Pluie

Il a pris ma main et nous courons à perdre haleine. Nous avons réussi en passant par les traboules du centre-ville à semer le molosse qui nous poursuivait.
Nous arrivons place d'Italie dans cette ville que je connais bien et où nous habitons tous les deux .
En reprenant notre souffle nous rions de soulagement après la grande peur que nous avons eu pour ce berger allemand qui sans raison en voulait à nos mollets.
Il est là. Il n'a jamais été aussi près de moi, ses yeux noirs m'hypnotisent.
- Viens, nous lui avons échappé, mais regarde, l'orage arrive, il faut nous mettre à l'abri.
 
En effet, l'obscurité est arrivée d'un coup et avec elle le froid. 
Je grelotte dans ma petite robe à bretelles. Avec galanterie, il pose sa veste sur mes épaules. Des aboiements proches me font me retourner avec appréhension. Non c'est juste un chihuahua dans les bras de sa maîtresse.
Lorsque je me retourne à nouveau, il a disparu. Je prends mon téléphone qui s'éteint d'un coup. La panique me gagne. De grosses gouttes commencent à tomber. J'avance sans savoir où je vais, je crie son prénom, les gens courent se mettre à l'abri.  L'ombre du théâtre Charles Dullin m'avale.
Que faire ? Mes larmes se mélangent à la pluie qui coule sur mes joues. Je mets mes mains glacées dans la poche de sa veste.
Tiens qu'est-ce que c'est ? Un papier froissé, je le lisse, je lis :
« Dans l'eau les traces s'effacent... retrouve moi grâce à elle »
Une blague ? Une énigme ? Que veut dire cette phrase ? M'est-elle destinée ?
Ma curiosité l'emporte sur la peur. Je décide de partir à sa recherche.
La pluie continue de tomber. On dirait que le ciel a décidé de se poser par terre.  Les flaques d'eau d'aspects bizarres semblent m'orienter dans un jeu de piste comme autant d'empreintes. La phrase lue m'obsède à chaque pas.
 « Dans l'eau, les traces s'effacent... » Qu'est que ça veut dire ?  Pourquoi et quelle eau peut m'aider à le rejoindre ? 
Je longe les quais de la Leysse, les eaux sont gonflées par l'orage.
Où est-il ? Je ne reconnais plus l'endroit où je suis .
La pluie cesse, le soleil perce déjà à travers les nuages et se reflète dans les flaques... oui...  En forme de flèches !
Au loin, à côté de la Fontaine des Eléphants surmontée de la statue du Général de Boigne, une silhouette attire mon regard.
Ses cheveux châtains dépassant de sa capuche rabattue, bras croisés, je le reconnais. Je hurle son nom, il relève la tête, sourire aux lèvres.
Je cours, ses bras s'ouvrent. Un grand soupir de soulagement au milieu de mes larmes de bonheur... et de colère !
-         Enfin je peux admirer l'eau de tes yeux, me dit-il d'une voix douce.
 Puis il ajoute, énigmatique :
-          Il faut toujours laisser des traces, non des preuves. Seules les traces font rêver.
Je lui réponds avec force :
      -    Pourquoi m'as-tu fait ça ?  
Son regard se pose sur moi comme une caresse 
-         Pour que... Dring !  6h30 : Le réveil me fait subitement revenir à la réalité. 
 
7h45 devant le portail du collège :  Mes pensées sont encore remplies du scénario de ma nuit. La pluie tombe doucement. 
Il est là, toujours aussi beau. Pour la première fois il me fait signe de venir vers lui.
      -    Attends, j'ai quelque chose à te dire. J'ai fait un drôle de rêve...
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