Petit jardin et petit banc,
Petites fleurs maigre gazon,
C'est là que je la vois
Chaque jour,
Obligeant ses vieux os
À tracer quelques pas.

Les hivers ont posé
Sur ses prunelles grises
Une cape de givre.
Flanelles et dentelles
Crispées de solitude
Se fanent sur sa peau,
Les bords de son chapeau
Bâillent d'épuisement.

Au revers du manteau,
Une cigale d'or,
Chrysalide fragile
Vidée de tout espoir,
A replié ses ailes
Comme on voile un piano,
Comme on cache un violon
Sur le haut de l'armoire
Quand même la musique
Devient blasphématoire.

Le présent n'est qu'absence,
Le futur déchéance.
Parmi les feuilles mortes,
La canne sur le sol
Fouille inlassablement
Les empreintes rouillées
De sa mémoire exsangue.

Petit jardin et petit banc,
C'est là que je redoute
De la voir chaque jour,
Elle garde la distance
Des lépreux des parias,
Ses épaules voûtées
Racontent son histoire,
La honte l'accompagne
Et l'isole un peu plus.

Quelle faute impardonnable
Mérite que le temps
Marque aussi durement
Nos chairs innocentes,
Nous inflige vieillesse,
Laideurs et tourments,
Une simple morsure
Dans une pomme verte
Par une écervelée,
Nous dit-on,
Nous dit-on...

Petit jardin et petit banc,
C'est là que je regrette
De ne la voir ce jour.

Adieu Colombe,
Vole libre et joyeuse,

Le soleil s'est éteint
Dans le petit jardin...