été bien dégradé. Mais il se dresse toujours contre le temps et les hommes, et je perçois chez lui la même fierté que j’avais remarqué plus tôt dans les yeux des enfants moussaillons. Il a côtoyé tant de grandes personnes ! Mais celle qui le rend le plus fier, c’est justement la plus petite, qu’il côtoie quotidiennement et que personne ne connaît. Il me dit qu’elle lui fait penser à moi. Maintenant que j’y pense, c’est vrai que nous avons des points communs. Nous sommes tous les deux des symboles d’espoir et de paix. Et la source de chaleur à ses côtés, toujours vacillante mais jamais éteinte, me ressemble beaucoup, tant dans sa pugnacité que dans ses teintes. Je m’emplis toujours d’un trop-plein d’émotions lorsque je vais voir ce splendide monument. Il serait peut-être temps de me changer les idées.
Quoi de mieux pour oublier les reflux de sentiments historiques qu’un secteur plongé dans la modernité ? Lancé dans cette idée, je me retrouve vite sur la place centrale de la Défense, surplombée par sa grande Arche. Il est vrai que je ne vais pas souvent par ici. Peut-être est-ce parce que je n’aime pas ces grands gratte-ciels qui me barrent toujours le passage ? Non, je ne pense pas être si égoïste. Je crois que c’est plutôt parce que je ne pense pas rendre heureux les gens qui s’y trouvent. Comment pourraient-ils m’apercevoir, lorsqu’ils sont enfermés dans ces bâtiments toute la journée, les yeux rivés sur leur ordinateur ? Pour éviter une violente dépression qui semble vouloir s’abattre sur moi, je me rends à mon lieu parisien préféré.
C’est au sommet de Montmartre que je ressens le plus de joie. De là-haut, j’ai vue sur toute la capitale, et plus loin encore. Après avoir contemplé le magnifique paysage qui s’étend à mes pieds, je regarde ce qui m’entoure. J’adore regarder au-dessus de l’épaule des peintres pour contempler leur dernière œuvre, où il m’arrive de figurer. J’écoute avec bonheur les vieilles musiques à l’orgue de barbarie qui me rappellent un temps passé qu’il m’arrive de regretter. Mais ce sur quoi je préfère porter mon attention, ce sont les amoureux. Tous ces couples qui viennent en haut de la butte, par les marches pour les plus jeunes, ou par le funiculaire pour les plus âgés, et qui déambulent dans les petites ruelles touristiques. Dans ce haut lieu de l’amour, rien n’éclaire plus leur visage que le fait de me voir. Des étoiles plein les yeux, ils savourent cet instant romantique, et profitent de la pluie qui rajoute à ce moment une touche authentique, jusqu’à ce que, la mort dans l’âme, je sois contraint de m’en aller.
Alors, avant de rentrer, je vais voir une dernière fois les endroits magiques que l’on peut trouver hors de la capitale. Je passe d’abord du côté du château de Versailles, et je retrouve mes frères et sœurs dans les jeux d’eau. Pourtant, les visiteurs sont bien plus impressionnés par moi que par eux, sûrement du fait de ma taille. Je les laisse donc m’admirer puis les quitte à contrecœur, ne sachant pas quand sera la prochaine fois que je les verrai.
Je finis mon périple en Île-de-France du côté du château de Sceaux. Plus humble, et aux jardins plus naturels, j’aime y finir mon parcours pour me rappeler ce à quoi ressemblait cette région avant l’implantation des grandes tours qui se dressent sur mon chemin. Mélancolique, je m’apprête à disparaître. Je regarde une dernière fois le ciel, qui a l’air d’osciller entre le bleu et le gris. Le pauvre, je comprends à quel point cela peut être dur de devoir jongler avec plusieurs couleurs. Moi-même, je me demande parfois si les miennes sont vraiment harmonisées. Mais étrangement, rien ne semble rendre plus heureux ces petits corps qui s’animent sous mes pieds que de voir mes sept couleurs former un arc dans le ciel. Et puis après tout, ne suis-je pas ce qu’offre le ciel de Paris pour se faire pardonner d’avoir été cruel ?