Mes chéris, mes grands,
Je ne reçois plus vos petits dessins. Je ne reçois plus rien. Les années ont passé sur tout ça. Le temps ne se remonte pas et on ne peut rien gommer. Qu'est-ce qu'on vous a dit de moi ? C'est ce qui me tourmente le plus.
Mes doigts tissent souvent de l'osier, et mes pensées, les jours d'hier. Ceux de demain, nul besoin. Ils seront toujours pareils. Vous ne venez plus me voir alors mes mots viennent à vous à petits pas maladroits et inquiets. Ils n'osent pas vous parler de peur de vous effrayer. De faire mal. Comme souvent. Comme toujours. Et pourtant, cette fois-ci, ils ne mettront pas de gants. Et oui, j'ai commis le pire. L'irréparable. Et c'est quelque chose qui n'arrive pas qu'aux autres. C'est tombé aussi sur moi.
J'étais une femme aimante et joyeuse. Et surtout une maman comme toutes les mamans. Je laçais vos chaussures, peignais vos cheveux, soignais vos bobos et vos petits chagrins. Je vous câlinais, vous lisais des histoires de fées, de dragons, de chevaliers, de princes et de princesses. J'étais votre reine et votre père se prenait pour le roi. Un roi sanguinaire. Un tyran. Un jour, tout a basculé. Je ne l'avais pas voulu. C'était juste une défense légitime.
Sauf que la justice n'accepte pas ces comptes-là. Et maintenant, je suis ici. Alors peut-être aurait-il mieux valu que je perde la vie pour que vous me gardiez dans votre cœur. Je vais avoir droit à une remise de peine pour bonne conduite. Comme si la peine se réduisait grâce à des lois. De tels propos n'ont aucun sens. Et j'irais où, si c'est sans vous ?
Et puis tout compte-fait, quelle importance que vous ayez renoncé à moi ! J'aimerais juste vous savoir heureux. Je serais complétement apaisée. Je ne veux que ça : votre bonheur loin de cette affaire sombre. Et même loin de moi, si c'est le prix à payer. Autant rester là où j'ai fait ma place. Où je me cultive, où je suis un peu magicienne parce que je sais écouter les terreurs de mes compagnes. Et les faire rire aussi.
Je me suis fait un devoir de soutenir et réconforter toutes ces femmes que la vie a malmenées et qui ont répondu par des coups. Je leur parle de liberté. Celle que nul ne pourra leur prendre. Celle qui a fini par s'enfouir très profondément dans leur cœur. Un cœur qu'elles ont fait de pierre. Un cœur cadenassé à triple tours. Je leur raconte des histoires belles et vraies. Les leurs. Les nôtres. Avec des mots de tous les jours.
Je ne vous dirai pas que mon existence ici a toujours été facile, ce serait mentir. J'ai juste appris à m'y faire. À accepter celle que je suis. À accepter les autres. De plus en plus. De mieux en mieux. À mon arrivée dans ce lieu de ténèbres, je pleurais à longueur de journée. La télé ne me distrayait pas. C'est elle qui me scrutait de ses yeux multicolores. Elle me laissait indifférente. Aujourd'hui je dévore ses belles images. Je dévore aussi les livres. Je voyage dans le monde en un clin d'œil et sans souliers trop lourds. Je m'envole hors des murs. Hors du temps. À tire d'ailes.
J'aime les souvenirs de vous qui vous nichiez dans mes bras. Je déroule le film de votre petite enfance sur l'écran lumineux de mes nuits obscures. Je ressens parfois vos caresses sur mon visage quand souffle le vent. Celui de la grande cour aux mille courants d'air venus des quatre coins de l'horizon et qui se retrouvent là pour me parler de vous. L'hiver, je me réjouis de voir la neige, de la laisser fondre dans mes mains nues. Je touche alors un peu le dehors. Et quand revient la douceur du printemps, toutes les portes s'ouvrent. Et les frontières du réel aussi. L'été, l'odeur du soleil m'enivre. Il brille aussi chez nous. Il est partout.
La liberté, je l'ai dans mes pensées, je la chante à celles qui m'entourent et je la colorie dans mes carnets. Elle est proche. À la portée de chaque instant et de mes rêves.
C'est dans un cahier bleu que je vous écris cette lettre. Elle rejoint toutes les autres qui vous disent combien je vous aime. Un jour, peut-être, les lirez-vous ?
À présent, il est l'heure de retourner à mes paniers. Et de retrouver mes amies.
Votre maman, à jamais,
Sarah
Je ne reçois plus vos petits dessins. Je ne reçois plus rien. Les années ont passé sur tout ça. Le temps ne se remonte pas et on ne peut rien gommer. Qu'est-ce qu'on vous a dit de moi ? C'est ce qui me tourmente le plus.
Mes doigts tissent souvent de l'osier, et mes pensées, les jours d'hier. Ceux de demain, nul besoin. Ils seront toujours pareils. Vous ne venez plus me voir alors mes mots viennent à vous à petits pas maladroits et inquiets. Ils n'osent pas vous parler de peur de vous effrayer. De faire mal. Comme souvent. Comme toujours. Et pourtant, cette fois-ci, ils ne mettront pas de gants. Et oui, j'ai commis le pire. L'irréparable. Et c'est quelque chose qui n'arrive pas qu'aux autres. C'est tombé aussi sur moi.
J'étais une femme aimante et joyeuse. Et surtout une maman comme toutes les mamans. Je laçais vos chaussures, peignais vos cheveux, soignais vos bobos et vos petits chagrins. Je vous câlinais, vous lisais des histoires de fées, de dragons, de chevaliers, de princes et de princesses. J'étais votre reine et votre père se prenait pour le roi. Un roi sanguinaire. Un tyran. Un jour, tout a basculé. Je ne l'avais pas voulu. C'était juste une défense légitime.
Sauf que la justice n'accepte pas ces comptes-là. Et maintenant, je suis ici. Alors peut-être aurait-il mieux valu que je perde la vie pour que vous me gardiez dans votre cœur. Je vais avoir droit à une remise de peine pour bonne conduite. Comme si la peine se réduisait grâce à des lois. De tels propos n'ont aucun sens. Et j'irais où, si c'est sans vous ?
Et puis tout compte-fait, quelle importance que vous ayez renoncé à moi ! J'aimerais juste vous savoir heureux. Je serais complétement apaisée. Je ne veux que ça : votre bonheur loin de cette affaire sombre. Et même loin de moi, si c'est le prix à payer. Autant rester là où j'ai fait ma place. Où je me cultive, où je suis un peu magicienne parce que je sais écouter les terreurs de mes compagnes. Et les faire rire aussi.
Je me suis fait un devoir de soutenir et réconforter toutes ces femmes que la vie a malmenées et qui ont répondu par des coups. Je leur parle de liberté. Celle que nul ne pourra leur prendre. Celle qui a fini par s'enfouir très profondément dans leur cœur. Un cœur qu'elles ont fait de pierre. Un cœur cadenassé à triple tours. Je leur raconte des histoires belles et vraies. Les leurs. Les nôtres. Avec des mots de tous les jours.
Je ne vous dirai pas que mon existence ici a toujours été facile, ce serait mentir. J'ai juste appris à m'y faire. À accepter celle que je suis. À accepter les autres. De plus en plus. De mieux en mieux. À mon arrivée dans ce lieu de ténèbres, je pleurais à longueur de journée. La télé ne me distrayait pas. C'est elle qui me scrutait de ses yeux multicolores. Elle me laissait indifférente. Aujourd'hui je dévore ses belles images. Je dévore aussi les livres. Je voyage dans le monde en un clin d'œil et sans souliers trop lourds. Je m'envole hors des murs. Hors du temps. À tire d'ailes.
J'aime les souvenirs de vous qui vous nichiez dans mes bras. Je déroule le film de votre petite enfance sur l'écran lumineux de mes nuits obscures. Je ressens parfois vos caresses sur mon visage quand souffle le vent. Celui de la grande cour aux mille courants d'air venus des quatre coins de l'horizon et qui se retrouvent là pour me parler de vous. L'hiver, je me réjouis de voir la neige, de la laisser fondre dans mes mains nues. Je touche alors un peu le dehors. Et quand revient la douceur du printemps, toutes les portes s'ouvrent. Et les frontières du réel aussi. L'été, l'odeur du soleil m'enivre. Il brille aussi chez nous. Il est partout.
La liberté, je l'ai dans mes pensées, je la chante à celles qui m'entourent et je la colorie dans mes carnets. Elle est proche. À la portée de chaque instant et de mes rêves.
C'est dans un cahier bleu que je vous écris cette lettre. Elle rejoint toutes les autres qui vous disent combien je vous aime. Un jour, peut-être, les lirez-vous ?
À présent, il est l'heure de retourner à mes paniers. Et de retrouver mes amies.
Votre maman, à jamais,
Sarah