Pour l'honneur des bredeles!

Tout a commencé avec une lettre recommandée un lundi matin de mars alors que je venais juste d’ouvrir ma boutique...
Ma boutique, ma fierté. Je l’ai ouverte sur un coup de tête, sur l’insistance de mes amies et ma famille qui me tannaient depuis des années pour que je crée ma petite entreprise de spécialités alsaciennes. Passionnée de cuisine et de l’Alsace c’était une évidence pour moi , c’est ainsi qu’est née Les délices de Schmoutz. J’ai acheté il y a 3 ans un petit local appartenant à la commune à l’entrée de la ville de Fatamcévanaur, en Alsace bien évidemment, où je vends du lundi au samedi des bredeles, manneles, bretzels, kougelhopfs,.. faits maison. La vente en ligne et mon blog très suivi via les réseaux sociaux me permettent également d’expédier mes délices dans toute la France et même en Allemagne et Belgique. Je propose aussi ponctuellement mes talents de traiteur pour différents événements les week end, mariages, baptêmes, anniversaires,...

Mais revenons à ce courrier.
Je fus très étonnée quand je vis qu’il venait du conseil régional et choquée quand j’en découvris le contenu. On m’informait que la vente conclue avec la mairie pour mon local n’était en réalité pas conforme , que le maire de l’époque n’avait pas le droit de me le céder car il n’appartenait pas à la commune. Le local allait être repris pour accueillir une chaîne de fast food. On me laissait une chance: verser 150 000€ sous 3 mois pour l’acquérir alors que j’avais déjà versé 100 000€ à l’époque et que je remboursais encore le crédit.
J’étais anehantie. Je contactais en toute hâte mon amie avocate Amandine pour lui exposer le problème. Malheureusement après s’être renseignée et démenée pour trouver une solution elle m’apprit qu’à part me lancer dans des procédures longues et coûteuses, sans garantie d’avoir gain de cause, je n’avais d’autre choix , bien que ce soit terriblement injuste, que d’acheter à nouveau ma boutique. Ce que je ne pouvais financièrement pas faire...
Je voyais le rêve de toute une vie s’effondrée.

Mon amie Cécile, Alsacienne tout comme moi et jamais avare de bonnes idées, proposa de créer une cagnotte en ligne pour essayer d’obtenir la somme manquante. Nouvelle déception. Après 15 jours on n’avait récolté que 2000€. A ce moment là l’espoir disparut totalement, je ne voyais plus d’issue.
Mais un matin, après une énième nuit sans sommeil, j’eus une illumination et je me dis « Aurore tu ne peux pas te laisser faire comme ça et abandonner aussi facilement! ». J’avais entendu parler à maintes reprises de personnes à bout qui faisaient des grèves de la faim pour se faire entendre et j’eus l’idée de me faire entendre également mais par un autre moyen. J’allais sillonner l’Alsace pour faire entendre ma voix, interpeller les habitants, les politiques, les administrations,..
Et pour cela j’allais me lancer dans un tour d’Alsace en courant. Moi qui n’avais pas fait de sport depuis 10 ans , j’allais relever un véritable défi.
Pour cela je comptais sur mon amie Fatima pour me concocter un programme d’entraînement draconien dont elle seule a le secret afin d’être prête en 1 mois pour avaler les quelques 1000 kilomètres de mon périple qui allait durer 5 semaines.

Le grand jour arriva... Je m’élançai vers ma première destination la rage au ventre et accompagnée de mes amies Vanessa et Aurélia qui me suivraient tout au long du parcours dans le van qui allait également me servir de maison pendant ces quelques semaines.
Je l’ignorais mais Cécile avait relayé mon aventure aux radios locales et journaux et faisait le point chaque jour sur mon aventure sur les réseaux sociaux.
De plus en plus de monde m’attendait à chaque étape.
Tour à tour des enfants à vélo, des coureurs, des curieux faisaient avec moi un petit bout de chemin , tout comme les cigognes qui semblaient m’encourager à défendre mon honneur.

Les premiers 100 kilomètres furent un peu difficiles, plus d’une fois j’avais failli abandonné mais soutenue par mes amies je persistai et le reste du parcours me donna raison.
Je découvrais ma région comme je ne l’avais jamais vue , la beauté de ses paysages, ses maisons à colombage, son architecture atypique,... tout ce que je voyais chaque jour mais que je ne regardais plus vraiment. Des centaines de kilomètres et autant de rencontres extraordinaires me confortèrent encore une fois dans l’idée d’aller au bout de ce périple et de me battre pour garder ma petite boutique. J’étais chez moi et j’y resterais!

Mon parcours à travers Wissembourg, Pfaffenhoffen ,Haguenau, Strasbourg, Ebersmunster, Pfastatt, Guebwiller, Altkirch, Munster, Scherwiller , Molsheim, Linchtenberg, noms imprononçables pour le commun des mortels mais qui résonnaient comme une douce musique à mes oreilles, s’acheva fin mai avec mon retour à Fatamcévanaur. Là plus de 200 personnes m’attendaient , j’étais stupéfaite. Mon histoire avait eu un retentissement national.
On m’applaudissait, me félicitait, j’avais relevé ce défi pour moi et c’est tout une région qui me soutenait. J’appris plus tard que nombre d’alsaciens avaient écrit aux préfets, au conseil régional, départemental, au maire, même au président de la république pour prendre fait et cause pour moi.
Un homme en costume cravate s’avança vers moi et se présenta. C’était le président du conseil régional en personne. Je sentis la colère montée en moi , prête à répondre sèchement à celui qui représentait mon rêve déchu. Mais avant même que j’ai pu prononcé un mot il me tendit un document, la région me laissait finalement la boutique pour 1 euro symbolique. Il m’expliqua que ma situation l’avait touché, que ma volonté de me battre pour garder ma petite boutique alsacienne l’avait convaincu et qu’il aimerait qu’il y ait plus de petites entreprises comme la mienne.

Je mis du temps à réaliser ce que j’avais entrepris...

Aujourd’hui ma petit boutique est toujours ouverte et j’en suis fière.
Je ne remercierai jamais assez toutes les personnes qui m’ont soutenue et en particulier mes amies. L’amour ça peut nous faire déplacer des montagnes même les montagnes alsaciennes.