Toute histoire commence un jour, quelque part alors que certaines moisissent sur du papier et restent cacher au reste du monde jusqu’à qui veut percer le secret. Si l’amour rose comme les roses du printemps et la haine se partagent toujours les cœurs, c’est que Dieu, du ciel, se livre encore à ce combat quotidien avec le diable. Mais entre les deux, on ne sait par quel ange ou démon, la Belle et la Bête deux siècles plus tôt étaient prédestinés à faire l’histoire autrement, à l’Ouest de l’île d’Ayiti, jadis une colonie française. Ici, il fallait tout conquérir assouvir cette soif d’être égal à leur bourreaux de l’époque. Liberté, une nouvelle note qui se chantait dans tous les cœurs car les intérêts étaient énormes; posséder des terres, une maison et des femmes...BLANCHES! Secret de polichinelle de tous les hommes noirs. Un soir d’hiver comme diraient les Occidentaux, lui chef de troupes de la révolte au Nord du pays découvrit en allant se ressourcer de ses forces à la rivière, le corps d’une jeune femme. Le reflet de la lune écarlate dessinait ses courbes et rehaussait la blancheur de sa peau. Pour lui, le secret de Dieu semblait être révélé, elle était si belle. Il n’allait pas rester du côté de la rive à la contempler alors que tous ses sens bouillonnaient. Milles pensées le tourmentaient, de tout genre et même des interdits. Le voilà nègre, face à une beauté que même la pleine lune de ce soir semblait décliner la rivalité. La Bête,le corps marqué au fer rouge et tatoué de ses coups de fouet et la Belle, celle dont ce Dieu dont on parle en faisait sa déesse. « Une malédiction »voulût-il se ressaisir. Blanche comme la race qui damnait les siens, qui bafouait l’humanité, pourquoi elle? Il se retrouvait donc face à ce dilemme: contempler ce tableau qui s’offrait à lui et qui lui donnerait une ascension au septième ciel ou simplement allier la revendication de l’heure à la circonstance. La vengeance s’offrait à lui sur un plateau d’argent et au même moment il se ressouvenait de sa mère basculée jusqu’à la demeure de ce colon, contre son gré, les vêtements déchirés, battue et prise violemment. Voilà son heure de gloire,alors pourquoi il hésitait? Pourquoi penser au malheur qui pourrait tomber sur elle si sa mère, elle même ne survécut pas à autant d'atrocités et à ces sermons que lui firent un prêtre pour les justifier. Elle était sous ses traits Angéliques, toute aussi coupable que ses pères et au nom des siens, il se vengerait. Il l’assommerait, la prendrait là dans les bois, entre les chaînes jusqu’à ce qu’elle pleure de peur, de gêne, de plaisir, d’extase et de honte.Il la laisserait ensuite partir,sa semence en elle.Et pour attiser sa flamme,il la marquerait de ses mains.Il plongea alors dans l’eau et nagea doucement jusqu’au corps.Son souffle était calme,c’était là le seul signe de vie. Il changea tout de suite d’avis. Il pourrait l’éveiller doucement. Réveiller en elle le désir, goûter son fruit et l’amener au chemin de non retour pour la laisser sur sa faim. Quand elle ouvrirait les yeux, elle le découvrirait, lui maintenant les hanches fermes, la tête entre ses cuisses et les pieds enroulés autour de son cou. Ses plaintes retentiraient à mille lieux d’eux à voir ses gestes confondus à la noirceur de la nuit. Il la noyerait sous l'eau pour étouffer ses cris. Mais, la nuit avançait. Elle devenait de plus en plus froide et la lune semblait avoir changer de position. Il comprit qu’il ne tarderait pas à faire jour. Alors il oublia sa haine, la vengeance de sa mère, les coups de fouet, le marronnage, la liberté...livrant ses pensées à sa Belle. Il n’y avait qu’eux deux, sous un beau ciel étoilé. Quand il la prit dans ses bras, elle ne montra aucun signe de résistance et s’abandonna à lui de tout son poids. Il la déposa au sol, son corps étendu sur le sien. Elle ouvrit les yeux et perça son regard troublant. Un sourire se dessina sur ses lèvres pendant qu’elle parcourait son corps de ses mains fragiles. Elle caressa sa peau, s’attarda sur ses cicatrices alors qu’il laissait traîner ses doigts dans sa chevelure. Il dessina ses courbes menues jusqu’à ne plus pouvoir se retenir. Dans un élan, il saisit ses lèvres des siennes pour échanger un baiser passionné brisant le cercle malin auquel ils étaient piégé. Dieu et le diable se battaient pour leurs âmes. Ils se rejoignirent plusieurs fois à-coup d’extase, damnant sa race immaculée pour la retrouver dans sa pureté. Il n’étaient qu’un homme et une femme pour leur plaisir...
Et au delà de cette nuit, au nom de l’amour, je le rejoignais tous les soirs au bord de cette rivière. Je traversais l’habitation de mon père, entre Les feuilles me fouettant la peau comme pour m’infliger la sentence d’être amoureuse d’un nègre et le vent frais dans mes cheveux et mon jupon, me soulageant aussi de mes ecchymoses. J’étais fertile cette lune là et quel souhait qu’il me fasse un enfant aux cheveux aussi raides que les siens. Me voilà perdue dans nos scènes salaces, à me languir de sa bouche pulpeuse, de sa couleur maudite et de son odeur. Mais il ne venait pas, ni ce soir, ni les soirs d’après. Et comme pour me punir, mon cœur me condamna à conter notre secret à l’encre, là en France, au côté d’un homme à qui je donne son nom pour me plaire dans son lit et dans le noir. Même des décennies après, j'ai cru que nous aurions pu changer le fil des événements qui ont précédé mon retour dans la Métropole en mettant au monde un enfant né de ce sentiment pur et entrer dans le nouveau règne. Mais la vraie histoire, il l’a faite avec les siens,au prix du sang et du feu et ont inspiré tout un monde en devenant la première république noire libre.