Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Dans tous les cas j’ai l’impression d’être plongé dans un profond gouffre : celui du désespoir.
Orpheline de père à l’âge de cinq ans, j’ai eu tout l’amour de ma mère. Je n’ai jamais manqué de rien ; enfin ce qui n’était pas indispensable à faire de moi plus tard une femme accomplie. J’ai eu la chance d’aller à l’école et d’y être restée assez longtemps car bon nombre de mes camarades fautes de moyen ou par attrait pour une vie plus facile ont abandonné trop tôt l’école. Moi aussi j’ai quelque fois eu envie de suivre leur pas, mais ma conscience me ramenait sur la voie de la raison. J’écoutais beaucoup et très attentivement ma mère, celle qui à tout fait pour que j’aille à l’école. Son plus précieux conseil qu’elle me répétait sans cesse : « étudie bien à l’école aujourd’hui afin d’être financièrement indépendante demain ». Des fois, j’avais l’impression qu’elle voulait faire de ma vie ce qu’elle n’avait pas pu faire avec la sienne. N’ayant pas eu la chance d’aller à l’école et très vite contrainte à un mariage forcé, elle m’a toujours dit qu’elle avait l’impression que sa vie lui avait été volée, qu’on lui avait imposé des choix et qu’elle s’est contentée d’y obéir parce que c’est ainsi qu’avait vécu sa mère et sa grand-mère. Il s’agissait là d’une ancienne génération moulée dans une tradition qui se transmettait à la nouvelle. Ma mère rêvait d’un autre avenir pour moi et l’école était le seul moyen de s’en rapprocher. Moi aussi je me suis mise à rêver de cet avenir qu’elle me dépeignait. J’ai donc décidé de travailler avec ardeur dans la mesure où l’échec, je ne l’envisageais pas dans mon parcours scolaire et que j’avais tout à ma portée pour réussir.
Maintenant je me rends compte que ma vie a été parsemée d’illusion car l’école ne m’avait pas préparé à l’épreuve à laquelle la vie m’a soumise. En effet l’instabilité politique de mon pays, ces dernières années fut une aubaine pour plusieurs groupes terroristes d’instaurer la terreur au sein de la population. Mais les plus touchés par ces actes barbares étaient les populations des zones rurales surtout celle du Nord. Peu à peu les campagnes se vidaient de leur population, les jeunes hommes fuyaient vers la capitale ou immigrait vers certains pays voisins. Quant aux femmes, la plupart d’entre elles étaient violées et quelque fois tuées devant leurs enfants. Aussi des citoyens exerçant dans l’administration publique telle que les enseignants, les infirmiers et même des commerçants, agriculteurs et éleveurs étaient exécutés sans état d’âme. Il ne se passât pas un jour sans que les médias ne parlent des dégâts occasionnés par ses barbares. Mais les forces de défense menaient la riposte et arrivaient à les neutraliser parfois. Ainsi chaque victoire des forces de défense nationale redonnait espoir à la population.
Malgré cela, la vie continuait son cours. Je pensais naïve que j’étais, que nous étions protégées de toute ces violences à cause de la distance qui nous séparait des zones contrôlées par ces terroristes ; mon village étant situé plus au Sud mais je me leurrais.
Une nuit ma mère me réveillait brusquement mais j’eu du mal à me lever et voulu me rendormir aussitôt. Mais elle me secoua encore plus violemment, ne me laissait pas reprendre complètement mes esprits que déjà elle me tirait hors de la concession. Il y avait un chaos total, dans le village. C’était la débandade et la population courait dans tous les sens. Je ne compris pas d’abord les raisons d’une telle agitation. Tout à coup je vis des hommes armés qui criaient et ordonnaient aux hommes de se rassembler au milieu d’un cercle que certains d’entre eux formaient. Je fus prise d’une certaine terreur, car n’ayant jamais vu cela de toute ma vie. Mes larmes ont commencé à couler sans que je m’en rendre compte.
Au petit-matin, il ne restait du village que des vestiges. Les enfants et les femmes étaient en pleurs. Celles dont les époux n’avaient pas pu fuir étaient maintenant veuves, les enfants orphelins. De nombreuses jeunes filles avaient aussi été violées et j’en faisais partie.
Le groupe de survivant dont faisait partit ma mère et moi, avait décidé de rejoindre la capitale. De ce fait, j’étais devenue une « déplacée interne » et l’école dont ma mère m’avait tant vanté, les mérites n’était plus que le cadet de mes soucis. Désormais tout me paraissait morne. Une partie de moi était restée dans ce village qui m’a vu naître. Je ne savais plus si j’arriverais un jour à me reconstruire et à oublier le traumatisme vécu.
Je ne m’étais jamais remise des horreurs vécus, mes nuits sont hantées de cris et de pleurs. En un mot j’étais traumatisée. Je ne trouvais plus le sommeil et la fatigue m’emportait. Je n’avais personne à qui me confier et je portais seul le fardeau de ma souffrance. Voir ma mère encrée dans la misère qu’elle cherchait à fuir, me fit prendre une décision pour faire évoluer notre situation. Après tous les sacrifices qu’elle avait consentis pour moi, je me disais qu’il était de mon ressort de tout faire pour qu’elle ne termine pas sa vie dans la précarité. Je voulais le faire maintenant. J’ai donc dévié de la trajectoire que ma mère et moi avions tant rêvé et idéalisé. Une vie de débauche rythmait maintenant mon quotidien. Les rares fois où je voyais ma mère, je sentais dans son regard une grande déception. J’avais honte de moi, et la nuit lorsque je sombrais dans l’inconscience, je priais pour ne plus avoir à ouvrir les yeux et pouvoir tomber dans une obscurité sans fin qui m’aurait éloigné du chaos qu’était devenu ma vie.
Orpheline de père à l’âge de cinq ans, j’ai eu tout l’amour de ma mère. Je n’ai jamais manqué de rien ; enfin ce qui n’était pas indispensable à faire de moi plus tard une femme accomplie. J’ai eu la chance d’aller à l’école et d’y être restée assez longtemps car bon nombre de mes camarades fautes de moyen ou par attrait pour une vie plus facile ont abandonné trop tôt l’école. Moi aussi j’ai quelque fois eu envie de suivre leur pas, mais ma conscience me ramenait sur la voie de la raison. J’écoutais beaucoup et très attentivement ma mère, celle qui à tout fait pour que j’aille à l’école. Son plus précieux conseil qu’elle me répétait sans cesse : « étudie bien à l’école aujourd’hui afin d’être financièrement indépendante demain ». Des fois, j’avais l’impression qu’elle voulait faire de ma vie ce qu’elle n’avait pas pu faire avec la sienne. N’ayant pas eu la chance d’aller à l’école et très vite contrainte à un mariage forcé, elle m’a toujours dit qu’elle avait l’impression que sa vie lui avait été volée, qu’on lui avait imposé des choix et qu’elle s’est contentée d’y obéir parce que c’est ainsi qu’avait vécu sa mère et sa grand-mère. Il s’agissait là d’une ancienne génération moulée dans une tradition qui se transmettait à la nouvelle. Ma mère rêvait d’un autre avenir pour moi et l’école était le seul moyen de s’en rapprocher. Moi aussi je me suis mise à rêver de cet avenir qu’elle me dépeignait. J’ai donc décidé de travailler avec ardeur dans la mesure où l’échec, je ne l’envisageais pas dans mon parcours scolaire et que j’avais tout à ma portée pour réussir.
Maintenant je me rends compte que ma vie a été parsemée d’illusion car l’école ne m’avait pas préparé à l’épreuve à laquelle la vie m’a soumise. En effet l’instabilité politique de mon pays, ces dernières années fut une aubaine pour plusieurs groupes terroristes d’instaurer la terreur au sein de la population. Mais les plus touchés par ces actes barbares étaient les populations des zones rurales surtout celle du Nord. Peu à peu les campagnes se vidaient de leur population, les jeunes hommes fuyaient vers la capitale ou immigrait vers certains pays voisins. Quant aux femmes, la plupart d’entre elles étaient violées et quelque fois tuées devant leurs enfants. Aussi des citoyens exerçant dans l’administration publique telle que les enseignants, les infirmiers et même des commerçants, agriculteurs et éleveurs étaient exécutés sans état d’âme. Il ne se passât pas un jour sans que les médias ne parlent des dégâts occasionnés par ses barbares. Mais les forces de défense menaient la riposte et arrivaient à les neutraliser parfois. Ainsi chaque victoire des forces de défense nationale redonnait espoir à la population.
Malgré cela, la vie continuait son cours. Je pensais naïve que j’étais, que nous étions protégées de toute ces violences à cause de la distance qui nous séparait des zones contrôlées par ces terroristes ; mon village étant situé plus au Sud mais je me leurrais.
Une nuit ma mère me réveillait brusquement mais j’eu du mal à me lever et voulu me rendormir aussitôt. Mais elle me secoua encore plus violemment, ne me laissait pas reprendre complètement mes esprits que déjà elle me tirait hors de la concession. Il y avait un chaos total, dans le village. C’était la débandade et la population courait dans tous les sens. Je ne compris pas d’abord les raisons d’une telle agitation. Tout à coup je vis des hommes armés qui criaient et ordonnaient aux hommes de se rassembler au milieu d’un cercle que certains d’entre eux formaient. Je fus prise d’une certaine terreur, car n’ayant jamais vu cela de toute ma vie. Mes larmes ont commencé à couler sans que je m’en rendre compte.
Au petit-matin, il ne restait du village que des vestiges. Les enfants et les femmes étaient en pleurs. Celles dont les époux n’avaient pas pu fuir étaient maintenant veuves, les enfants orphelins. De nombreuses jeunes filles avaient aussi été violées et j’en faisais partie.
Le groupe de survivant dont faisait partit ma mère et moi, avait décidé de rejoindre la capitale. De ce fait, j’étais devenue une « déplacée interne » et l’école dont ma mère m’avait tant vanté, les mérites n’était plus que le cadet de mes soucis. Désormais tout me paraissait morne. Une partie de moi était restée dans ce village qui m’a vu naître. Je ne savais plus si j’arriverais un jour à me reconstruire et à oublier le traumatisme vécu.
Je ne m’étais jamais remise des horreurs vécus, mes nuits sont hantées de cris et de pleurs. En un mot j’étais traumatisée. Je ne trouvais plus le sommeil et la fatigue m’emportait. Je n’avais personne à qui me confier et je portais seul le fardeau de ma souffrance. Voir ma mère encrée dans la misère qu’elle cherchait à fuir, me fit prendre une décision pour faire évoluer notre situation. Après tous les sacrifices qu’elle avait consentis pour moi, je me disais qu’il était de mon ressort de tout faire pour qu’elle ne termine pas sa vie dans la précarité. Je voulais le faire maintenant. J’ai donc dévié de la trajectoire que ma mère et moi avions tant rêvé et idéalisé. Une vie de débauche rythmait maintenant mon quotidien. Les rares fois où je voyais ma mère, je sentais dans son regard une grande déception. J’avais honte de moi, et la nuit lorsque je sombrais dans l’inconscience, je priais pour ne plus avoir à ouvrir les yeux et pouvoir tomber dans une obscurité sans fin qui m’aurait éloigné du chaos qu’était devenu ma vie.