- Maitre ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître.
Je ne me serai jamais douté que cet évènement allait changer ma vie. Que ces quelques mots auraient un tel effet papillon. Ce jour-là, j'ai décidé de tout plaquer.
Mon précepteur était resté là, figé, choqué. Il me dévisageait mais ne dit plus un mot. Je dois avouer que je suis allé un peu fort mais il le fallait. Je n'ai pas de dent contre lui. J'étais juste fatigué de faire semblant.
Je sortis immédiatement de la salle, direction ma chambre. J'ai pris mes bagages et quittai le pensionnat. J'ai quitté la plus prestigieuse école de technologie du royaume sans possibilité de faire marche arrière.
Le manoir où on vit se situe à la périphérie Sud de la capitale. Pour m'y rendre, je devais traverser la ville. Ce qui ne me déplaisait pas. C'est un très bel endroit. Il a été bâti suivant un style architectural à la fois simple, pratique et élégant. On y trouve les grands centres commerciaux, les sièges des grandes entreprises et certains bureaux administratifs. La foule remplit les vastes rues et les jardins verdoyants. J'adore m'y promener. Perdu dans mes pensées, j'ai failli heurter une voiture. Et dire qu'il y a cinquante ans, on devait apprendre à conduire ces engins. Je suis bien content de faire partie de cette génération où la technologie peut presque tout faire. Dommage qu'elle ne puisse pas tout résoudre.
Dans la société où je vis, les gens accordent plus d'importance à la réussite qu'au propre bonheur de chacun. Faire partie de la grande communauté des « géants de la technologie » devient signe de succès. C'est ce que les aînés nous apprennent dès notre plus jeune âge. C'est ainsi qu'on a été élevé. Cette attitude est devenue tellement banale qu'elle est ancrée en presque chacun. J'étais sur cette voie. Je voulais satisfaire l'attente de mon entourage. Depuis mon enfance, j'ai été un très bon élève. En voyant mes forts potentiels, tout le monde s'attendait à ce qu'un jour je devienne un grand ingénieur ou un grand scientifique très connu. Comme le disait souvent mon grand-père : « Mon petit-fils fera un aussi grand exploit que Alan Turing. Il révolutionnera le monde. » Personne ne pensait, pas même une seule seconde, si je voulais faire autre chose. J'ai toujours été très poli et sage. Et pour ne contrarier personne, je suivais à la lettre tout ce qu'on m'ordonnait ou conseillait de faire. Disons, jusqu'à aujourd'hui, j'ai fini par me rebeller.
Enfin de retour chez moi. Rien n'a changé. Cela fait 5 ans que je suis allé étudier à l'autre bout de la ville. Je ne rentre qu'une fois par an. Avant, lorsque je n'avais pas cours, je passais mes journées au calme dans notre jardin à photographier les oiseaux et les plantes. Mes parents me permettaient de pratiquer ma passion. Je revoyais mes jours heureux. Je me dis que les temps ont bien changé.
Ma mère surgit de la maison.
- Oh, mon fils ! Quelle surprise ! Je ne m'attendais pas à ce que tu rentres si tôt.
- Maman ! Je la pris dans mes bras. Des larmes me viennent à l'œil. Comment lui expliquer ce qui s'est passé sans lui faire de la peine ? Comment lui dire que je déteste la programmation et que travailler dans la technologie m'ennuie énormément ?
- Alors, à quoi tu pensais ? me demanda-t-elle.
- J'étais en train de me rappeler de mon enfance. J'adorai prendre des photos. T'en souviens-tu ?
Et nous étions-là, en train de nous rappeler du bon vieux temps. Je lui ai fait part de mon désir de rester quelques semaines au manoir. Elle ne s'est pas opposée. Au cours de mon séjour, je faisais de mon mieux pour passer plus de temps avec mes parents. Nous étions devenus aussi proche qu'avant : une famille très unie. J'avais oublié à quel point c'était fort agréable. J'avais compris que l'amour est plus fort que l'obligation ou le devoir. Lorsque je leur ai partagé ma passion pour l'art et les voyages, ils étaient tout ouïe. Je leur ai fait part de mes projets d'avenir : je veux devenir un grand photographe. Ils n'étaient pas contre. Mon père m'a même blâmé de ne pas avoir tout avoué plus tôt. Ma plus grande peur s'estompa. Ils n'étaient pas déçus. Ma famille m'a soutenu. Certains racontent que nous sommes libres mais enchainés à une chaîne invisible : la pression sociale. Je pense surtout qu'il existe une chaîne bien plus forte qui peut nous nuire. Toutefois, je peux crier haut et fort qu'elle n'est pas imbrisable : la peur de s'affirmer. Pour s'en libérer, il faut juste un peu de courage. Il faut juste comprendre que nous sommes tous « humains ».
Aujourd'hui, je me tiens devant plus d'une centaine de personnes pour le vernissage de ma première galerie d'art. Je repense à mon histoire, à ce tournant. Et je souris. Je ne regrette rien. J'entends une voie à côté de moi :
- Vous commencez votre discours dans trois secondes.
J'ai pris mon micro et je prends la parole :
-... Un jour, on m'avait dit que je deviendrai un grand homme. Que je révolutionnerai le monde. C'était assez exagéré. Cette fois, je veux laisser une trace de mon existence à ma façon. Mes œuvres renfermeront à jamais une part de moi. Je veux faire passer un message : « Ne tuez pas cette braise, cet éclat de lumière en vous ou en vos proches. N'imposez pas aux autres des devoirs moraux. Et ne vous infligez pas la souffrance de vivre sous une dette morale. Poursuivez ce que vous aimez réellement. Prenez goût à la vie et elle vous ouvrira ses portes. »
Je contemple un instant mes œuvres, et réalise avec satisfaction que je suis en train de donner vie à mon rêve d'évasion.
Je ne me serai jamais douté que cet évènement allait changer ma vie. Que ces quelques mots auraient un tel effet papillon. Ce jour-là, j'ai décidé de tout plaquer.
Mon précepteur était resté là, figé, choqué. Il me dévisageait mais ne dit plus un mot. Je dois avouer que je suis allé un peu fort mais il le fallait. Je n'ai pas de dent contre lui. J'étais juste fatigué de faire semblant.
Je sortis immédiatement de la salle, direction ma chambre. J'ai pris mes bagages et quittai le pensionnat. J'ai quitté la plus prestigieuse école de technologie du royaume sans possibilité de faire marche arrière.
Le manoir où on vit se situe à la périphérie Sud de la capitale. Pour m'y rendre, je devais traverser la ville. Ce qui ne me déplaisait pas. C'est un très bel endroit. Il a été bâti suivant un style architectural à la fois simple, pratique et élégant. On y trouve les grands centres commerciaux, les sièges des grandes entreprises et certains bureaux administratifs. La foule remplit les vastes rues et les jardins verdoyants. J'adore m'y promener. Perdu dans mes pensées, j'ai failli heurter une voiture. Et dire qu'il y a cinquante ans, on devait apprendre à conduire ces engins. Je suis bien content de faire partie de cette génération où la technologie peut presque tout faire. Dommage qu'elle ne puisse pas tout résoudre.
Dans la société où je vis, les gens accordent plus d'importance à la réussite qu'au propre bonheur de chacun. Faire partie de la grande communauté des « géants de la technologie » devient signe de succès. C'est ce que les aînés nous apprennent dès notre plus jeune âge. C'est ainsi qu'on a été élevé. Cette attitude est devenue tellement banale qu'elle est ancrée en presque chacun. J'étais sur cette voie. Je voulais satisfaire l'attente de mon entourage. Depuis mon enfance, j'ai été un très bon élève. En voyant mes forts potentiels, tout le monde s'attendait à ce qu'un jour je devienne un grand ingénieur ou un grand scientifique très connu. Comme le disait souvent mon grand-père : « Mon petit-fils fera un aussi grand exploit que Alan Turing. Il révolutionnera le monde. » Personne ne pensait, pas même une seule seconde, si je voulais faire autre chose. J'ai toujours été très poli et sage. Et pour ne contrarier personne, je suivais à la lettre tout ce qu'on m'ordonnait ou conseillait de faire. Disons, jusqu'à aujourd'hui, j'ai fini par me rebeller.
Enfin de retour chez moi. Rien n'a changé. Cela fait 5 ans que je suis allé étudier à l'autre bout de la ville. Je ne rentre qu'une fois par an. Avant, lorsque je n'avais pas cours, je passais mes journées au calme dans notre jardin à photographier les oiseaux et les plantes. Mes parents me permettaient de pratiquer ma passion. Je revoyais mes jours heureux. Je me dis que les temps ont bien changé.
Ma mère surgit de la maison.
- Oh, mon fils ! Quelle surprise ! Je ne m'attendais pas à ce que tu rentres si tôt.
- Maman ! Je la pris dans mes bras. Des larmes me viennent à l'œil. Comment lui expliquer ce qui s'est passé sans lui faire de la peine ? Comment lui dire que je déteste la programmation et que travailler dans la technologie m'ennuie énormément ?
- Alors, à quoi tu pensais ? me demanda-t-elle.
- J'étais en train de me rappeler de mon enfance. J'adorai prendre des photos. T'en souviens-tu ?
Et nous étions-là, en train de nous rappeler du bon vieux temps. Je lui ai fait part de mon désir de rester quelques semaines au manoir. Elle ne s'est pas opposée. Au cours de mon séjour, je faisais de mon mieux pour passer plus de temps avec mes parents. Nous étions devenus aussi proche qu'avant : une famille très unie. J'avais oublié à quel point c'était fort agréable. J'avais compris que l'amour est plus fort que l'obligation ou le devoir. Lorsque je leur ai partagé ma passion pour l'art et les voyages, ils étaient tout ouïe. Je leur ai fait part de mes projets d'avenir : je veux devenir un grand photographe. Ils n'étaient pas contre. Mon père m'a même blâmé de ne pas avoir tout avoué plus tôt. Ma plus grande peur s'estompa. Ils n'étaient pas déçus. Ma famille m'a soutenu. Certains racontent que nous sommes libres mais enchainés à une chaîne invisible : la pression sociale. Je pense surtout qu'il existe une chaîne bien plus forte qui peut nous nuire. Toutefois, je peux crier haut et fort qu'elle n'est pas imbrisable : la peur de s'affirmer. Pour s'en libérer, il faut juste un peu de courage. Il faut juste comprendre que nous sommes tous « humains ».
Aujourd'hui, je me tiens devant plus d'une centaine de personnes pour le vernissage de ma première galerie d'art. Je repense à mon histoire, à ce tournant. Et je souris. Je ne regrette rien. J'entends une voie à côté de moi :
- Vous commencez votre discours dans trois secondes.
J'ai pris mon micro et je prends la parole :
-... Un jour, on m'avait dit que je deviendrai un grand homme. Que je révolutionnerai le monde. C'était assez exagéré. Cette fois, je veux laisser une trace de mon existence à ma façon. Mes œuvres renfermeront à jamais une part de moi. Je veux faire passer un message : « Ne tuez pas cette braise, cet éclat de lumière en vous ou en vos proches. N'imposez pas aux autres des devoirs moraux. Et ne vous infligez pas la souffrance de vivre sous une dette morale. Poursuivez ce que vous aimez réellement. Prenez goût à la vie et elle vous ouvrira ses portes. »
Je contemple un instant mes œuvres, et réalise avec satisfaction que je suis en train de donner vie à mon rêve d'évasion.