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Princesse Paresse passe des journées toutes douces à se tourner les pouces. Elle entremêle ses tresses puis les démêle. Elle écarte ses doigts de pieds pour que l'air vienne y tournicoter. Elle pivote, change de côté, tapote sa couette et son oreiller. Qu'il est doux de se prélasser et de ne jamais s'inquiéter, d'écouter les oiseaux chanter, les abeilles bourdonner, les heures tendrement s'écouler...
Rien ne doit venir perturber cette sérénité. Gêner la tranquillité de Princesse Paresse est un sacrilège à éviter.
Mais un matin, alors que le soleil se lève et effleure la peau douce de notre princesse ensommeillée, un lion, assis sur le bord de la fenêtre, se met à rigoler :
— Ma chère, vous êtes un exemple de paresseuse qui va finir en boule graisseuse. À se relaxer et ne jamais se bouger, votre corps va se relâcher !
Princesse Paresse n'en croit pas ses oreilles qu'elle a pourtant bichonnées la veille :
— Qui êtes-vous pour vous permettre de me réveiller ainsi ?
Sans se faire inviter, le Lion saute et s'installe confortablement sur le divan de la princesse.
— Je suis le roi des animaux pardi ! répond le Lion agacé.
— Cela ne vous donne pas le droit de m'insulter, ni même de contrarier mon sommeil ! dit-elle les sourcils en forme de V.
Princesse Paresse se redresse dans son lit et regarde énervée le Lion allongé sur son canapé préféré.
— Allons, allons, répond le Lion légèrement moqueur, détendez-vous, votre peau va se froisser et vous allez être toute ridée !
Princesse Paresse se déplace délicatement sur la pointe des pieds en direction du miroir. Affolée, elle coupe quelques rondelles de concombre qu'elle pose sur son visage et se tartine de crème. Puis elle retourne s'allonger. Une tranche de cucurbitacée sur chaque œil, elle gigote ses narines :
— Mais quelle est cette odeur désagréable qui vient titiller mon nez ?
— Excusez-moi, j'ai effectivement besoin de me laver. Je viens chercher l'hospitalité en votre beau palais, le temps de me ressourcer.
— Cessez vos explications, vous me fatiguez ! Lui rétorque la princesse le nez bouché et l'air dégoûté.
Avec mollesse mais tout en souplesse, Princesse Paresse tire sur sa sonnette et ordonne à son singe Badaboum de préparer un bain pour son altesse. Elle se dit « chouette, un moment de répit » et la voilà qui saute dans son lit. Mais à peine est-elle allongée :
— Mon savon est tombé, pourriez-vous me le ramasser ? demande le Lion assis dans son bain.
Un long soupir s'échappe de la bouche de Princesse Paresse.
— Jamais de la vie ! Débrouillez-vous seul ! Je vous offre mon toit, ça ne vous suffit pas ?
— Ce n'est quand même pas difficile de se baisser ! bougonne le Lion
— Eh bien faites-le ! rétorque Princesse Paresse énervée. Puis elle chuchote à Badaboum d'y aller.
Au début, Badaboum s'amuse de la situation. Le roi des animaux, nu comme un ver et poils mouillés, n'a plus l'air d'un lion du tout. Badaboum se tient les côtes tellement il rigole.
— Ne reste pas planté là à te moquer de moi ! Passe-moi ce savon, sac à noix de coco !
Badaboum, qui n'a pas l'habitude que l'on s'adresse à lui de façon impolie, cesse de rire. Très stressé, il empoigne le savon qui... Zip... lui glisse des mains. Le savon part à grande vitesse, heurte le mur, puis arrive dans l'œil du Lion.
— Aïe ! hurle-t-il. Ça pique ! Espèce de maladroit ! Sac à banane ! Sors de là !
Badaboum, complètement affolé, part la tête basse. Princesse Paresse a tout entendu et, même si elle a envie de rire de la situation, elle réalise qu'il va falloir encore supporter quelques heures ce lion pour qui elle n'éprouve aucune affection mais plutôt de l'aversion.
Comme le silence s'installe de nouveau, Princesse Paresse se décrispe et s'étend calmement sur le dos. Cela fait trop longtemps qu'elle a quitté son lit. Cette journée agitée est à mourir d'ennui !
À l'heure du dîner, elle fait honneur à son invité en faisant dresser la table avec ses couverts argentés. Mais à chaque plat servi, le Lion trouve que la nourriture est trop ceci ou trop cela. Il lui faut de la quantité pour lui donner de l'énergie !
Princesse Paresse ignore ses réflexions sinon elle risque de provoquer une explosion. Ce lion est impoli. D'ailleurs c'en est trop, il vient de monter sur ses longues tresses. Elle ne peut le laisser se comporter de la sorte, la moutarde lui monte au nez et lui donne une idée !
Princesse Paresse décide de ne compter que sur elle-même pour régler l'énorme problème poilu.
« Il a besoin d'énergie ? Eh bien il va en avoir ! » pense malicieusement Princesse Paresse.
Elle prie le Lion de l'excuser, puis elle se précipite dans les cuisines. Le cuisinier étonné par cette intrusion en reste baba. Il n'a jamais vu ça ! Princesse Paresse ici ! Bien décidée, elle s'empare d'une saucisse qu'elle entaille et dans laquelle elle met une sauce agrémentée de piments. Tout autour, elle garnit l'assiette avec des tonnes de frites sauvagement salées.
— Préparez-vous, il va y avoir de l'action ! chantonne le cuisinier complètement sidéré.
Badaboum est dispensé du service car c'est à chaque fois catastrophique. C'est Princesse Paresse elle-même qui, avec le chariot à roulette, s'occupe d'apporter les plats d'une manière raffinée. À peine a-t-elle soulevé la cloche de l'assiette que le Lion a tout gobé sans en laisser une miette.
Mais que se passe-t-il ? Le Lion se lève si vite que sa chaise bascule. Il crie :
— Au feu !
Il devient rouge comme une fraise poilue. Il ouvre sa bouche en crachotant. Bref, on dirait un dragon qui a perdu la raison. Il court tellement vite qu'il disparaît à l'horizon et se jette droit dans le bassin à poissons.
Dans la cuisine c'est la fête. On n'en peut plus tellement on se tord de rire. Badaboum se roule à terre et le cuisinier est en pleurs, la situation est irrésistible.
Princesse Paresse rit aux éclats, elle est heureuse du succès de son plan et d'être enfin débarrassée de ce goujat qui vient de prendre son deuxième bain de la journée. Éreintée, elle laisse tomber son châle tout près de son chevet puis retourne s'allonger sans se dépêcher. Le souffle long et les membres relaxés, elle réalise qu'elle ne s'est jamais sentie si bien.
— Après l'effort le réconfort dit-on ? La personne responsable de ce dicton a raison !
Malgré son air endormi et son allure ramollie, elle sait désormais comment procéder si quelqu'un l'ennuie, car, souviens-toi de ceci :
Princesse Paresse, jamais ne se presse, Princesse Paresse, jamais ne se laisse monter sur les tresses, parce que Princesse Paresse sait quand il le faut, se bouger les fesses !
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