Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut- être les deux. Peu importe, cela n’a plus d’importance aujourd’hui. Je m’en suis allée, déjà !
Encore, le matin avait relayé la nuit, le clair était venu mais l’obscur de mon destin refusait de partir. Une nouvelle journée commençait. Elle ne fut pas belle mais elle était au moins ensoleillée.
Comme tous les autres jours ouvrables, je m’empressais de me rendre à cette petite case en terre, mal coiffée, et presqu’en ruine pour apprendre. C’était ma salle de classe. Je sais ! Elle ne vous enchante pas mais, c’était pour moi le seul endroit qui pouvait me conduire à un destin autre. Assidue, attentive et toujours ponctuelle, je n’avais jamais manqué de cours. Dieux! J’aimais l’école. Non pas forcément pour son aspect physique mais, pour ce qu’elle me donnait, la connaissance.
Bref ! Pardonnez mes manières. Ami, l’on m’appelle par affection sinon, je suis Aminata. Fillette de 12ans frêle et avec un regard toujours terne, je prenais plaisir à parcourir tôt le matin, des dizaines de kilomètres pour me rendre à mon école. Je n’étais qu’en classe de CE2 et je savais que c’était incertain pour moi de franchir le cap des Cours Moyens, mais je me levais tous les jours tôt le matin avec la même détermination, celle de rejoindre un jour la ville, pour embrasser mes années de collège.
Vous savez, d’où je viens, les filles et les femmes ont le même destin. Elles finissent mariées souvent malgré elles dès l’apparition de leurs premières règles. C’est la coutume chez nous.
Mais moi j’avais un rêve. Devenir sage-femme et aider les femmes en couche de ma communauté. Je l’aurai fait en mémoire de ma mère morte en me donnant naissance.
A 12 ans, je savais déjà être ce que la société appelle une femme. Ménage, cuisine, lessive étaient mes tâches quotidiennes. Je savais déjà tenir une maison. J’étais une femme dans le corps d’une petite fille.
Je nourrissais petit à petit l’espoir de terminer mes cours primaires élémentaires. En réalité, j’envisageais de dissimuler mes premières règles afin d’échapper au sort commun des jeunes filles qui avaient déjà saigné : le mariage précoce et forcé.
J’invoquais pour cela et chaque jour les dieux pour que mes premières menstruations se fassent à l’insu de tous.
Je me surveillais chaque jour, chaque heure, chaque minute et chaque seconde. La plupart de mes copines avaient saigné au même âge, j’étais donc sur mes gardes.
Vieilles étoffes, bains tardifs, vêtements amples, j’avais tout prévu pour que personne ne se rende compte lorsque j’aurai saigné.
Hélas ! Ce que je redoutais le plus était arrivé dans la nuit. Mes vêtements tâchés de sang ont toute de suite attiré mon attention à mon réveil que je m’empressais d’aller me rendre propre. Les vieilles étoffes préparées pour l’occasion m’ont servi de protection. Hélas ! Hélas ! La petite femme que je suis, était malheureusement trop jeune pour gérer seule cet évènement. Les étoffes utilisées pour me protéger n’étaient pas assez épais pour retenir mes ménorrhées laissant visiblement apparaitre à mon insu des tâches sur mon vêtement.
Mon père s’en aperçu et me fit appel dans sa chambre.
«Ami tu as saigné !» me dit-il avec un sourire de soulagement.
Je rétorquais aussitôt : «non ! Non papa.»
«Mais tu as les vêtements tous tâchés de sang, ne t’inquiète pas ce n’est pas grave, tu es désormais une femme. Va prendre ta douche. Je ferai appel à ta tante Salimata pour qu’elle t’entretienne sur certaines choses qui concernent les femmes.» M’avait dit papa.
Diantre ! Je n’en revenais pas, j’étais bouleversée. Comment était-ce possible ?
Je m’étais pourtant bien préparée.
Sous la douche, on put entendre mes pleurs, je savais ce qui m’attendait.
Tous mes rêves, mes projets, mes ambitions étaient en train de disparaitre.
Dès cet instant, j’étais déjà dans le noir.
Avais-je fini de prendre ma douche que tante Salimata arriva à la maison. Elle me dit ce que l’on dit aux jeunes filles qui saignent pour la première fois.
Elle prit aussi le soin de signifier à mon père que dans 15 jours, je serais dans ma période de fécondation.
«Papa, tu ne comptes pas me donner en mariage n’est-ce pas ? Tu me laisseras finir mes études, au moins le primaire ?» Demandais-je à papa avec insistance.
«Ami, tu sais très bien que dans notre coutume, lorsqu’une fille saigne pour la première fois elle doit se marier et fonder une famille. Je t’ai laissé commencer l’école pour que tu saches au moins lire et écrire en mémoire de ta mère qui le désirait. Et tu sais, une fille qui fait de longues études devient insolente et peine à se trouver un mari. Toi tu as de la chance, Ali a déjà versé la cola pour ta dot. On attendait juste que tu saignes. C’est un homme bien.»
Cette réponse de papa, n’a jamais cessé de résonner dans ma petite tête.
En effet, Ali était un chef de terre âgé de 28 ans et réputé d’être le plus grand guerrier de la région.
Le mariage était programmé dans 7 jours et il fut annoncé dans toute la région. Tu as de la chance Ami. Tout le monde n’arrêtait pas de me le répéter.
Toutes les filles de la région m’enviait et me trouvait chanceuse, j’allais épouser le plus riche et Bel homme de la région, mais je voyais les choses différemment.
J’avais de l’ambition, un peu plus d’ailleurs pour une fille, j’étais rêveuse, un peu trop pour une fille.
Les jours se succédaient, je refusais de me nourrir, je devins pâle. Toutes les tentatives pour me convaincre que le mariage était la meilleure manière pour une femme d’avoir un avenir certain avaient échouées. Je demeurais catégorique sur mon refus d’avoir le même destin que toutes les filles de la région.
Le jour du mariage, les bruits de tambours, de balafons et des djelibas s’étaient cotisés pour m’accompagner chez l’époux. Des femmes venues spécialement pour l’occasion m’avaient sublimement apprêtée. J’étais isolée dans une pièce seule, c’était la chambre de papa.
Pendant ce petit instant j’avais les yeux fermés, il y avait dans mon esprit, une émeute de pensées.
J’ai regretté d’être née femme, j’ai regretté d’être née dans une société où les femmes ne choisissent pas leur destin. J’ai regretté d’avoir eu mes règles.
Et lorsqu’il fut temps de rejoindre l’époux, les femmes venues me chercher ont eu la surprise de me voir moi, Ami, vêtue d’une robe blanche joliment brodée, les yeux ouverts couchée raide sur le sol dur de la chambre, avec la peau blanchâtre et respirant à peine. J’étais comme morte.
J’avais volontairement ingurgité une bouteille de pesticide qui servait à mon père dans ses champs.
A cet instant-là, j’étais dans le noir et j’avais refusé d’en sortir. J’avais refusé en effet de finir comme les autres filles. J’avais refusé de laisser tous mes rêves que sur un oreiller et de ne jamais pouvoir les réaliser. J’avais refusé d’être épouse à 12ans. Et cette fois, les dieux m’avaient exaucé.
En espérant reposer en paix, j’ai préféré m’en aller, avec mes rêves, avec mon innocence, avec ma liberté...
Diantre ! Que mes premières règles furent douloureuses !
Encore, le matin avait relayé la nuit, le clair était venu mais l’obscur de mon destin refusait de partir. Une nouvelle journée commençait. Elle ne fut pas belle mais elle était au moins ensoleillée.
Comme tous les autres jours ouvrables, je m’empressais de me rendre à cette petite case en terre, mal coiffée, et presqu’en ruine pour apprendre. C’était ma salle de classe. Je sais ! Elle ne vous enchante pas mais, c’était pour moi le seul endroit qui pouvait me conduire à un destin autre. Assidue, attentive et toujours ponctuelle, je n’avais jamais manqué de cours. Dieux! J’aimais l’école. Non pas forcément pour son aspect physique mais, pour ce qu’elle me donnait, la connaissance.
Bref ! Pardonnez mes manières. Ami, l’on m’appelle par affection sinon, je suis Aminata. Fillette de 12ans frêle et avec un regard toujours terne, je prenais plaisir à parcourir tôt le matin, des dizaines de kilomètres pour me rendre à mon école. Je n’étais qu’en classe de CE2 et je savais que c’était incertain pour moi de franchir le cap des Cours Moyens, mais je me levais tous les jours tôt le matin avec la même détermination, celle de rejoindre un jour la ville, pour embrasser mes années de collège.
Vous savez, d’où je viens, les filles et les femmes ont le même destin. Elles finissent mariées souvent malgré elles dès l’apparition de leurs premières règles. C’est la coutume chez nous.
Mais moi j’avais un rêve. Devenir sage-femme et aider les femmes en couche de ma communauté. Je l’aurai fait en mémoire de ma mère morte en me donnant naissance.
A 12 ans, je savais déjà être ce que la société appelle une femme. Ménage, cuisine, lessive étaient mes tâches quotidiennes. Je savais déjà tenir une maison. J’étais une femme dans le corps d’une petite fille.
Je nourrissais petit à petit l’espoir de terminer mes cours primaires élémentaires. En réalité, j’envisageais de dissimuler mes premières règles afin d’échapper au sort commun des jeunes filles qui avaient déjà saigné : le mariage précoce et forcé.
J’invoquais pour cela et chaque jour les dieux pour que mes premières menstruations se fassent à l’insu de tous.
Je me surveillais chaque jour, chaque heure, chaque minute et chaque seconde. La plupart de mes copines avaient saigné au même âge, j’étais donc sur mes gardes.
Vieilles étoffes, bains tardifs, vêtements amples, j’avais tout prévu pour que personne ne se rende compte lorsque j’aurai saigné.
Hélas ! Ce que je redoutais le plus était arrivé dans la nuit. Mes vêtements tâchés de sang ont toute de suite attiré mon attention à mon réveil que je m’empressais d’aller me rendre propre. Les vieilles étoffes préparées pour l’occasion m’ont servi de protection. Hélas ! Hélas ! La petite femme que je suis, était malheureusement trop jeune pour gérer seule cet évènement. Les étoffes utilisées pour me protéger n’étaient pas assez épais pour retenir mes ménorrhées laissant visiblement apparaitre à mon insu des tâches sur mon vêtement.
Mon père s’en aperçu et me fit appel dans sa chambre.
«Ami tu as saigné !» me dit-il avec un sourire de soulagement.
Je rétorquais aussitôt : «non ! Non papa.»
«Mais tu as les vêtements tous tâchés de sang, ne t’inquiète pas ce n’est pas grave, tu es désormais une femme. Va prendre ta douche. Je ferai appel à ta tante Salimata pour qu’elle t’entretienne sur certaines choses qui concernent les femmes.» M’avait dit papa.
Diantre ! Je n’en revenais pas, j’étais bouleversée. Comment était-ce possible ?
Je m’étais pourtant bien préparée.
Sous la douche, on put entendre mes pleurs, je savais ce qui m’attendait.
Tous mes rêves, mes projets, mes ambitions étaient en train de disparaitre.
Dès cet instant, j’étais déjà dans le noir.
Avais-je fini de prendre ma douche que tante Salimata arriva à la maison. Elle me dit ce que l’on dit aux jeunes filles qui saignent pour la première fois.
Elle prit aussi le soin de signifier à mon père que dans 15 jours, je serais dans ma période de fécondation.
«Papa, tu ne comptes pas me donner en mariage n’est-ce pas ? Tu me laisseras finir mes études, au moins le primaire ?» Demandais-je à papa avec insistance.
«Ami, tu sais très bien que dans notre coutume, lorsqu’une fille saigne pour la première fois elle doit se marier et fonder une famille. Je t’ai laissé commencer l’école pour que tu saches au moins lire et écrire en mémoire de ta mère qui le désirait. Et tu sais, une fille qui fait de longues études devient insolente et peine à se trouver un mari. Toi tu as de la chance, Ali a déjà versé la cola pour ta dot. On attendait juste que tu saignes. C’est un homme bien.»
Cette réponse de papa, n’a jamais cessé de résonner dans ma petite tête.
En effet, Ali était un chef de terre âgé de 28 ans et réputé d’être le plus grand guerrier de la région.
Le mariage était programmé dans 7 jours et il fut annoncé dans toute la région. Tu as de la chance Ami. Tout le monde n’arrêtait pas de me le répéter.
Toutes les filles de la région m’enviait et me trouvait chanceuse, j’allais épouser le plus riche et Bel homme de la région, mais je voyais les choses différemment.
J’avais de l’ambition, un peu plus d’ailleurs pour une fille, j’étais rêveuse, un peu trop pour une fille.
Les jours se succédaient, je refusais de me nourrir, je devins pâle. Toutes les tentatives pour me convaincre que le mariage était la meilleure manière pour une femme d’avoir un avenir certain avaient échouées. Je demeurais catégorique sur mon refus d’avoir le même destin que toutes les filles de la région.
Le jour du mariage, les bruits de tambours, de balafons et des djelibas s’étaient cotisés pour m’accompagner chez l’époux. Des femmes venues spécialement pour l’occasion m’avaient sublimement apprêtée. J’étais isolée dans une pièce seule, c’était la chambre de papa.
Pendant ce petit instant j’avais les yeux fermés, il y avait dans mon esprit, une émeute de pensées.
J’ai regretté d’être née femme, j’ai regretté d’être née dans une société où les femmes ne choisissent pas leur destin. J’ai regretté d’avoir eu mes règles.
Et lorsqu’il fut temps de rejoindre l’époux, les femmes venues me chercher ont eu la surprise de me voir moi, Ami, vêtue d’une robe blanche joliment brodée, les yeux ouverts couchée raide sur le sol dur de la chambre, avec la peau blanchâtre et respirant à peine. J’étais comme morte.
J’avais volontairement ingurgité une bouteille de pesticide qui servait à mon père dans ses champs.
A cet instant-là, j’étais dans le noir et j’avais refusé d’en sortir. J’avais refusé en effet de finir comme les autres filles. J’avais refusé de laisser tous mes rêves que sur un oreiller et de ne jamais pouvoir les réaliser. J’avais refusé d’être épouse à 12ans. Et cette fois, les dieux m’avaient exaucé.
En espérant reposer en paix, j’ai préféré m’en aller, avec mes rêves, avec mon innocence, avec ma liberté...
Diantre ! Que mes premières règles furent douloureuses !
Pourquoi on a aimé ?
Ce texte retrace avec beaucoup d’émotion et de sincérité le destin tragique d’une jeune femme qui voit ses espoirs et ses perspectives
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Pourquoi on a aimé ?
Ce texte retrace avec beaucoup d’émotion et de sincérité le destin tragique d’une jeune femme qui voit ses espoirs et ses perspectives