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Je n'ai jamais aimé l'aube et encore moins devoir me lever de bonne heure ; les rares fois où j'ai dû me plier à cette sinistre corvée j'ai ressenti, à ce moment-là, un effroi véritable qui ressemble – toutes choses étant relatives –, à celui du condamné à mort qu'on vient chercher au petit matin pour le conduire à l'échafaud et, comme lui, j'ai la nausée au bord des lèvres, je tiens à peine debout et maudis la raison pour laquelle je me trouve dans cette pénible obligation de sortir de mon lit, havre de paix, chaleur douillette, même si cette raison n'est en rien comparable à celle du prisonnier traîné vers sa mort, je ressens, à ce moment-là, l'injustice d'un destin qui m'oblige à pénétrer dans une salle de bains glacée et alors que, grelottant, mes mains refusent de m'aider à me raser et à m'habiller, une tristesse absolue me terrasse, tristesse qui me poursuit quand, enfin, je parviens à sortir de chez moi et affronte la rue et les faces laides de mes congénères, certaines encore bouffies de sommeil, d'autres pâles comme si un vampire les avait vidées de leur sang, passants fatigués d'une nuit qui aurait dû leur apporter le repos mais qu'on a arrachés trop tôt à leurs rêves ou trop tard à leurs cauchemars, vision d'horreur qui me poursuivra toute la journée me gâchant irrémédiablement à l'avance toute la gaîté et la joie que j'aurais pu ressentir en me levant vers midi, quand le soleil est à son zénith, que la vie grouille dans la brasserie que je fréquente et que le garçon vient me servir mon jus d'orange et un café serré alors que de pauvres hères, déjà à moitié épuisés par leur matinée de travail, mangent le plat du jour, pendant que je me perds dans leur contemplation, satisfait d'échapper à leur enfer et bien décidé à ne jamais connaître pareil supplice qu'un lever à sept heures, voire six heures du matin et bien décidé à n'apercevoir de l'aube que ce que je devine l'été quand le jour se lève de bonne heure et que je rentre chez moi après une nuit de travail au cours de laquelle j'ai pu me consacrer à ma passion qui consiste à noircir des feuillets et écrire ce qui me passe par la tête dans un silence total entouré des présences bienveillantes, immobiles et muettes de la morgue dont je suis le gardien de nuit.
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