La Mob bien astiquée et le réservoir plein
Je roulais vers le Sud au soleil du matin.
Je m'en allais enfin, tout droit vers la province,
Avec un cœur léger et un bagage mince.
Adieu ! Rues habitées par des piétons grincheux !
Adieu ! Chaussées mouillées par des cieux trop fâcheux !
Je m'en vais retrouver la magie des villages
Qui dorment au soleil, sur des routes bien sages,
Des ruisseaux gazouillants, des oiseaux pleins d'esprit,
Des coteaux tout en fleur et du blé qui mûrit.
Je repais mes regards de beauté ineffable ;
Je remplis mon ouïe de musique impalpable.
Tous mes sens, en éveil, se repaissent des sons,
Des odeurs sous la pluie et des fleurs de buissons.
Et je me vois déjà, dans un merveilleux rêve,
Me séchant d'un plongeon, allongé sur la grève.
Mais, hélas ! les maisons succèdent aux maisons,
Et sans crier gare, voilà la crevaison !
Je répare aussitôt avec une rustine
Et repars en râlant, en longeant les usines.

Mon rêve s'est enfui !
Il est déjà midi !

Je ne mangerai pas auprès de vaches noires,
Les fesses dans un pré. Je n'aurai pas d'histoires !
Adieu ! Soleil du Midi et fraîcheur des eaux !
Adieu ! Fougère en fleur et doux chants des oiseaux !
Adieu ! Vieille église au clocher gigantesque !
Adieu ! Châteaux ! Manoirs ! Villages pittoresques !
Car, sans me prévenir, mon moteur a calé.
Alors, très sagement, je suis rentré à pied !