Sa plus belle victoire

Quand je passe devant le cimetière en revenant de mon entrainement, je rends toujours une petite visite sur la tombe de mamie, une tombe toujours très fleurie, des mots de partout et de tout le monde, de belles couleurs qui rendent le lieu presque agréable.

Cette vision me ramène instantanément à l'enterrement, ce jour terrible où il a fallu lui dire adieu pour de bon, la laisser partir avec ses histoires et sa magie. Ce jour-là nous étions nombreux, il y avait de la musique et des hymnes qui résonnaient un peu partout, il y avait des vieux et plein de jeunes aussi, des garçons, des filles, des petits, des grands avec tous une larme au coin des yeux, un mouchoir à portée de main, un souvenir pas très loin. Tous unis, nous étions, dans ce temps de recueillement et de remerciements pour elle qui avait tant donné, dans la vie et sur le terrain, qui avait tant encouragé offrant à chacun, un mot, un conseil, une étreinte, un bon chocolat chaud, ce dont il ou elle avait besoin pour continuer.

Mamie et son tempérament bien trempé, son cœur gros comme une cathédrale millénaire, joueuse, puis entraineuse, ça je l'ai appris au fil des récits de chacun, à travers des photos, des reportages dans un journal local. Mamie s'en fichait bien d'être connue ou pas, pour elle ce qui comptait c'était le jeu, l'entraide, l'écoute, l'attention aux autres. Et le dépassement de soi aussi, la confiance en ce qui fait sens.
Elle me racontait souvent que cet engagement lui avait valu des regards courroucés de son père et des réflexions amères. A son époque, une femme ça se devait de rester sage, de ne pas parler ni rire trop fort. Mamie ne se reconnaissait pas dans cette caricature qu'elle jugeait bien vilaine. Le sport lui avait ouvert des portes et un socle pour bâtir sa vie, comme elle l'entendait. Tout en respectant les choix des autres.

Un jour il lui a fallu ranger tout ça, une question d'âge, mais elle n'a pas pour autant abandonné la partie elle l'a fait d'une autre façon, en traversant la France, en se rendant dans les écoles, en partageant sa passion, en transmettant aux jeunes, surtout aux jeunes filles, tout ce que le sport lui avait donné de comprendre et d'apprendre.

Elle m'a laissé cette envie aussi, cet entrain, cet élan du coeur. Je sais qu'elle en a touché plus d'un et que ses admirateurs ne se comptent plus. Le stade où je m'entraine porte son nom aujourd'hui, je suis fière d'elle. Et il ne se passe pas un jour sans que quelqu'un vienne me dire à quel point son enthousiasme et son esprit d'équipe, fédérateur et humain, ont marqué leur vie.
C'est sûrement sa plus belle victoire !