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- Relation De Famille
Il était né dans le vacarme, s'était heurté à un mur de sons agressifs et hostiles en sortant du ventre de sa mère. La peur le fit hurler, ajoutant ses cris au tumulte du monde. Il faillit bien abandonner la vie avant même de l'avoir testée.
C'était une éponge à bruits. Il percevait le plus infime murmure, le plus léger chuintement ou clapotis, le bruissement des feuilles d'arbres à l'autre bout du village. Son cerveau saturé devint amorphe, incapable de trier tant d'informations. Les sons s'entrechoquaient dans son crâne encombré, se concentraient, se changeaient en un liquide amer qu'il finissait par pleurer en silence. Il restait isolé, ne s'essayait pas à la parole.
On le crut sourd et muet.
Sa mère seule persistait à l'éveiller. À force d'amour, elle parvint à attirer son attention sur le gazouillis des oiseaux. Cette douce oscillation de l'air semblait la ravir. Elle lui souriait, riait au manège des volatiles autour de leur nid.
Il devint filtre. Il parvint à rejeter les ondes sonores indésirables pour n'isoler que les bruits amis. Émerveillé par ce calme soudain, il évoluait dans son environnement comme un plongeur dans les grands fonds. Il vivait en sourdine, son regard trop rarement éclairé par la compréhension d'un chant ou d'une conversation.
On le crut arriéré.
Sa mère seule persistait à le protéger contre la bêtise de la foule. Inlassablement, elle lui enseigna la nature et les sciences, veillant toujours à associer les sens. Le souffle du printemps était d'un vert tendre, jaunissant en été, s'assombrissant à la fin de l'automne. Le crissement des roues sur le gravier avait un goût de fer. La musique du piano se faisait douce comme un fin duvet de plume.
Il devint prisme. Il absorbait les sons à son rythme, réfractait les ondes dans la direction qu'il choisissait, les associait en somptueux bouquets de notes légères.
On le crut finalement dans la norme. On l'ignora.
Sa mère seule persistait à rêver à un avenir glorieux. Il lui donna confiance et ses paroles résonnèrent agréablement dans sa fabrique à mélodies. Il se dit qu'une autre vie était possible. Il voulut communiquer, restituer au monde les merveilles qu'il avait lui-même engendrées.
Il devint émetteur. Sa voix charmait les plus réticents. C'était une vibration harmonieuse et envoûtante à faire pâlir d'envie les plus illustres sirènes. Ses mains se saisissaient de n'importe quel bout de bois ou de métal, transformaient cliquetis et tapotements en formidables crescendos que Ravel lui-même n'eût pas reniés.
On l'admira, le promut génie de son temps.
Il était devenu sculpteur de sons. Sa mère était fière, enfin sereine.
C'était une éponge à bruits. Il percevait le plus infime murmure, le plus léger chuintement ou clapotis, le bruissement des feuilles d'arbres à l'autre bout du village. Son cerveau saturé devint amorphe, incapable de trier tant d'informations. Les sons s'entrechoquaient dans son crâne encombré, se concentraient, se changeaient en un liquide amer qu'il finissait par pleurer en silence. Il restait isolé, ne s'essayait pas à la parole.
On le crut sourd et muet.
Sa mère seule persistait à l'éveiller. À force d'amour, elle parvint à attirer son attention sur le gazouillis des oiseaux. Cette douce oscillation de l'air semblait la ravir. Elle lui souriait, riait au manège des volatiles autour de leur nid.
Il devint filtre. Il parvint à rejeter les ondes sonores indésirables pour n'isoler que les bruits amis. Émerveillé par ce calme soudain, il évoluait dans son environnement comme un plongeur dans les grands fonds. Il vivait en sourdine, son regard trop rarement éclairé par la compréhension d'un chant ou d'une conversation.
On le crut arriéré.
Sa mère seule persistait à le protéger contre la bêtise de la foule. Inlassablement, elle lui enseigna la nature et les sciences, veillant toujours à associer les sens. Le souffle du printemps était d'un vert tendre, jaunissant en été, s'assombrissant à la fin de l'automne. Le crissement des roues sur le gravier avait un goût de fer. La musique du piano se faisait douce comme un fin duvet de plume.
Il devint prisme. Il absorbait les sons à son rythme, réfractait les ondes dans la direction qu'il choisissait, les associait en somptueux bouquets de notes légères.
On le crut finalement dans la norme. On l'ignora.
Sa mère seule persistait à rêver à un avenir glorieux. Il lui donna confiance et ses paroles résonnèrent agréablement dans sa fabrique à mélodies. Il se dit qu'une autre vie était possible. Il voulut communiquer, restituer au monde les merveilles qu'il avait lui-même engendrées.
Il devint émetteur. Sa voix charmait les plus réticents. C'était une vibration harmonieuse et envoûtante à faire pâlir d'envie les plus illustres sirènes. Ses mains se saisissaient de n'importe quel bout de bois ou de métal, transformaient cliquetis et tapotements en formidables crescendos que Ravel lui-même n'eût pas reniés.
On l'admira, le promut génie de son temps.
Il était devenu sculpteur de sons. Sa mère était fière, enfin sereine.
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