Maitre ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. Il est des choses qu'on néglige trop souvent et qui finissent par nous chagriner. Ça, Funkè le sait. S'interdisant dorénavant de subir sans rechigner. Plus d'une fois, j'ai été douce et calme. Naïve, j'ai longtemps été l'agneau de sacrifice pour des hommes virils en quête de satisfaction sexuelle. Trop c'est trop, râla la jeune femme derrière son bureau soigneusement arrangé.
Depuis maintenant quatre semaines qu'elle a intégré ce bureau, Funkè doit garder la mine joviale, le sourire avenant, même quand dans sa tête rien ne va. Les clients, disait son recruteur au moment de lui faire signer le contrat, sont nos meilleurs alliés et ils ne doivent jamais se plaindre de nos prestations. Mais si elle met du cœur dans l'accomplissement de ses tâches, le poids que constitue le regard de son patron le chagrine énormément. Il faut le repousser souvent. L'empêcher de faire trainer les mains sur son corps. Car d''expérience, Funkè sait que la générosité d'un homme à l'égard d'une femme est rarement désintéressée. Les primes non méritées, les dîners d'après service et autres gestes que son patron a proposés dès la première semaine de sa prise de fonction ont tôt fait de la préparer à riposter. Prête à se battre, quitte à tout détruire sur son passage. Une force qui lui avait fait défaut pendant longtemps...
Dans la nuit profonde, la première fois, elle était entrée dans ma chambre à pas d'escargot. J'ai perçu cette ombre s'accrocher au pied du lit. Encagoulée, elle faisait mine de rechercher je ne sais quoi. Elle s'était arrêtée un moment, fit tomber ses tenues puis m'approcha lentement. Dans la chambre, cette nuit-là, comme toutes celles pendant lesquelles je voyais cet inconnu m'approcher, tout était calme, voilé par l'obscurité. Avant d'aller au lit, j'avais arrêté la playlist de mon smartphone pour mieux profiter du sommeil. De ses mains rocailleuses, il effleura la plante de mes pieds, traversa mes jambes discrètement. C'était un homme très grand, à la taille de mon père, avec des biceps effrayants. Je voulus frémir de rage mais je me tus. Il avança bien plus encore, me fit coucher sur le dos. Je sentis les pieds du lit grincer. Ses yeux qui débordent de la cagoule étaient alors plongés dans mon regard. Devrais-je crier ? Appeler à l'aide ? Ce serait peine perdue. Mon père étant de garde cette nuit-là. Les jambes écartées, je sentis un poids excessif m'accabler. La nuit a été particulièrement longue. Etais-je dans un rêve ? Oui, a répondu mon père, quand je lui ai raconté mon cauchemar.
- Vous en avez parlé la même nuit ? s'enquit Myriam
- Non, le lendemain plutôt. J'étais allée à son bureau et je lui avais tout raconté, autant que je m'en souvenais.
- Quelle avait été sa réaction ?
- Il m'a demandé à qui d'autres j'en avais déjà parlé.
- Ah oui, s'exclama, Myriam. Et tu lui as répondu...
Funkè n'avait raconté à personne ce qu'il lui était arrivé. Ce qui avait soulagé son père. Il lui déconseilla en tout cas d'en reparler autour de moi. Parce qu'on ne raconte pas tous les rêves à ceux qu'on croit connaître. Tu t'es couchée tôt ce jour-là, voilà pourquoi cela t'est arrivé, m'avait-il expliqué.
- Tu crois que tes nuits sont mouvementées parce que tu te couchais vraiment tôt ? Myriam veut encore plus de détails, en posant cette question. Mais son amie n'en avait vraiment plus. Elle ne comprend rien à ce qui lui arrive.
- Ce dont je suis certaine, répond Funkè, c'est que plusieurs jours après cette discussion, j'ai dormi sans rien voir, ni rien sentir. Parce que j'avais la bible à mon chevet comme il me l'a recommandé ? Je n'en sais trop rien.
- Et ta maman, elle en dit quoi ?
- Arrête Myriam, répond Funkè d'un ton faible. Cette dame n'a jamais eu du temps pour moi. Et puis elle n'est jamais là quand tout ceci m'arrive. Je ne vois pas l'intérêt de l'appeler pour lui raconter mes inquiétudes si pendant sa présence elle ne peut remarquer mon malaise...
Un léger silence a suivi les derniers mots de Funkè. Son amie sait ce qu'elle endure à la maison. Car chaque récréation à l'école était l'occasion de passer en revue les corvées de la veille, les gifles qu'elle a essuyées pour avoir manqué de faire ci ou ça. Gênée et surtout peinée, Myriam regrette d'avoir remué le couteau dans la plaie.
Ce n'est pas grave, lança Funkè. Les deux amies, les mains accrochées l'une dans l'autre, restèrent figées un moment avant de pouffer de rire. Quand elle est là, poursuit Funkè, je suis occupée à accomplir mes tâches. Mon père ne trouvait plus le temps de me faire sortir. M'acheter tout ce que je voulais. M'amener partout et m'offrir tout ce qui pouvait égayer le cœur d'une fille de mon âge. Et la nuit, je dors sans qu'aucun corps étrange ne vienne perturber mon sommeil. Un jour, je lui ai demandé pourquoi son attention à mon égard a baissé d'un cran, il a dit vouloir éviter que ma maman me jalouse pour ce qui se passe entre nous.
- Qu'est-ce qui se passe entre vous, en effet, demanda Myriam
- Comment ça, qu'est-ce qui se passe entre nous, répond Funkè, hébétée.
- Tu dois arrêter d'être naïve, ma chère. Je crois que ton père abuse de toi. Je ne suis pas certaine que ses gestes soient anodins. Ses présents cachaient d'autres mystères. Cette façon de t'amener partout et de vouloir être là à tout instant n'est pas fortuite. Et franchement, l'absence de ce corps étrange dont tu me parles quand la famille est réunie se justifie pleinement.
- Tu délires, Myriam. Nous parlons de mon père après tout.
- En effet, oui. Ton père n'est pas du tout dupe pour se laisser plumer aussi facilement.
- Ah non Myriam, tu crois que mon père est complice de ce qui se passe ?
- Funkè, je pense que tu dois arrêter de dormir à poings fermés la nuit. Un monstre qui sait discerner les moments d'attaques a dû roder autour de toi dans la journée. Il a eu le temps de s'informer et donc de se préparer. L'être gênant est toujours aussi proche de nous que notre propre ombre. C'est à nous de savoir l'éviter, quand il le faut. Et s'il y a un monstre qui te visite la nuit, ajoute Myriam, j'avoue que c'est ton père qui prend sa forme. Mais ne crions pas au voleur tout de suite. C'est mieux de l'attraper la main dans le sac. Et pour ce faire, nous lui tendrons un piège la prochaine fois.
Pour mettre en exécution leur plan, les filles avaient convenu de trois points. D'abord, Funkè doit arrêter de dormir en tenue légère. Ensuite, elle devrait garder un œil ouvert de sorte à mettre la lumière au moindre geste. Enfin, elle ne devrait plus fermer à clé la porte principale pour avoir du renfort, au besoin. Myriam avait mobilisé quelques amis à cet effet. Devenus les veilleurs de nuit, ils prennent leur quartier près de la chambre de Funkè chaque fois que sa maman est en voyage. Une nuit, elle l'a vu venir sur la pointe des pieds, comme à ses habitudes. A moitié nu, il avait noué une serviette autour de la taille. Funkè scrutait ses mouvements, attend qu'elle approche le lit et se jeta sur lui. Le masque tombe, Funkè fit un autre saut, vers la porte cette fois-ci, la cagoule de son agresseur entre les mains. Sacrilège, avait-elle voulu crier quand elle découvre son père tout nu. Mais on le lui avait interdit. Elle lui lança le verre rempli de jus qu'il lui avait servi en fin de soirée. Son père l'évita, méthodiquement. Le temps qu'il réagisse, la jeune fille avait détalé, traversant le salon en courant. Dehors, Myriam et ses bras forts attendaient le mot d'alerte pour intervenir mais ont tous été surpris de voir Funkè foncer sur eux, haletant comme une athlète au bout de sa course. Littéralement paralysée, elle ne sut comment dire à Myriam que l'homme qu'il l'a prise pour sa fille depuis ses neuf ans la violait chaque nuit pendant que sa femme est absente.
Depuis maintenant quatre semaines qu'elle a intégré ce bureau, Funkè doit garder la mine joviale, le sourire avenant, même quand dans sa tête rien ne va. Les clients, disait son recruteur au moment de lui faire signer le contrat, sont nos meilleurs alliés et ils ne doivent jamais se plaindre de nos prestations. Mais si elle met du cœur dans l'accomplissement de ses tâches, le poids que constitue le regard de son patron le chagrine énormément. Il faut le repousser souvent. L'empêcher de faire trainer les mains sur son corps. Car d''expérience, Funkè sait que la générosité d'un homme à l'égard d'une femme est rarement désintéressée. Les primes non méritées, les dîners d'après service et autres gestes que son patron a proposés dès la première semaine de sa prise de fonction ont tôt fait de la préparer à riposter. Prête à se battre, quitte à tout détruire sur son passage. Une force qui lui avait fait défaut pendant longtemps...
Dans la nuit profonde, la première fois, elle était entrée dans ma chambre à pas d'escargot. J'ai perçu cette ombre s'accrocher au pied du lit. Encagoulée, elle faisait mine de rechercher je ne sais quoi. Elle s'était arrêtée un moment, fit tomber ses tenues puis m'approcha lentement. Dans la chambre, cette nuit-là, comme toutes celles pendant lesquelles je voyais cet inconnu m'approcher, tout était calme, voilé par l'obscurité. Avant d'aller au lit, j'avais arrêté la playlist de mon smartphone pour mieux profiter du sommeil. De ses mains rocailleuses, il effleura la plante de mes pieds, traversa mes jambes discrètement. C'était un homme très grand, à la taille de mon père, avec des biceps effrayants. Je voulus frémir de rage mais je me tus. Il avança bien plus encore, me fit coucher sur le dos. Je sentis les pieds du lit grincer. Ses yeux qui débordent de la cagoule étaient alors plongés dans mon regard. Devrais-je crier ? Appeler à l'aide ? Ce serait peine perdue. Mon père étant de garde cette nuit-là. Les jambes écartées, je sentis un poids excessif m'accabler. La nuit a été particulièrement longue. Etais-je dans un rêve ? Oui, a répondu mon père, quand je lui ai raconté mon cauchemar.
- Vous en avez parlé la même nuit ? s'enquit Myriam
- Non, le lendemain plutôt. J'étais allée à son bureau et je lui avais tout raconté, autant que je m'en souvenais.
- Quelle avait été sa réaction ?
- Il m'a demandé à qui d'autres j'en avais déjà parlé.
- Ah oui, s'exclama, Myriam. Et tu lui as répondu...
Funkè n'avait raconté à personne ce qu'il lui était arrivé. Ce qui avait soulagé son père. Il lui déconseilla en tout cas d'en reparler autour de moi. Parce qu'on ne raconte pas tous les rêves à ceux qu'on croit connaître. Tu t'es couchée tôt ce jour-là, voilà pourquoi cela t'est arrivé, m'avait-il expliqué.
- Tu crois que tes nuits sont mouvementées parce que tu te couchais vraiment tôt ? Myriam veut encore plus de détails, en posant cette question. Mais son amie n'en avait vraiment plus. Elle ne comprend rien à ce qui lui arrive.
- Ce dont je suis certaine, répond Funkè, c'est que plusieurs jours après cette discussion, j'ai dormi sans rien voir, ni rien sentir. Parce que j'avais la bible à mon chevet comme il me l'a recommandé ? Je n'en sais trop rien.
- Et ta maman, elle en dit quoi ?
- Arrête Myriam, répond Funkè d'un ton faible. Cette dame n'a jamais eu du temps pour moi. Et puis elle n'est jamais là quand tout ceci m'arrive. Je ne vois pas l'intérêt de l'appeler pour lui raconter mes inquiétudes si pendant sa présence elle ne peut remarquer mon malaise...
Un léger silence a suivi les derniers mots de Funkè. Son amie sait ce qu'elle endure à la maison. Car chaque récréation à l'école était l'occasion de passer en revue les corvées de la veille, les gifles qu'elle a essuyées pour avoir manqué de faire ci ou ça. Gênée et surtout peinée, Myriam regrette d'avoir remué le couteau dans la plaie.
Ce n'est pas grave, lança Funkè. Les deux amies, les mains accrochées l'une dans l'autre, restèrent figées un moment avant de pouffer de rire. Quand elle est là, poursuit Funkè, je suis occupée à accomplir mes tâches. Mon père ne trouvait plus le temps de me faire sortir. M'acheter tout ce que je voulais. M'amener partout et m'offrir tout ce qui pouvait égayer le cœur d'une fille de mon âge. Et la nuit, je dors sans qu'aucun corps étrange ne vienne perturber mon sommeil. Un jour, je lui ai demandé pourquoi son attention à mon égard a baissé d'un cran, il a dit vouloir éviter que ma maman me jalouse pour ce qui se passe entre nous.
- Qu'est-ce qui se passe entre vous, en effet, demanda Myriam
- Comment ça, qu'est-ce qui se passe entre nous, répond Funkè, hébétée.
- Tu dois arrêter d'être naïve, ma chère. Je crois que ton père abuse de toi. Je ne suis pas certaine que ses gestes soient anodins. Ses présents cachaient d'autres mystères. Cette façon de t'amener partout et de vouloir être là à tout instant n'est pas fortuite. Et franchement, l'absence de ce corps étrange dont tu me parles quand la famille est réunie se justifie pleinement.
- Tu délires, Myriam. Nous parlons de mon père après tout.
- En effet, oui. Ton père n'est pas du tout dupe pour se laisser plumer aussi facilement.
- Ah non Myriam, tu crois que mon père est complice de ce qui se passe ?
- Funkè, je pense que tu dois arrêter de dormir à poings fermés la nuit. Un monstre qui sait discerner les moments d'attaques a dû roder autour de toi dans la journée. Il a eu le temps de s'informer et donc de se préparer. L'être gênant est toujours aussi proche de nous que notre propre ombre. C'est à nous de savoir l'éviter, quand il le faut. Et s'il y a un monstre qui te visite la nuit, ajoute Myriam, j'avoue que c'est ton père qui prend sa forme. Mais ne crions pas au voleur tout de suite. C'est mieux de l'attraper la main dans le sac. Et pour ce faire, nous lui tendrons un piège la prochaine fois.
Pour mettre en exécution leur plan, les filles avaient convenu de trois points. D'abord, Funkè doit arrêter de dormir en tenue légère. Ensuite, elle devrait garder un œil ouvert de sorte à mettre la lumière au moindre geste. Enfin, elle ne devrait plus fermer à clé la porte principale pour avoir du renfort, au besoin. Myriam avait mobilisé quelques amis à cet effet. Devenus les veilleurs de nuit, ils prennent leur quartier près de la chambre de Funkè chaque fois que sa maman est en voyage. Une nuit, elle l'a vu venir sur la pointe des pieds, comme à ses habitudes. A moitié nu, il avait noué une serviette autour de la taille. Funkè scrutait ses mouvements, attend qu'elle approche le lit et se jeta sur lui. Le masque tombe, Funkè fit un autre saut, vers la porte cette fois-ci, la cagoule de son agresseur entre les mains. Sacrilège, avait-elle voulu crier quand elle découvre son père tout nu. Mais on le lui avait interdit. Elle lui lança le verre rempli de jus qu'il lui avait servi en fin de soirée. Son père l'évita, méthodiquement. Le temps qu'il réagisse, la jeune fille avait détalé, traversant le salon en courant. Dehors, Myriam et ses bras forts attendaient le mot d'alerte pour intervenir mais ont tous été surpris de voir Funkè foncer sur eux, haletant comme une athlète au bout de sa course. Littéralement paralysée, elle ne sut comment dire à Myriam que l'homme qu'il l'a prise pour sa fille depuis ses neuf ans la violait chaque nuit pendant que sa femme est absente.