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« Célibataire, préparez-vous à rencontrer le grand amour sous le signe de l'eau, entouré de rouge, protégé par le chiffre 3 et chargé de l'énergie de la pierre d'obsidienne. »
Les prédictions données par le jeu de carte divinatoire du magazine Astrologie Féminine avaient de quoi laisser perplexe. Oubliées les 23 lames du tarot des chats, des insectes ou des fleurs. Oubliées les indications sur votre avenir en vertu de la science du tirage de carte. Place au numéro spécial Saint-Valentin avec ses réponses extrêmement précises et totalement floues sur son avenir amoureux.
Un homme en slip rouge, dans une piscine, le numéro 3 écrit sur son bonnet et avec un pendentif en pierre d'un noir scintillant ?
Non. Il avait une alliance et il embrassait à pleine bouche une grande brune quand Éloïse le croisa près des vestiaires.
Un pompier au sourire ravageur avec le chiffre 3 écrit au dos de sa tenue ? Un pompier, c'est-à-dire un homme qui s'habille en rouge et noir et qui manipule de l'eau...
Non plus. Le sourire ravageur était adressé au joli jeune homme placé derrière elle dans la foule qui assistait à l'intervention.
Ou alors... Un galant jeune homme dans le bus, une écharpe rouge à trois pompons autour du cou, une bouteille d'eau minérale en main et de magnifiques cheveux noirs qui lui retombaient de façon trop craquante dans les yeux ?
Toujours pas. Le grand amour ne pouvait pas être un vulgaire pickpocket, frôlant, souriant et dépouillant les jeunes étudiantes en mal d'amour.
— Et si je n'y arrivais pas, Léonard ?
— Arriver à quoi ?
— À trouver l'amour de ma vie !
— Mais, pourquoi tu dis ça ?
— J'ai déjà tout essayé. Les amis d'amis, les soirées, les bancs de la fac, les sites de rencontre...
— Et d'après toi c'est le stupide jeu de carte d'un stupide magazine d'astrologie qui va résoudre tes problèmes de cœur et t'apporter le grand amour ?
— Alors, premièrement, ni les cartes, ni le magazine ne sont stupides. Irrationnels, tout au plus. Et il se trouve que l'amour ne s'accorde pas toujours avec la raison, n'est-ce pas ? Deuxièmement, je sais parfaitement que ce ne sont pas les cartes qui font mon avenir. C'est moi. Elles ne font que me montrer une piste, une voie que je suis libre de suivre ou pas. Et enfin, troisièmement, Monsieur le terre à terre, il se trouve que je ne crois pas au hasard et je reste persuadée que si j'ai obtenu ce résultat c'est pour une raison bien précise.
— Laquelle ?
— Mon grand amour sera rouge, eau, chiffre 3 et pierre d'obsidienne ! En fait, il faut juste que j'ajuste mon interprétation pour que ça marche.
Léonard, son voisin du rez-de-chaussée, barman la nuit et accessoirement étudiant le jour, la regarda d'un air dubitatif.
— Si tu le dis, déclara-t-il avant de continuer à essuyer des verres et s'occuper des autres clients.
La Saint-Valentin approchait inexorablement et Éloïse ne trouvait toujours pas. Elle se promena longuement dans les parcs les jours de pluie, soupira langoureusement devant des livres de voyage dans des librairies, feuilleta doucement de gros ouvrages très sérieux sur la mer dans des bibliothèques et se dandina en robe moulante et bleue dans des boîtes de nuit. À chaque fois qu'elle pensait voir un homme qui pouvait correspondre, à chaque signe ou indice, son cœur faisait des bonds puis déchantait les minutes qui suivaient. Pas libre, pas beau, pas assez, trop...
Le soir de la Saint-Valentin, quelques heures avant minuit, Éloïse était toujours seule. Dans un rire sans joie, elle s'avoua vaincue. Ce n'était pas cette année que son célibat allait prendre fin. Tant pis ! Elle décida de sortir pour se changer les idées. Et se retrouva, à minuit, après une soirée à faire la folle avec ses copines, complètement affalée sur le comptoir du bar de son ami, le regard perdu dans le liquide rose et bleu de son cocktail en train de ruminer sur ses plantages amoureux.
— Je suis maudite, Léonard.
— Non. Tu es seule, nuance.
— Ah, ça va ! Tu n'as pas besoin d'être cruel non plus. Ce n'est pas comme si, toi, t'étais célib' depuis plus de deux ans.
— Non, mais j'ai une autre méthode que toi pour trouver le grand amour.
— Laquelle ? Tu couches en premier et tu regrettes ensuite ?
— Non. Je ne le cherche tout simplement pas.
Éloïse releva la tête et fronça les sourcils en croisant le grand sourire énigmatique de son ami. Autour d'eux, le bar s'était vidé, le bois et le verre de la décoration avaient pris des teintes orangées et la musique était devenue plus douce tout à coup. Intriguée, elle l'observa récupérer quelque chose sous le comptoir et marcher jusqu'à elle. Elle écarquilla les yeux en découvrant ce qu'il venait de poser devant elle.
— Moi, je tente ma chance. Après tout, qui sait ?
Sur le comptoir il y avait un grand verre à jus vide. Il le remplit d'eau puis, sans la lâcher du regard, y fit tomber trois pierres polies d'un noir brillant. Ensuite, avec un petit sourire au coin des lèvres, il ajouta une grosse fraise bien rouge sur le bord du verre et poussa le verre vers elle. Éloïse passa quelques secondes à faire des allers-retours entre l'homme qui écoutait patiemment ses jérémiades tous les jours et qui avait en plus décidé de porter un joli tee-shirt rouge sur lequel il y avait écrit « Joyeuse Saint-Valentin ! » Elle éclata de rire et se jeta dans ses bras.
Les lèvres collées à celles de son Valentin d'un soir ou d'une vie, Éloïse savoura cet instant sans se poser de questions, pour une fois. Enfin, si, une.
Qui sait ?
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