Toute histoire commence un jour, quelque part. Maman, quand tu liras celle-là, je serai très loin de toi. Alors je veux que tu me promettes que tout ce que je m’apprête à te dire ici restera entre nous deux. À l’heure où je t’écris cette lettre, je suis déjà loin. Très loin. Et je le regrette. Crois-moi. La police me recherchait. Alors, je n’avais eu d’autres choix que de partir. Dans ma fuite, je n’avais eu la chance d’apporter qu’une corde. Cette affaire de corde, je t’expliquerai plus tard. Mais en attendant, je dois te dire que j’ai pleinement conscience de toutes les peines que je t’ai causées. Et jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas si c’est réellement moi qui ai tué mon ami Philippe. Mais quoique l’on puisse te raconter, sache tout simplement que ton fils t’aime de tout son cœur. Je ne savais pas que ça aurait pu arriver jusque-là. Non. Les choses prennent parfois des tournures imprévues. La vie est tellement drôle ! Tu me l’as dit toi-même un soir. Tout a commencé ce jour-là, lorsque Philippe m’a proposé de passer voir quelqu’un après les cours. J’ai tout de suite accepté, car Philippe c’est mon meilleur ami. Je lui fais confiance. Du moins, on se fait confiance. 14h 30. Nous avions laissé la cour de l’école et longé l’avenue Christophe. Le soleil brillait de tout son éclat. La ville toute entière, à cette heure de la journée, courbait sous un vacarme infernal. Quelques minutes de marche. Après quoi nous avions détourné par une impasse. Un vrai labyrinthe où des gens se blottissent les uns contre les autres. Tous ces détours m’ont parus inhabituels mais je ne lui ai pas demandé où nous allions. Car je lui fais confiance. Philippe, il est plus âgé que moi. Et il est très connu à l’école pour être le gars qui ne se laisse jamais faire. Mais toi maman, tu me disais souvent de ne pas avoir pour ami un gosse qui allie école et boites de nuit. Nous étions différents lui et moi, certes, mais souvent les différences renforcent les amitiés. Pardonne-moi maman de le penser ainsi !
Quand nous étions arrivés devant une petite barrière en bois, j’avais remarqué trois autres garçons qui nous attendaient à l’intérieur. Eux aussi en uniformes. Philippe les fit signe. Ils nous ont fait entrés dans une petite pièce mal entretenue qui donnait sur le Champs-de-Mars. Et Jusque-là, je n’ai même pas osé demander à Philippe la raison de notre présence en ces lieux incongrus. Puisqu’il est mon meilleur ami. Puisque je lui fais confiance. « Les bons amis doivent se faire confiance » me suis-je dit.
Pardonne-moi maman.
-Tu l’as apporté Boss ? Demanda l’un des garçons à Philippe.
Ce dernier, l’air décontracté, ouvrait sa valise et en sortait deux paquets dont l’un contenait des feuilles séchées et l’autre des espèces de petits grains. Tout à coup, j’ai eu l’impression d’avoir déjà vu ce genre de chose quelque part. C’était dans un vidéoclip que Philippe m’avait fait voir, me suis-je rappelé, dans lequel un chanteur parlait de la Marijuana, de cocaïne, de joints etc...
Ma présence impromptue semblait gêner les autres garçons. Alors pour dissiper doutes et inquiétudes Philippe leur a expliqué que j’étais son ami. Qu’il m’avait amené pour faire le « truc » ensemble. J’étais content, car à l’école tout le monde voulait être l’ami de Philippe. Il vient à l’école en voiture et son père est propriétaire de magasin en ville.
Tous quatre, ils ont commencé leur ouvrage. Moi, j’avais préféré les regarder. Après un instant, l’un d’entre eux s’était avancé vers moi pour me confier que ça lui permettait de voir « plus clair ». D’être « plus sage ». Que [...] c’était comme si on flottait au-dessus des nuages. Le monde, les océans, les gratte-ciels, les bidonvilles seraient à mes pieds [...]. Philippe, de son côté, m’a expliqué que c’était aussi bon pour étudier. J’ai refusé. Debout près de la porte comme si je venais de débarquer sur Mars, je les regardais fermer les yeux et pousser voluptueusement la blanche fumée traçant des cercles qui tournoyaient dans l’air. Ils paraissaient n’être plus de ce monde. Fallait voir ça maman ! En transe, ils poussaient des gloussements de plaisir. Ils semblaient nager sur des vagues dans un bonheur extatique. Une béatitude infinie. Brusquement, j’ai senti comme des crampes chatouillant ma chair. Pourquoi ne pas faire comme eux ? Après tout, je ne serais pas le premier jeune à le faire. Et sans demander je m’étais mis aussi à faire comme eux car, si grande était la tentation. Pour commencer, j’ai toussé. J’aurais dû tout de suite abandonner, maman. Je sais. Mais au fur et à mesure que j’absorbais et relâchais la fumée, je me sentais assez fort pour dompter les vagues de l’océan. La petite pièce délabrée, cette après-midi-là, était devenue notre part de ciel avec sa part de nuages. Et nous naviguions, tous les cinq, vers d’autres galaxies encore plus prometteuses. Et tu sais quoi maman ? Depuis ce premier jour, J’avais constamment accompagné Philippe dans cette même pièce, après les cours. Car elle était devenue notre Olympe. Notre paradis à nous. « Tout le monde doit créer son propre paradis » disait toujours Philippe. Et je lui disais toujours que c’était vrai. Haaa ! Qu’est ce qu’il me manque ce bon vieux Philippe ! Pardonne-moi, gentille petite maman.
Le jour quand je suis parti pour ne plus revenir à la maison, je me rappelle avoir accompagné Philippe, comme tous les autres jours. Et comme tous les autres jours, les trois autres garçons étaient là. Ils brûlaient d’impatience. Comme si, par une vision prémonitoire, ils savaient que la porte du paradis allait être fermée pour toujours. À l’intérieur, Philippe avait ouvert son sac d’école et fait sortir les deux paquets, comme tous les autres jours. Et nous nous étions mis à fumer de la Marijuana, les yeux fermés. La tête ailleurs. Nos sacs d‘école éparpillés dans la petite pièce. Nous avions déjà chevauché quelques étoiles. Nous avions déjà eu quelques trous de mémoires. Moi par exemple, j’avais déjà oublié que toi, maman, tu n’avais qu’un fils. On a presque tout oublié. Jusqu’à ce que Philippe soit étendu sur le sol, un trou dans la tête. Jusqu’à ce que l’un des gars se sauve par la porte de derrière. Aujourd’hui, J’ai encore l’impression que tout aurait terminé comme d’habitude si Philippe ne m’avait pas violemment bousculé pour l’avoir tapé sur l’épaule. Et c’est la dernière chose dont je me rappelle de ce vendredi après-midi. Cette violente bousculade à faire crever les poumons. Jusqu’à ce jour quand je me suis réveillé dans ces égouts puants.
Tu dois me croire, maman. C’est la vraie version des faits. Du moins, à ce que je sache. L’inspecteur de Police te parlera de moi comme d’un vulgaire assassin. Un drogué. Plusieurs fois échappé à la Police. Je sais. Je sais. Mais il ne te dira pas que la drogue ça se trouve partout. Comme l’air. Moi et mes copains ne l’avons pas fait venir de la Colombie. Voyons ! N’importe qui peut en trouver en un claquement de doigts. Les policiers, ils le savent. La question que je me pose c’est : Pourquoi ne canalisent-ils pas leurs énergies dans la lutte contre le trafic illicite de stups au lieu de s’intéresser autant à moi ? Après tout, en quoi pourrais-je leur être utile au juste ? Parce que je vais gueuler ma culpabilité aux quatre coins du monde ou parce que je vais les aider à empêcher l’infiltration des drogues à la frontière Haïtiano-dominicaine ?
Petit a) Je ne me rappelle pas avoir tué Philippe. Petit b) Que la Police me laisse tranquille.
Maman, je suis le seul responsable de ce qui m’est arrivé, sache-le. Je sais que c’est dur pour toi d’avoir à supporter tout ça mais je sens un pressant besoin de tout te dire aujourd’hui. J’avais accompagné Philippe dans des boîtes de nuits. J’allais dans des séances orgiaques qu’il organisait chez lui en absence de ses parents. Et je suis désolé de te dire que c’était moi lorsque toutes tes économies du mois ont mystérieusement disparues. Je m’en étais servi pour acheter de la Marijuana. C’était encore moi quand la maison du voisin a été cambriolée. C’était moi quand....
Je veux juste libérer ma conscience. Pardon. Tu ne voulais pas ça pour ton unique fils. Pardonne-moi de t’avoir mentie à chaque fois que je suis rentré tard à la maison. Pour cette fois aussi, quand je t’ai frappée à la tête. C’était la drogue. Pardonne-moi pour t’avoir abandonnée à l’hôpital ce soir-là. Pardonne-moi pour tes larmes. Je pleure à chaque fois que je pense à toutes les promesses que je t’avais faites, maman. Je veux que tu saches que tous les jours je parle au soleil et la nuit aux étoiles. Je leur demande de te protéger et sécher tes larmes. Je voudrais te dire aussi que tu me manques énormément.
Je dois terminer cette lettre, maman. Quand mon père sera de retour du Chili, dis-lui que je suis désolé. Je garde avec moi une Photo de votre mariage. Car de toute façon nous ne nous reverrons plus jamais. Car la corde dont je t’ai parlée, ce sera ma seule et dernière compagne dans ce long voyage.
Je t’aime
Quand nous étions arrivés devant une petite barrière en bois, j’avais remarqué trois autres garçons qui nous attendaient à l’intérieur. Eux aussi en uniformes. Philippe les fit signe. Ils nous ont fait entrés dans une petite pièce mal entretenue qui donnait sur le Champs-de-Mars. Et Jusque-là, je n’ai même pas osé demander à Philippe la raison de notre présence en ces lieux incongrus. Puisqu’il est mon meilleur ami. Puisque je lui fais confiance. « Les bons amis doivent se faire confiance » me suis-je dit.
Pardonne-moi maman.
-Tu l’as apporté Boss ? Demanda l’un des garçons à Philippe.
Ce dernier, l’air décontracté, ouvrait sa valise et en sortait deux paquets dont l’un contenait des feuilles séchées et l’autre des espèces de petits grains. Tout à coup, j’ai eu l’impression d’avoir déjà vu ce genre de chose quelque part. C’était dans un vidéoclip que Philippe m’avait fait voir, me suis-je rappelé, dans lequel un chanteur parlait de la Marijuana, de cocaïne, de joints etc...
Ma présence impromptue semblait gêner les autres garçons. Alors pour dissiper doutes et inquiétudes Philippe leur a expliqué que j’étais son ami. Qu’il m’avait amené pour faire le « truc » ensemble. J’étais content, car à l’école tout le monde voulait être l’ami de Philippe. Il vient à l’école en voiture et son père est propriétaire de magasin en ville.
Tous quatre, ils ont commencé leur ouvrage. Moi, j’avais préféré les regarder. Après un instant, l’un d’entre eux s’était avancé vers moi pour me confier que ça lui permettait de voir « plus clair ». D’être « plus sage ». Que [...] c’était comme si on flottait au-dessus des nuages. Le monde, les océans, les gratte-ciels, les bidonvilles seraient à mes pieds [...]. Philippe, de son côté, m’a expliqué que c’était aussi bon pour étudier. J’ai refusé. Debout près de la porte comme si je venais de débarquer sur Mars, je les regardais fermer les yeux et pousser voluptueusement la blanche fumée traçant des cercles qui tournoyaient dans l’air. Ils paraissaient n’être plus de ce monde. Fallait voir ça maman ! En transe, ils poussaient des gloussements de plaisir. Ils semblaient nager sur des vagues dans un bonheur extatique. Une béatitude infinie. Brusquement, j’ai senti comme des crampes chatouillant ma chair. Pourquoi ne pas faire comme eux ? Après tout, je ne serais pas le premier jeune à le faire. Et sans demander je m’étais mis aussi à faire comme eux car, si grande était la tentation. Pour commencer, j’ai toussé. J’aurais dû tout de suite abandonner, maman. Je sais. Mais au fur et à mesure que j’absorbais et relâchais la fumée, je me sentais assez fort pour dompter les vagues de l’océan. La petite pièce délabrée, cette après-midi-là, était devenue notre part de ciel avec sa part de nuages. Et nous naviguions, tous les cinq, vers d’autres galaxies encore plus prometteuses. Et tu sais quoi maman ? Depuis ce premier jour, J’avais constamment accompagné Philippe dans cette même pièce, après les cours. Car elle était devenue notre Olympe. Notre paradis à nous. « Tout le monde doit créer son propre paradis » disait toujours Philippe. Et je lui disais toujours que c’était vrai. Haaa ! Qu’est ce qu’il me manque ce bon vieux Philippe ! Pardonne-moi, gentille petite maman.
Le jour quand je suis parti pour ne plus revenir à la maison, je me rappelle avoir accompagné Philippe, comme tous les autres jours. Et comme tous les autres jours, les trois autres garçons étaient là. Ils brûlaient d’impatience. Comme si, par une vision prémonitoire, ils savaient que la porte du paradis allait être fermée pour toujours. À l’intérieur, Philippe avait ouvert son sac d’école et fait sortir les deux paquets, comme tous les autres jours. Et nous nous étions mis à fumer de la Marijuana, les yeux fermés. La tête ailleurs. Nos sacs d‘école éparpillés dans la petite pièce. Nous avions déjà chevauché quelques étoiles. Nous avions déjà eu quelques trous de mémoires. Moi par exemple, j’avais déjà oublié que toi, maman, tu n’avais qu’un fils. On a presque tout oublié. Jusqu’à ce que Philippe soit étendu sur le sol, un trou dans la tête. Jusqu’à ce que l’un des gars se sauve par la porte de derrière. Aujourd’hui, J’ai encore l’impression que tout aurait terminé comme d’habitude si Philippe ne m’avait pas violemment bousculé pour l’avoir tapé sur l’épaule. Et c’est la dernière chose dont je me rappelle de ce vendredi après-midi. Cette violente bousculade à faire crever les poumons. Jusqu’à ce jour quand je me suis réveillé dans ces égouts puants.
Tu dois me croire, maman. C’est la vraie version des faits. Du moins, à ce que je sache. L’inspecteur de Police te parlera de moi comme d’un vulgaire assassin. Un drogué. Plusieurs fois échappé à la Police. Je sais. Je sais. Mais il ne te dira pas que la drogue ça se trouve partout. Comme l’air. Moi et mes copains ne l’avons pas fait venir de la Colombie. Voyons ! N’importe qui peut en trouver en un claquement de doigts. Les policiers, ils le savent. La question que je me pose c’est : Pourquoi ne canalisent-ils pas leurs énergies dans la lutte contre le trafic illicite de stups au lieu de s’intéresser autant à moi ? Après tout, en quoi pourrais-je leur être utile au juste ? Parce que je vais gueuler ma culpabilité aux quatre coins du monde ou parce que je vais les aider à empêcher l’infiltration des drogues à la frontière Haïtiano-dominicaine ?
Petit a) Je ne me rappelle pas avoir tué Philippe. Petit b) Que la Police me laisse tranquille.
Maman, je suis le seul responsable de ce qui m’est arrivé, sache-le. Je sais que c’est dur pour toi d’avoir à supporter tout ça mais je sens un pressant besoin de tout te dire aujourd’hui. J’avais accompagné Philippe dans des boîtes de nuits. J’allais dans des séances orgiaques qu’il organisait chez lui en absence de ses parents. Et je suis désolé de te dire que c’était moi lorsque toutes tes économies du mois ont mystérieusement disparues. Je m’en étais servi pour acheter de la Marijuana. C’était encore moi quand la maison du voisin a été cambriolée. C’était moi quand....
Je veux juste libérer ma conscience. Pardon. Tu ne voulais pas ça pour ton unique fils. Pardonne-moi de t’avoir mentie à chaque fois que je suis rentré tard à la maison. Pour cette fois aussi, quand je t’ai frappée à la tête. C’était la drogue. Pardonne-moi pour t’avoir abandonnée à l’hôpital ce soir-là. Pardonne-moi pour tes larmes. Je pleure à chaque fois que je pense à toutes les promesses que je t’avais faites, maman. Je veux que tu saches que tous les jours je parle au soleil et la nuit aux étoiles. Je leur demande de te protéger et sécher tes larmes. Je voudrais te dire aussi que tu me manques énormément.
Je dois terminer cette lettre, maman. Quand mon père sera de retour du Chili, dis-lui que je suis désolé. Je garde avec moi une Photo de votre mariage. Car de toute façon nous ne nous reverrons plus jamais. Car la corde dont je t’ai parlée, ce sera ma seule et dernière compagne dans ce long voyage.
Je t’aime