« – Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. » dixit Djangalo Karidioula.
Une lueur transcenda l'entrebâillement de la porte, se faufila et éclaira un assemblage de bois. Serti de fleurs, le bois doré s'étendait sur un mètre quatre-vingts centimètres environs.
Ce n'était pas un simple assemblage de bois, il s'agissait d'un cercueil qui contenait la dépouille mortelle de Djangalo, le plus grand contestataire de la ville. Celui qui avait passé le reste de sa vie à nier l'existence d'un petit virus qui faisait des dégâts de grand.
Dans la salle funèbre, une femme fit son entrée en trombe, s'accouda sur le cercueil, et versa une avalanche de larmes. Les yeux rouges et cernés, la mine défaite et la tignasse éparse, Claire la femme de Djangalo était déboussolée.
— Pourquoi chéri, pourquoi toi ? lâcha-t-elle entre quelques sanglots.
C'est elle, qui la première, avait attiré son attention sur le danger qu'il risquait, en ne respectant pas les mesures édictées pour éviter la maladie due au virus : la maladie à Coronavirus.
En tant qu'épouse et mère, elle savait alerter sa petite famille quand il le fallait. C'est elle qui s'était occupée de lui pendant ses derniers jours sur Terre.
En tant que médecin, elle avait placé Djangalo sous la responsabilité d'un confrère avec qui elle s'enquérait quotidiennement de son état d'évolution.
Pendant que Claire continuait de ressasser les moments empreints d'amour et de peine vécus avec son époux, une jeune fille se retira de l'attache manuelle de sa tante et accouru vers elle.
— Papa ! cria-t-elle, ne nous laisse pas toutes seules. S'il te plaît papa ! Dis-nous que tu ne fais que dormir et nous reviendrons te réveiller un peu plus tard. N'est-ce pas que tu as dit que tu n'aimais pas qu'on te dérange pendant ton sommeil ?
Lorsque la jeune adolescente, de quatorze ans, voulut s'approcher davantage de la dépouille mortelle de son père, des hommes vêtus de noir l'en empêchèrent aussitôt. C'était interdit. Elle retourna près de sa mère, les yeux mouillés.
Un jour, Claire tendit à Djangalo un carton de masque. Ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait. Cette fois-là, il décida d'en faire un collier, histoire de narguer son épouse à qui il n'avait cessé de répéter que ce genre de chose n'était utile que pour les caucasiens.
Son épouse accepta son choix mais lui proposa d'autres alternatives comme se laver fréquemment les mains ou la pratique de tousser ou éternuer dans coude pour éviter de propager des gouttelettes contaminées. Il rétorqua qu'un virus invisible n'avait pas besoin d'autant d'attention.
Un autre jour, la fille de Djangalo confia à son père qu'elle et ses camarades de classe avaient été sensibilisés sur l'importance de se faire vacciner.
Claire soutint les propos de leur fille. Elle qui était médecin savait combien le vaccin permettait d'éviter de faire des formes graves de la maladie.
Se sentant attaqué de part et d'autre, Djangalo, sur un ton ferme et menaçant, souffla qu'il ne voulait plus les reprendre en train de lui faire la morale. Il punit sa fille et l'interdit de se faire vacciner advienne que pourra et bouda sa femme pendant un moment.
En vérité, tout était allé si vite que Djangalo avait adopté une position toute aussi téméraire.
À la manière de l'apparition brusque de la maladie, de nombreuses théories avaient été conçues. Des plus recevables aux plus farfelues.
Comme Djangalo, chacun s'était accroché à la théorie qui lui semblait la plus juste. Les plus instruits n'y avaient pas échappé non plus.
On avait entendu des médecins, des professeurs, des instituteurs, qui disaient des contre-vérités sur l'efficacité du vaccin.
Djangalo avait choisi le mauvais camp, et la mauvaise théorie.
Il croyait dur comme pierre que cette pandémie n'était qu'une histoire inventée de toutes pièces pour enrichir le gouvernement. Et le vaccin, ce vaccin de merde, ce prétendu puissant moyen de prévention n'était ou ne devait être qu'un moyen de plus que les États avaient mis en place pour manipuler les humains à leur guise.
Instituteur, lorsqu'il finissait de donner ses cours, il passait le clair de sa journée à fureter les journaux à la recherche d'une idée ou d'une pensée qui le conforterait dans sa position.
Toutes positions contraires étaient rapidement repoussées.
Lorsque la maladie s'empara de Djangalo, dès les premiers symptômes, sa femme sur un ton catégorique lui conseilla de se faire hospitaliser pour le bien de leur fille surtout. Pour une fois, depuis l'apparition de cette maladie, il écouta sa femme.
Les symptômes s'étaient rapidement aggravés et son état empira. Il était devenu grabataire.
Les quintes de toux, la respiration bruyante et pénible et les douleurs thoraciques faisaient désormais partie de son quotidien.
À ce moment, il savait au for intérieur qu'il n'avait plus longtemps à vivre.
Sur son lit d'hôpital, il demanda à sa femme et à sa fille de lui pardonner ses erreurs et manquements. Il s'excusa pour les vies de toutes ces personnes qu'il avait indirectement mises en danger par ses propos irrationnels.
Une, puis deux, et enfin trois gouttes de larmes glissèrent timidement sur les joues de Djangalo avant de choir dans le masque qu'il portait comme un collier. Puis il mourut.
Un monsieur en costume s'approcha tout doucement de l'épouse de Djangalo qui continuait de consoler sa fille dans la salle funèbre. Il lui tapota légèrement les épaules, et lui remis deux enveloppes.
La première contenait un papier noirci de mots. À sa lecture, Claire versa encore des lames.
« Le choix de la prévention, c'est le choix de la vie et je n'ai pas su faire ce choix.»
avait signé Djangalo Karidioula.
La deuxième enveloppe contenait un masque, celui que portait son mari comme un collier pour la narguer. Ce masque avait été le témoin auditif et oculaire de ce que Djangalo avait fait et enduré dans les derniers instants de sa vie.
C'était moi, ce masque ! C'est moi le masque, qui ai vu Djangalo agoniser sur son lit d'hôpital, qui ai entendu son dernier soupir, qui lui aurait épargné de la maladie à Covid-19, ce petit maître, si et seulement s'il m'avait porté quand il le fallait.
Une lueur transcenda l'entrebâillement de la porte, se faufila et éclaira un assemblage de bois. Serti de fleurs, le bois doré s'étendait sur un mètre quatre-vingts centimètres environs.
Ce n'était pas un simple assemblage de bois, il s'agissait d'un cercueil qui contenait la dépouille mortelle de Djangalo, le plus grand contestataire de la ville. Celui qui avait passé le reste de sa vie à nier l'existence d'un petit virus qui faisait des dégâts de grand.
Dans la salle funèbre, une femme fit son entrée en trombe, s'accouda sur le cercueil, et versa une avalanche de larmes. Les yeux rouges et cernés, la mine défaite et la tignasse éparse, Claire la femme de Djangalo était déboussolée.
— Pourquoi chéri, pourquoi toi ? lâcha-t-elle entre quelques sanglots.
C'est elle, qui la première, avait attiré son attention sur le danger qu'il risquait, en ne respectant pas les mesures édictées pour éviter la maladie due au virus : la maladie à Coronavirus.
En tant qu'épouse et mère, elle savait alerter sa petite famille quand il le fallait. C'est elle qui s'était occupée de lui pendant ses derniers jours sur Terre.
En tant que médecin, elle avait placé Djangalo sous la responsabilité d'un confrère avec qui elle s'enquérait quotidiennement de son état d'évolution.
Pendant que Claire continuait de ressasser les moments empreints d'amour et de peine vécus avec son époux, une jeune fille se retira de l'attache manuelle de sa tante et accouru vers elle.
— Papa ! cria-t-elle, ne nous laisse pas toutes seules. S'il te plaît papa ! Dis-nous que tu ne fais que dormir et nous reviendrons te réveiller un peu plus tard. N'est-ce pas que tu as dit que tu n'aimais pas qu'on te dérange pendant ton sommeil ?
Lorsque la jeune adolescente, de quatorze ans, voulut s'approcher davantage de la dépouille mortelle de son père, des hommes vêtus de noir l'en empêchèrent aussitôt. C'était interdit. Elle retourna près de sa mère, les yeux mouillés.
Un jour, Claire tendit à Djangalo un carton de masque. Ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait. Cette fois-là, il décida d'en faire un collier, histoire de narguer son épouse à qui il n'avait cessé de répéter que ce genre de chose n'était utile que pour les caucasiens.
Son épouse accepta son choix mais lui proposa d'autres alternatives comme se laver fréquemment les mains ou la pratique de tousser ou éternuer dans coude pour éviter de propager des gouttelettes contaminées. Il rétorqua qu'un virus invisible n'avait pas besoin d'autant d'attention.
Un autre jour, la fille de Djangalo confia à son père qu'elle et ses camarades de classe avaient été sensibilisés sur l'importance de se faire vacciner.
Claire soutint les propos de leur fille. Elle qui était médecin savait combien le vaccin permettait d'éviter de faire des formes graves de la maladie.
Se sentant attaqué de part et d'autre, Djangalo, sur un ton ferme et menaçant, souffla qu'il ne voulait plus les reprendre en train de lui faire la morale. Il punit sa fille et l'interdit de se faire vacciner advienne que pourra et bouda sa femme pendant un moment.
En vérité, tout était allé si vite que Djangalo avait adopté une position toute aussi téméraire.
À la manière de l'apparition brusque de la maladie, de nombreuses théories avaient été conçues. Des plus recevables aux plus farfelues.
Comme Djangalo, chacun s'était accroché à la théorie qui lui semblait la plus juste. Les plus instruits n'y avaient pas échappé non plus.
On avait entendu des médecins, des professeurs, des instituteurs, qui disaient des contre-vérités sur l'efficacité du vaccin.
Djangalo avait choisi le mauvais camp, et la mauvaise théorie.
Il croyait dur comme pierre que cette pandémie n'était qu'une histoire inventée de toutes pièces pour enrichir le gouvernement. Et le vaccin, ce vaccin de merde, ce prétendu puissant moyen de prévention n'était ou ne devait être qu'un moyen de plus que les États avaient mis en place pour manipuler les humains à leur guise.
Instituteur, lorsqu'il finissait de donner ses cours, il passait le clair de sa journée à fureter les journaux à la recherche d'une idée ou d'une pensée qui le conforterait dans sa position.
Toutes positions contraires étaient rapidement repoussées.
Lorsque la maladie s'empara de Djangalo, dès les premiers symptômes, sa femme sur un ton catégorique lui conseilla de se faire hospitaliser pour le bien de leur fille surtout. Pour une fois, depuis l'apparition de cette maladie, il écouta sa femme.
Les symptômes s'étaient rapidement aggravés et son état empira. Il était devenu grabataire.
Les quintes de toux, la respiration bruyante et pénible et les douleurs thoraciques faisaient désormais partie de son quotidien.
À ce moment, il savait au for intérieur qu'il n'avait plus longtemps à vivre.
Sur son lit d'hôpital, il demanda à sa femme et à sa fille de lui pardonner ses erreurs et manquements. Il s'excusa pour les vies de toutes ces personnes qu'il avait indirectement mises en danger par ses propos irrationnels.
Une, puis deux, et enfin trois gouttes de larmes glissèrent timidement sur les joues de Djangalo avant de choir dans le masque qu'il portait comme un collier. Puis il mourut.
Un monsieur en costume s'approcha tout doucement de l'épouse de Djangalo qui continuait de consoler sa fille dans la salle funèbre. Il lui tapota légèrement les épaules, et lui remis deux enveloppes.
La première contenait un papier noirci de mots. À sa lecture, Claire versa encore des lames.
« Le choix de la prévention, c'est le choix de la vie et je n'ai pas su faire ce choix.»
avait signé Djangalo Karidioula.
La deuxième enveloppe contenait un masque, celui que portait son mari comme un collier pour la narguer. Ce masque avait été le témoin auditif et oculaire de ce que Djangalo avait fait et enduré dans les derniers instants de sa vie.
C'était moi, ce masque ! C'est moi le masque, qui ai vu Djangalo agoniser sur son lit d'hôpital, qui ai entendu son dernier soupir, qui lui aurait épargné de la maladie à Covid-19, ce petit maître, si et seulement s'il m'avait porté quand il le fallait.