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- Portrait & Autoportrait
Camille est arrivé comme ça dans la vie, sans rien demander à personne. Mais il faut dire qu'on ne lui a rien demandé non plus. Alors à quoi bon se poser des questions ? Très tôt, il a senti la musique au bout de ses doigts, alors il les a plaqués sur des cordes, sans vraiment réfléchir. Il a composé sa vie comme on compose une mélodie. Qu'est-ce qui pourrait lui laisser entrevoir ce qui va se passer ce soir ?
Depuis plusieurs semaines, il a emménagé à Brighton et fait le trajet vers la capitale tous les vendredis pour y retrouver des amis pour le week-end. Deux heures où défilent les paysages d'automne du Sussex. À travers la grisaille, Camille y devine un rayon de soleil couchant.
Les moutons blancs à tête noire broutent tranquillement l'herbe sur la colline. Les yeux de Camille se perdent à l'infini sur la sinueuse route de campagne tandis que l'autoradio délivre ses morceaux préférés qu'il a gravés sur un CD.
Dans sa musique, y'a un peu des Beatles, un peu de Brel, un peu de Brassens, un peu de tout. Car il avance comme ça Camille, sans trop savoir où il va, et il emmène sur sa route tous ceux qui le souhaitent. Il aime s'il faut aimer, il déteste quand il faut être en colère, essaie d'être présent dans chaque moment où il est nécessaire de l'être.
Camille a faim, Camille a souvent faim. Et ce soir, il est en retard et n'a pas envie d'attendre Londres pour prendre son repas. Aussi, quand il aperçoit ce pub au bord de la route, il s'arrête. De l'extérieur, ça ne paye pas vraiment de mine, mais Camille est comme ça, il prend toujours la direction vers laquelle son cœur le guide, vers laquelle son cœur balance. Et quand on lui demande pourquoi, il répond « pourquoi pas ? ». Pas toujours sûr de lui, Camille se demande si sa vie ne ressemble pas à l'itinéraire d'un garçon manqué.
Il gare son véhicule sur le parking presque désert de l'établissement. Jetant un œil à l'intérieur par les fenêtres qui se suivent, il longe la façade sur quelques mètres avant d'apercevoir la porte cachée sur le côté.
Quand il entre, on le remarque tout de suite. Son mètre quatre-vingt-quinze, son air propret, la sensation d'avoir face à soi le premier de la classe. De la manière la plus discrète possible, il paye sa commande et se place dans un coin en attendant qu'on vienne lui servir sa ham and mushroom pie. Parfois, Camille voudrait être invisible, Camille voudrait vivre dans sa bulle, s'entremêler au silence juste pour ne plus être, pendant quelques instants. Camille n'aime pas les jugements à la va-vite, la couleur verte qui ne lui va pas au teint et le café trop noir. Camille prend la vie comme elle vient, il aime l'imaginer comme une rivière où se succéderaient les tumultes des torrents et le calme apaisant de la poésie.
Peu à peu, les tables se remplissent, les serveurs s'affairent. Les habitués enchaînent les verres et chahutent sans forcément prêter attention aux artistes qui viennent de commencer. Et tandis que Camille fixe la scène, des yeux bleu-vert plongent dans les siens. Cette couleur, il l'a vue seulement dans les livres ou depuis les côtes de Porthcurno, au sud de l'Angleterre. Camille a le coup de foudre pour ces yeux, pour ces mains, pour ça et pour tout ce qui lui reste à découvrir.
Mais pour la première fois, à dix-neuf ans, Camille ne sait pas quoi faire. Pour la première fois, il n'a pas envie qu'on lui demande pourquoi, car il n'a pas envie de répondre « pourquoi pas ». Camille panique, Camille ne sait plus ce qu'il veut, Camille s'agite. Son cœur balance, oui son cœur balance si fort qu'il est au bord de la nausée. Ses pieds balancent aussi, au rythme de la musique, tout comme la main qu'il a posée sur sa jambe. À ce moment-là, Camille préfère s'évader.
Dans sa tête, il y a le temps de l'été et la voix de la chanteuse qui lui rappelle celle de Billie Holiday. Camille sent une forme de sincérité qu'il ne trouve pas toujours chez d'autres artistes, une forme de plaisir simple à écouter autant qu'à jouer, une impression qu'être ici, c'est n'avoir plus rien à perdre. Cette musique arrive à le déchirer autant qu'elle lui fait du bien. Parfois, le regard oscille, le corps vacille, les poings se serrent et la raison s'échappe. Sur certains morceaux, le patron s'autorise un solo de trompette et à côté de ses deux comparses, le pianiste sourit tandis que son instrument pleure « I'm a Fool to Want You » ...
Camille se dit qu'il devrait partir. Oui, quitter cet endroit pour ne plus y revenir serait le mieux à faire. Alors, il fait traîner sa chaise sur le sol tandis que la musique s'interrompt et il se dirige vers la sortie tandis que le silence étreint la pièce. Mais alors qu'il s'apprête à pousser la porte, il sent une main sur son bras, prête à le retenir.
Depuis plusieurs semaines, il a emménagé à Brighton et fait le trajet vers la capitale tous les vendredis pour y retrouver des amis pour le week-end. Deux heures où défilent les paysages d'automne du Sussex. À travers la grisaille, Camille y devine un rayon de soleil couchant.
Les moutons blancs à tête noire broutent tranquillement l'herbe sur la colline. Les yeux de Camille se perdent à l'infini sur la sinueuse route de campagne tandis que l'autoradio délivre ses morceaux préférés qu'il a gravés sur un CD.
Dans sa musique, y'a un peu des Beatles, un peu de Brel, un peu de Brassens, un peu de tout. Car il avance comme ça Camille, sans trop savoir où il va, et il emmène sur sa route tous ceux qui le souhaitent. Il aime s'il faut aimer, il déteste quand il faut être en colère, essaie d'être présent dans chaque moment où il est nécessaire de l'être.
Camille a faim, Camille a souvent faim. Et ce soir, il est en retard et n'a pas envie d'attendre Londres pour prendre son repas. Aussi, quand il aperçoit ce pub au bord de la route, il s'arrête. De l'extérieur, ça ne paye pas vraiment de mine, mais Camille est comme ça, il prend toujours la direction vers laquelle son cœur le guide, vers laquelle son cœur balance. Et quand on lui demande pourquoi, il répond « pourquoi pas ? ». Pas toujours sûr de lui, Camille se demande si sa vie ne ressemble pas à l'itinéraire d'un garçon manqué.
Il gare son véhicule sur le parking presque désert de l'établissement. Jetant un œil à l'intérieur par les fenêtres qui se suivent, il longe la façade sur quelques mètres avant d'apercevoir la porte cachée sur le côté.
Quand il entre, on le remarque tout de suite. Son mètre quatre-vingt-quinze, son air propret, la sensation d'avoir face à soi le premier de la classe. De la manière la plus discrète possible, il paye sa commande et se place dans un coin en attendant qu'on vienne lui servir sa ham and mushroom pie. Parfois, Camille voudrait être invisible, Camille voudrait vivre dans sa bulle, s'entremêler au silence juste pour ne plus être, pendant quelques instants. Camille n'aime pas les jugements à la va-vite, la couleur verte qui ne lui va pas au teint et le café trop noir. Camille prend la vie comme elle vient, il aime l'imaginer comme une rivière où se succéderaient les tumultes des torrents et le calme apaisant de la poésie.
Peu à peu, les tables se remplissent, les serveurs s'affairent. Les habitués enchaînent les verres et chahutent sans forcément prêter attention aux artistes qui viennent de commencer. Et tandis que Camille fixe la scène, des yeux bleu-vert plongent dans les siens. Cette couleur, il l'a vue seulement dans les livres ou depuis les côtes de Porthcurno, au sud de l'Angleterre. Camille a le coup de foudre pour ces yeux, pour ces mains, pour ça et pour tout ce qui lui reste à découvrir.
Mais pour la première fois, à dix-neuf ans, Camille ne sait pas quoi faire. Pour la première fois, il n'a pas envie qu'on lui demande pourquoi, car il n'a pas envie de répondre « pourquoi pas ». Camille panique, Camille ne sait plus ce qu'il veut, Camille s'agite. Son cœur balance, oui son cœur balance si fort qu'il est au bord de la nausée. Ses pieds balancent aussi, au rythme de la musique, tout comme la main qu'il a posée sur sa jambe. À ce moment-là, Camille préfère s'évader.
Dans sa tête, il y a le temps de l'été et la voix de la chanteuse qui lui rappelle celle de Billie Holiday. Camille sent une forme de sincérité qu'il ne trouve pas toujours chez d'autres artistes, une forme de plaisir simple à écouter autant qu'à jouer, une impression qu'être ici, c'est n'avoir plus rien à perdre. Cette musique arrive à le déchirer autant qu'elle lui fait du bien. Parfois, le regard oscille, le corps vacille, les poings se serrent et la raison s'échappe. Sur certains morceaux, le patron s'autorise un solo de trompette et à côté de ses deux comparses, le pianiste sourit tandis que son instrument pleure « I'm a Fool to Want You » ...
Camille se dit qu'il devrait partir. Oui, quitter cet endroit pour ne plus y revenir serait le mieux à faire. Alors, il fait traîner sa chaise sur le sol tandis que la musique s'interrompt et il se dirige vers la sortie tandis que le silence étreint la pièce. Mais alors qu'il s'apprête à pousser la porte, il sent une main sur son bras, prête à le retenir.
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