Quand les épreuves s’en mêlent

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés?Peut-être les deux.C'était un soir de 22 Août une brume légère s'abattit sur Dakar.La ville inondée troqua sa réputation de destination touristique en un lieu de puanteur.Les gens pressés s'abritaient çà et là afin d'échapper à la pluie.je rentrais de l'école heureuse d'avoir pu finir cette évaluation en beauté.Mais Dieu sait que je n'avais pas l'esprit tranquille.Serais-je à l'heure pour les adieux?Était-ce réel que son départ fût imminent?Tous ces jours passés à me morfondre au pieu,ma peur grandissante de perdre quelque chose qui m'était devenu chère m'étouffait!Dieu sait que j'ai tenu,sourire plaqué sur mon visage je m'arrangeais à ce qu'il ne se douta de rien.De l'intérieur bouillait en moi le désir de le retenir,de l'en faire captif de mes sentiments.Mais ni lui,ni moi ne tenons l'horloge du temps.si seulement nous avions eut un mois supplémentaire,ou même une semaine,même un jour aurait été suffisant afin d'assouvir ce désir de l'avoir à mes côtés.
Janvier 2020 mon téléphone sonne,c'est les urgences.Comme tous les autres il a flanché et a perdu le combat face au corona.Le deal c'était qu'il aille à l'étranger travailler et nous ramener des sous.En dessous un projet de mariage que nous chérissions comme la prunelle de nos yeux.Se retrouver et s'aimer encore davantage c'était notre convention.Il s'est beaucoup battu m'a confié l'infirmière,mais le virus a vite eut raison de lui.Je le revois encore à travers la vitre de mon téléphone,allongé sur son lit d'hôpital sous assistance respiratoire.Le visage livide,les yeux ternes la respiration haletante.J'aurai voulu faire disparaître ces milliers de kilomètres qui nous faisaient obstacle,j'aurai voulu être à ses côtés.Lui tenir la tête et le rassurer,j'aurai aimé pouvoir faire plus,mais la consigne était la même pour tous.Il fallait se mettre à l'abri pour sauver des vies.Et pourtant je pense qu'ensemble nous en avons sauvé mais pas la sienne.Seule il me laisse seule désemparée désespérée dépitée et dépassée.Les yeux fermés suis-je dans le noir?A mon avis la question ne se pose plus puisque le noir je ne le côtoie plus je le vie.Le noir de l'abandon de la solitude des jours de deuil.Le noir de la mort,celle de mon âme sœur.Je me sens seule livrée à moi même dans un pays étranger.Ici je n'ai ni père ni mère,ici je ne suis personne!Pour parler de moi,ils disent la jeune étudiante Guinéenne qui habite à l'angle de la rue.Celle qui la tête dans les nuages,le sac au dos les sandales d'un certain âge aux pieds sort le matin pour rentrer tard le soir.Celle qui,malgré la psychose du corona,continue à risquer sa vie dehors.Elle,elle n'a pas le choix,il faut qu'elle vive!Le loyer ne se payera pas tout seul,les factures d'eau et d'électricité s'empilent les unes sur les autres.Pour se nourrir il faut qu'elle tafe.Impuissante,elle assiste au partage des vivres au quel elle n'est pas conviée parce qu'étrangère.Les soirs où elle dort le ventre vide elle ne les compte plus,d'ailleurs elle sait qu'il y'a des jours avec et sans,et pendant les jours sans elle fait avec!Elle connaît les dangers qu'elle court en ne restant pas confinée,mais se confiner et mourir de faim?Ou encore sortir lutter et quand même mourir du corona,mais puisqu'il faut bien mourir de quelque chose!Et d'ailleurs a t-elle vraiment le choix?Le choix elle l'a fait le jour où le bagage en main elle a franchit le seuil de la maison paternelle.Elle s'imaginait qu'en quittant sa Guinée natale en pleine crise socio-politique elle serait à l'abri du danger.Et que les opportunités aussi rare que le sésame s'offriront à elle.Consciente qu'avec une simple licence elle n'avait guerre de grands espoirs,l'idée c'était donc d'aller acquérir plus de savoir et tenter de se trouver une place au soleil.Comme elle,des centaines voir des milliers d'étudiants vivent la même situation.Loin de la famille,coupés de leurs proches,amis et alliés sans soutien affectif.Le 16 Mars jour pas comme les autres.un réveil qu'elle redoutait,gagner du temps voilà ce qu'elle voulait.Dormir?Oui encore et encore pour ne pas la sentir,pour ne plus la sentir cette faim tenace qui lui broyait les entrailles.À la maison pas un rond,rien pour atténuer sa faim.Après plusieurs réveils inopinés,vers 16h elle décide enfin de sortir du lit,elle ne pouvait faire le tour de la ville pour se rendre au travail dans cet état.Travail qui lui rapportait une misère il faut le dire.C'est donc chancelante qu'elle prit appuis contre le mur.Il fallait trouver quelque chose et vite.Un rapide coup d'œil dans le frigo,elle y découvrait un bol de riz congelé.un houra de bonheur lui emplit de joie,mais cette joie ne fût que de courte durée.Qu'est-ce qu'elle pourrait bien mettre sur ce riz ?Mais comme il fallait bien qu'elle mange,elle se contenta alors de remplir un autre bol d'eau et y plongea son riz.Une demi heure plus tard le tour était joué!Ce riz était tout bizarre,la glace avait fondu l'imbibant ainsi d'eau.Elle se le servit alors en prenant soin de l'essorer.Y ajouta de l'huile rouge fade,au goût très douteux.Une pincée de jumbo et de la poudre des graines du néré.À la première bouchée elle failli régurgiter tout le contenu de son ventre,mais l'heure n'était pas aux caprices.Il lui fallait manger pour pouvoir se tenir debout.Elle s'est abstenue de pleurer,se rassurant que ce n'était qu'une situation passagère.Elle devait rester forte et focus sur l'objectif.Ses parents étant démunis,il leur était difficile de lui envoyer régulièrement de l'argent.Et vu qu'elle est encore loin d'avoir terminé sa scolarité il lui fallait endurer.Je ne suis pas une lâcheuse.je peux y arriver, je dois y arriver s'entendit t-elle se répéter.Sur ces mots elle s'endormit sur son matelas posé à même le sol.Depuis qu'elle est arrivée à Dakar,le confort est un bien grand mot comparé à tout ce qu'elle a pu traverser jusqu'ici.Mais elle ne se plaint pas.C'est finalement dans les bandes de 21h que ses yeux se rouvrent.Elle a beaucoup dormi.Elle sourit en regardant l'assiette à moitié pleine devant elle.Malgré ses efforts elle n'avait pu réussir à la vider de son contenu.Son estomac lui brûle,elle n'en parle à personne.Elle n'est pas du genre à étaler ses malheurs,alors sourire aux lèvres,elle s'arrange à dire que tout va bien.Retour à la réalité,elle regarde le bol qui la regarde en retour,l'huile a refroidi sur le riz trempé,le spectacle est écœurant,mais pour elle aucune alternative c'est ce qu'elle va devoir manger en guise de dîner.Elle ferme les yeux,et se laisse tenter par une bouchée,ensuite une deuxième,en s'assurant à chaque fois de les accompagner par une rasade d'eau.Très rapidement son ventre se remplit.Aussitôt retour sur son matelas,le cœur n'y est pas mais elle ne veut pas défaillir,hors de question qu'elle cède aux tumultes de larmes qui grognent en elle mais c'était sans compter , c'est alors qu'elle fond en larmes il fallait que ça sorte.Se laissant aller elle a pleuré tout son soul.En repensant à sa pauvre mère qui s'est toujours battu pour qu'elle n’ait jamais faim.Jamais au près d'elle elle n'a dormi le ventre vide.ses larmes redoublèrent et elle ne su comment se calmer.
Finalement, la faim aura eut raison d'elle!Mais puisque les grandes réussites se construisent dans le temps,elle prend son temps et elle attend !