Quelque chose qui ne va pas

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Au commencement est le silence. Puis un cliquetis métallique presque cristallin se fait entendre, et la lourde porte grise s'ouvre vers l'extérieur de ce qui se révèle être, indiscutablement, une chambre forte. La porte est absurdement grande. Deux hommes entrent. L'un est grand et l'autre beaucoup plus petit, et cette différence est pratique pour la suite de l'histoire, parce qu'à part ça, rien ne les distingue. Ils sont tous deux intégralement vêtus de noir, des pieds jusqu'à la tête, qu'ils ont chacun recouverte d'une cagoule. Le plus grand porte un sac à dos, noir, lui aussi.

— Putain, je te l'avais dit ! Le vieux connard ne nous a pas menti ! Je l'ai vu dans ses yeux qu'il ne nous mentait pas !
C'est Sam – le petit – qui a parlé, ou plutôt crié. On sent dans sa voix à la fois de l'enthousiasme, de l'impatience, mais aussi du soulagement.

— Il y a quelque chose qui ne va pas.
Ça, c'est JB – le grand – qui a pensé tout haut.

Depuis le début, JB ne sent pas cette affaire. D'habitude il n'est pas du genre à tergiverser, mais cette fois il n'arrive pas à se défaire de l'idée qu'il y a un truc qui cloche. Le type qui les a rencardés – le copain d'un copain – avait l'air trop pressé de leur filer son tuyau en or et de mettre les voiles. Mais Sam a réussi à le convaincre qu'ils n'avaient pas grand-chose à perdre en allant chez le vieux. Et tout était effectivement comme l'autre leur avait dit : la maison en brique qui ne paye pas de mine de l'extérieur, mais qui ressemble à un palais à l'intérieur ; les bijoux, qui étaient là où ils étaient censés être ; et surtout beaucoup de bijoux, apparemment très anciens, manifestement très précieux. JB a tout mis dans son sac à dos, et il a senti qu'ils devaient partir. Mais leur généreux indic leur avait dit que le vrai trésor se trouvait dans la chambre forte, accessible uniquement depuis la chambre du vieux et qui ne pouvait être ouverte qu'avec la clé que gardait le vieux.

Jusque là, tout avait été facile, et ils avaient déjà un beau petit butin dans le sac à dos. Aller titiller un vieux pour mettre la main sur un « trésor » indéterminé – or ? diamants ? cash ? – n'était clairement pas l'idée du siècle. Il suffisait de sortir de là, remonter dans la voiture et rentrer à la maison. Simple comme bonjour. Pas de risque. Pas de violence. Mais Sam voulait le trésor. Il avait argumenté que JB n'était pas à un vieux malmené près, ce qui n'était pas faux, même s'il arrivait à un âge où il appréciait de plus en plus les coups tranquilles, sans dents cassées ni ongles arrachés. Mais Sam voulait le trésor, et c'est vrai que l'idée même d'un trésor était amusante, après tout.

Alors ils avaient monté en silence l'escalier recouvert de moquette, et ils avaient cherché la chambre du vieux. Il y avait bien quelqu'un qui dormait dans la première pièce qu'ils avaient explorée, mais ce n'était pas le vieux. C'était une gamine, apparemment d'une quinzaine d'années. C'était une surprise, et pas une bonne. Le vieux était censé être seul chez lui, et ça changeait la donne.
— Beau brin de fille, avait chuchoté Sam, une lueur malsaine dans les yeux.
— T'es fou ou quoi ? avait rétorqué JB en refermant doucement la porte. Elle a l'âge de ta fille ! Faut qu'on se barre. C'est trop risqué.
— Risqué de quoi ? Au contraire ! On se sert de la fille pour faire parler le vieux. Ça ira plus vite et ça sera moins salissant.

Et c'est ce qu'ils avaient fait. Mais finalement ça avait été un peu salissant quand même. Parce que le vieux était un coriace, et que la gamine était carrément sauvage. JB avait d'abord espéré s'en tirer avec quelques baffes, mais ils avaient dû secouer un peu la fille. Il avait vu que Sam y prenait du plaisir, alors il avait préféré prendre le relai. Pour une raison étrange, il préférait que ça reste professionnel. Et dans l'ensemble, c'était presque resté dans les limites du professionnel. Après une bonne heure de régime dur, le vieux avait craqué. Mais JB n'avait pas aimé le vide qu'il y avait dans son regard quand il leur avait dit où trouver le trousseau de clés – dans le fond d'un vase dans la salle de bain – et où trouver la chambre forte : en bas d'un escalier dérobé, derrière la grande bibliothèque en bois sombre. Il avait même semblé sourire, avec ce qui lui restait de dents à ce moment-là, quand il avait craché qu'ils ne seraient pas déçus du trésor. Le vieux avait les yeux injectés de sang, et JB avait été saisi d'une peur soudaine et intense. Mais il était trop tard pour reculer. Ç'aurait été dommage d'avoir fait subir ça à la gamine pour rien. Alors il avait repris ses esprits, avec l'aide de Sam il avait attaché le vieux et ce qui restait de la fille, et il avait tiré le petit levier pour faire glisser la bibliothèque. Et l'escalier était là. Et en bas il y avait la porte grise. Et la première clé que JB avait essayée avait parfaitement rempli son office. Et un cliquetis métallique presque cristallin s'était fait entendre, et il avait tiré la lourde porte, ouvrant l'accès à la chambre forte. Laquelle porte était absurdement grande. Et Sam avait crié sa joie, son enthousiasme et son soulagement. Et JB avait pensé tout haut que quelque chose n'allait pas.

Voilà où nous en sommes.

Dans la salle tout est gris, métallique et froid. Elle est éclairée par une lumière blanche qui ne crée aucune ombre. Difficile d'évaluer la surface de l'endroit. Au milieu de la pièce se trouve une table de métal, JB pense à une table de morgue. Derrière, collé au mur du fond, se trouve un coffre-fort. JB n'a jamais vu de coffre comme ça, si ce n'est dans les vieux films. On dirait un archétype de coffre-fort, gris, cubique, avec une simple serrure et une grosse manivelle crantée noire. Son mauvais pressentiment s'accentue. Sam a les yeux qui pétillent. Il lui arrache les clés des mains, et court vers le coffre.

— Attends, putain ! C'est peut-être un piège ! crie JB.

Mais Sam ne l'entend pas. Il ne pense qu'au trésor. JB s'arrête au niveau de la table. Il a du mal à respirer. Il regarde autour de lui. Rien de menaçant. Et pourtant rien n'est normal. Il se demande comment ils ont bien pu en arriver là. Il voudrait tourner les talons, mais il ne peut pas laisser Sam tout seul. Et puis il y a le trésor.

La première clé que Sam tente d'introduire dans la serrure du coffre est la bonne. Il agrippe ensuite la grosse manivelle et la tourne sans difficulté. Il y a comme un bruit d'engrenage très bien huilé, et le coffre est ouvert. JB avait retenu sa respiration, il peut respirer. Pas d'explosion. Pas de gaz mortel. Dans le coffre, il y a juste une boîte.

— Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir là-dedans ? Tu es vachement lourd, mon petit trésor... Tu vas t'ouvrir pour Tonton Sammy !

Sam est comme hypnotisé par la boîte. Il chantonne presque en la posant sur la table.
JB est à nouveau saisi par l'angoisse. Il fixe la boîte. C'est une toute petite boîte de rien du tout, en métal, grise, un peu allongée. Elle ressemble tout à fait à celles qu'on trouve dans les coffres de banque. L'ouverture se fait par-devant, il y a une serrure et une toute petite poignée. Il a la certitude d'avoir déjà vu cette boîte. Il sait qu'il ne faut pas l'ouvrir. Il sait qu'ils vont l'ouvrir. Dans un film, ce moment durerait très longtemps, et la musique ferait monter le suspense. Mais là, c'est très rapide. JB n'a même pas le temps de lancer un ultime avertissement que Sam a déjà pris la dernière clé du trousseau volé au vieux. Évidemment, elle s'enfonce parfaitement dans la serrure de la boîte.

Un cliquetis métallique presque cristallin se fait entendre, et brusquement la petite porte de la boîte semble absurdement grande. Ils entrent dans ce qui est indiscutablement une chambre forte.

— Putain, je te l'avais dit ! Le vieux connard ne nous a pas menti ! Je l'ai vu dans ses yeux qu'il ne nous mentait pas !
C'est Sam – le petit – qui a parlé, ou plutôt crié. On sent dans sa voix à la fois de l'enthousiasme, de l'impatience, mais aussi du soulagement.

— Il y a quelque chose qui ne va pas.
Ça, c'est JB – le grand – qui a pensé tout haut.

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