Cheveux dans le vent, elle avait zappé les kilomètres tout en écoutant "être une femme" de Michel Sardou. Ce n'est pas sa voiture. Mahmoud a 3 ans. Il est à l'arrière. La veille, deux policiers l'ont accompagnée pour le récupérer à son domicile conjugal. Elle n’a plus l'envie, le désir de rentrer chez elle. Elle vivait au dehors tandis que dedans, c'était le chaos.
Elle s’arrête sur une borne d'arrêt d'urgence et se rappelle chaque détail de l'avant. Sa vie défile comme la vie sur un fil....Le monde dans lequel elle vivait, était en train de s'écrouler. La peine au cœur, la violence dans les mots, elle était allée au commissariat. Ils étaient, avec son fils, en danger...danger de mort. Les blessures qu'il avait inscrit jusqu'à aujourd'hui sur son corps, la qualifiait auprès des voisins, de rebelle. Ils ne savaient pas ce qu'il se passait. Personne ne savait. Sauf elle !
Elle ne pouvait rien dire, rien faire ! Sinon, un jour, il partirait un matin loin...très loin avec son fils.
Elle avait peur.
***
La pause est finie.
Majda redémarre de la bande d'arrêt d'urgence et roule, roule, roule, larmes à l'œil sur l'autoroute de sa vie.
Cheveux au vent, elle accélère...elle est libre maintenant.
Elle repense à la rencontre avec Anna....
Anna finissait sa pause déjeuner, quand une femme a débarquée sans frapper. Musique de fond : The Verve - Bitter Sweet Symphony à la radio.
JUIN 2003. Centre d'action Sociale Rue Armand Moisant à Paris. Une après-midi ensoleillée. En plein dans ses paperasses de personnes en difficulté, elle reçoit Majda DJELALI.
Quand elles se sont rencontrées, Anna a ramassé Majda à la petite cuillère dès les premiers instants.
Elle l'avait en quelques minutes touchée en plein cœur. Son histoire, sa manière de raconter, son envie d'avancer et de sortir de son cycle infernal. En larmes, Elle avait utilisé intégralement son paquet de mouchoirs tout en allaitant son fils Mahmoud.
Elle lui racontait en même temps son parcours, son histoire. Son rendez-vous d'après était déjà là mais Anna sentait que si elle la lâchait maintenant, elle ne la reverrait plus jamais.
Malgré les apparences, Majda DJELALI était très organisée. Elle avait réussi à récupérer son dossier médical, traces indélébiles de ses multiples hospitalisations dues aux coups et blessures infligées par son mari. Une expertise du suivi avec son psychologue et son psychiatre, suivi CMP rue des cévennes à Paris.
Puis, elle lui présenta un CV retraçant rapidement son expérience d’assistante en crèche, rue Cauchy sur Paris.
Anna sentait qu’elle était son dernier recours, sa dernière porte de sortie.
Majda ne suppliait pas. Fière de sa double culture, elle expliquait simplement qu'elle était une femme battue et violentée, que les nombreuses mains courantes et plaintes déposées avaient été classé sans suite. Elle voulait s'en sortir. Anna le sentait.
Il, Yohan, l'avait menacé de mort à plusieurs reprises, de la tuer devant son fils. De toutes façons, disait-il, il retrouverait assez vite une autre femme qui saurait le comprendre et l'écouter.
Toutes les démarches qu'elle avait entrepris pour sortir des mailles du filet de ce Yohan BRETINI, son mari, faisait d'elle et de ses fragilités : une force.
La justice était-elle débordée, ou bien considérait-elle qu'il y avait des dossiers plus urgents à traiter ?!
On ne le saura jamais.
L'urgence est autre, maintenant.
Anna avait le devoir de la guider dans ses démarches et de lui trouver un lieu sûr où elle pourrait enfin se poser et avoir les idées plus claires pour demain, pour son avenir.
Anna s’excuse. Elle s’absente quelques minutes du bureau pour consulter sa responsable et voir si on pouvait placer Majda quelque part avec son fils. Majda était à genoux et Anna debout pour l'aider à se relever. Anna a déjà connu cette douleur dans une ancienne vie. Mais, elle ne veut pas trop y penser...D'autant plus qu’elle a été témoin, il y a quelques mois, du départ d'une femme battue que le centre n'avait pas pu, pas su aider. Elle s'était suicidée.
***
Quelques minutes plus tard, quand Anna revient et rentre dans le bureau, Majda ne se sent pas bien. Elle a la gorge nouée, le ventre gonflé de stress. Anna lui annonce ce qui a été échangé par téléphone quelques minutes plus tôt :
- Je viens d'avoir la directrice du Palais de la Femme. Vous connaissez cet endroit, Mme Djelali ?
- non...
- c'est à Paris, rue de Charonne dans le 11ème
- Je ne comprends pas...
- Il est destiné à l'accueil des jeunes filles et femmes seules.
Silence puis un dialogue s’instaure. Des bribes puis de vrais échanges. Le lien se tisse au fur et à mesure :
- J'ai mon fils. Je ne le lâcherai pas ! Je ne lâcherai rien. Il ne me reste que lui ! Je me bats pour lui !
- Vous vous occupez bien de votre fils, Majda. On voit que vous l'aimez. Ne vous inquiétez pas. On vient d'appeler le Palais de la Femme. La directrice accepte de vous recevoir au Centre d’hébergement et de stabilisation (CHS) avec votre fils, pour une courte période... le temps de vous remettre de ce chaos et d'y mettre de l'ordre.
Des larmes montent dans les yeux de Majda.
Anna continue de la rassurer :
- un studio de 13 m². Ça ira pour démarrer ? Des travailleurs sociaux seront présents pour vous accompagner dans vos démarches pour trouver un logement et un travail. Là-bas, personne ne vous agressera. C'est un espace protégé.
Majda n'a plus de voix. Le combat s'arrête là. Un pas de côté et elle s'écroule. Elle fond en larmes, comme si la carapace avait explosé en plein vol, Anna l'aide à se relever. Son fils pleure. Il sent que quelque chose se passe, quelque chose qui pourrait changer leur vie pour toujours. Ouvrir son cœur
*
5 ans d'enfer avec Yohan, 3 ans de joie au palais de la Femme qui sont loin derrière elle maintenant. Des années de souffrance, de combat, de larmes et de 'relèves toi Majda !' ont criée toutes ses femmes qu’elle a eu la chance de croiser dans ce palais de la Femme.
Chacune portait sa douleur et continuait d'avancer. Elles avaient la niaque, la volonté de combattre et de sortir du lot.
Pour la plupart, elles avaient eu des hommes qui les avaient broyés. Elles avaient, comme sur un ring de boxe, encaissé les coups et après quelques chaos, avaient eu le déclic : mourir ou se relever !
La confiance est revenue en elle petit à petit...et fais écho comme un toit. Ayant été blessée, la confiance en l'autre est plus compliquée.
Majda aura appris plusieurs choses et notamment que l'on a toujours besoin des autres pour se connaître et pour avancer, quelque que soient les épreuves.
Elle s’arrête sur une borne d'arrêt d'urgence et se rappelle chaque détail de l'avant. Sa vie défile comme la vie sur un fil....Le monde dans lequel elle vivait, était en train de s'écrouler. La peine au cœur, la violence dans les mots, elle était allée au commissariat. Ils étaient, avec son fils, en danger...danger de mort. Les blessures qu'il avait inscrit jusqu'à aujourd'hui sur son corps, la qualifiait auprès des voisins, de rebelle. Ils ne savaient pas ce qu'il se passait. Personne ne savait. Sauf elle !
Elle ne pouvait rien dire, rien faire ! Sinon, un jour, il partirait un matin loin...très loin avec son fils.
Elle avait peur.
***
La pause est finie.
Majda redémarre de la bande d'arrêt d'urgence et roule, roule, roule, larmes à l'œil sur l'autoroute de sa vie.
Cheveux au vent, elle accélère...elle est libre maintenant.
Elle repense à la rencontre avec Anna....
Anna finissait sa pause déjeuner, quand une femme a débarquée sans frapper. Musique de fond : The Verve - Bitter Sweet Symphony à la radio.
JUIN 2003. Centre d'action Sociale Rue Armand Moisant à Paris. Une après-midi ensoleillée. En plein dans ses paperasses de personnes en difficulté, elle reçoit Majda DJELALI.
Quand elles se sont rencontrées, Anna a ramassé Majda à la petite cuillère dès les premiers instants.
Elle l'avait en quelques minutes touchée en plein cœur. Son histoire, sa manière de raconter, son envie d'avancer et de sortir de son cycle infernal. En larmes, Elle avait utilisé intégralement son paquet de mouchoirs tout en allaitant son fils Mahmoud.
Elle lui racontait en même temps son parcours, son histoire. Son rendez-vous d'après était déjà là mais Anna sentait que si elle la lâchait maintenant, elle ne la reverrait plus jamais.
Malgré les apparences, Majda DJELALI était très organisée. Elle avait réussi à récupérer son dossier médical, traces indélébiles de ses multiples hospitalisations dues aux coups et blessures infligées par son mari. Une expertise du suivi avec son psychologue et son psychiatre, suivi CMP rue des cévennes à Paris.
Puis, elle lui présenta un CV retraçant rapidement son expérience d’assistante en crèche, rue Cauchy sur Paris.
Anna sentait qu’elle était son dernier recours, sa dernière porte de sortie.
Majda ne suppliait pas. Fière de sa double culture, elle expliquait simplement qu'elle était une femme battue et violentée, que les nombreuses mains courantes et plaintes déposées avaient été classé sans suite. Elle voulait s'en sortir. Anna le sentait.
Il, Yohan, l'avait menacé de mort à plusieurs reprises, de la tuer devant son fils. De toutes façons, disait-il, il retrouverait assez vite une autre femme qui saurait le comprendre et l'écouter.
Toutes les démarches qu'elle avait entrepris pour sortir des mailles du filet de ce Yohan BRETINI, son mari, faisait d'elle et de ses fragilités : une force.
La justice était-elle débordée, ou bien considérait-elle qu'il y avait des dossiers plus urgents à traiter ?!
On ne le saura jamais.
L'urgence est autre, maintenant.
Anna avait le devoir de la guider dans ses démarches et de lui trouver un lieu sûr où elle pourrait enfin se poser et avoir les idées plus claires pour demain, pour son avenir.
Anna s’excuse. Elle s’absente quelques minutes du bureau pour consulter sa responsable et voir si on pouvait placer Majda quelque part avec son fils. Majda était à genoux et Anna debout pour l'aider à se relever. Anna a déjà connu cette douleur dans une ancienne vie. Mais, elle ne veut pas trop y penser...D'autant plus qu’elle a été témoin, il y a quelques mois, du départ d'une femme battue que le centre n'avait pas pu, pas su aider. Elle s'était suicidée.
***
Quelques minutes plus tard, quand Anna revient et rentre dans le bureau, Majda ne se sent pas bien. Elle a la gorge nouée, le ventre gonflé de stress. Anna lui annonce ce qui a été échangé par téléphone quelques minutes plus tôt :
- Je viens d'avoir la directrice du Palais de la Femme. Vous connaissez cet endroit, Mme Djelali ?
- non...
- c'est à Paris, rue de Charonne dans le 11ème
- Je ne comprends pas...
- Il est destiné à l'accueil des jeunes filles et femmes seules.
Silence puis un dialogue s’instaure. Des bribes puis de vrais échanges. Le lien se tisse au fur et à mesure :
- J'ai mon fils. Je ne le lâcherai pas ! Je ne lâcherai rien. Il ne me reste que lui ! Je me bats pour lui !
- Vous vous occupez bien de votre fils, Majda. On voit que vous l'aimez. Ne vous inquiétez pas. On vient d'appeler le Palais de la Femme. La directrice accepte de vous recevoir au Centre d’hébergement et de stabilisation (CHS) avec votre fils, pour une courte période... le temps de vous remettre de ce chaos et d'y mettre de l'ordre.
Des larmes montent dans les yeux de Majda.
Anna continue de la rassurer :
- un studio de 13 m². Ça ira pour démarrer ? Des travailleurs sociaux seront présents pour vous accompagner dans vos démarches pour trouver un logement et un travail. Là-bas, personne ne vous agressera. C'est un espace protégé.
Majda n'a plus de voix. Le combat s'arrête là. Un pas de côté et elle s'écroule. Elle fond en larmes, comme si la carapace avait explosé en plein vol, Anna l'aide à se relever. Son fils pleure. Il sent que quelque chose se passe, quelque chose qui pourrait changer leur vie pour toujours. Ouvrir son cœur
*
5 ans d'enfer avec Yohan, 3 ans de joie au palais de la Femme qui sont loin derrière elle maintenant. Des années de souffrance, de combat, de larmes et de 'relèves toi Majda !' ont criée toutes ses femmes qu’elle a eu la chance de croiser dans ce palais de la Femme.
Chacune portait sa douleur et continuait d'avancer. Elles avaient la niaque, la volonté de combattre et de sortir du lot.
Pour la plupart, elles avaient eu des hommes qui les avaient broyés. Elles avaient, comme sur un ring de boxe, encaissé les coups et après quelques chaos, avaient eu le déclic : mourir ou se relever !
La confiance est revenue en elle petit à petit...et fais écho comme un toit. Ayant été blessée, la confiance en l'autre est plus compliquée.
Majda aura appris plusieurs choses et notamment que l'on a toujours besoin des autres pour se connaître et pour avancer, quelque que soient les épreuves.