Tout histoire commence un jour, quelque part.
Mais Père comment commencer si tu ne veux ni du lieu, ni du jour.
Ma grande sœur m’a transmise ta lettre, elle m’a ancré dans mon ancienne conviction. On ne se connait pas, et jamais on ne sera d’accord sur un point.
Tu m’as appelé « Gracieuse Marie ». Mais Père, si tu veux qu’on se reparle un jour, ne me mens pas. Je n’ai aucune grâce. Je suis boulotte, de petite taille, je ne souris jamais, et j’ai la démarche d’un soldat. Toi-même un jour, tu m’as demandé si je souriais avec mes amis, et que tu aimerais me voir sourire un jour. Je t’ai répondu avec moue, que tu as d’ailleurs qualifié de grimace.
Tu me remercies pour l’invitation et m’explique trois raisons pour lesquelles tu ne peux pas l’accepter.
J’aimerais te dire que je n’ai pas invité, ou du moins, à bout de tous les harcèlements de mes grands frères et de ma grande sœur, de ta sœur, et de ma mère, j’ai fini par faire un gros effort. Je regrette que parmi tous tes enfants, tu ne te sois pas mieux occupé de ma grande sœur. Elle doit avoir un coté masochiste, car elle te voue une admiration et un amour incommensurable.
La première raison selon toi est que tu dois me remettre un cadeau qui marquera ma vie à jamais dans le sens positif, et que tu ne peux pas le faire dans un lieu public. Tes ouvriers qui y travaillent ne l’ont pas encore achevé. Moi, je te ferai remarquer que depuis mes quatre ans, je n’aime et je n’aimerais jamais les cadeaux, encore moins les surprises, et les imprévus. Je n’ai jamais su comment les recevoir, ni jouer la comédie de celle qui est contente alors que je ne le suis pas.
La deuxième raison est que l’espace qui doit nous accueillir devra être décoré de ballons multicolores, de fleurs embaumées, il devra aussi y avoir une bouteille de champagne et de la fine pâtisserie. Encore une fois, Père, je n’aime pas les tons multicolores, ni les fleurs. J’aime les motifs géométriques symétriques, aussi les spirales et la suite de Fibonacci. J’aime la répétition. Enfant, l’un de mes jeux favoris était de me regarder dans un grand miroir en tenant un petit entre les mains, et d’essayer de voir combien de répliques de moi, il pouvait y avoir. J’aimes les teintes monochromes. Les fleurs quant à elles, je les ai toujours trouvés inutiles et éphémères. Ton idée de champagne me fait rire, même mes connaissances savent que je ne supporte pas l’alcool. La simple odeur d’un « crémas » d’une bonne sœur me donne le tournis. Pour ta fine pâtisserie, garde-le. Je sais déjà que tu ordonneras à ma grande sœur d’acheter des pâtisseries occidentales a un prix exorbitant. Je les ai tous gouté, je ne les aime pas. Pour moi, rien ne remplace mon « bonbon sirop », ma douce « macosse », ma tablette de noix, et surtout ma pâte de goyave. Je suis attaché à la nourriture locale, et le fait de paraitre arriérée, ou moins éclairée, n’y changera rien.
La troisième raison est que tu dois suivre les docteurs cubains pour tes yeux, que tu n’y vois plus clair, quatre heures de l’après-midi te paraissent trop tard, et tu dois te reposer. Je te ferai remarquer que tu viens régulièrement chez ma grande sœur le soir. Elle habite à moins de cinq cents mètres de moi, alors si tu veux me donner une excuse, ou me mentir, au moins, sois convaincant.
Pour finir, tu me dis que tu m’accompagneras, ma petite sœur et moi, les bras ouverts comme le père du fils prodigue et que contrairement à lui nous ne reparlerons pas du passé, ni des contentieux qui ont occasionné notre rupture. D’ailleurs, ils seront automatiquement éliminés. Ce sont tes mots.
Mais Père, je te ferai remarquer, que ton analogie est mal placée. Je ne t’ai jamais manqué de respect, ni sali ton nom, contrairement à toi faisant fi, de notre société sexiste et misogyne, m’a traité de tous les noms avec ceux qui m’ont connue quand je me baladais encore en culotte, tout comme avec ceux qui ne me connaissent n’y en peintre n’y en peinture. Au contraire, j’ai toujours brillé académiquement, et je n’ai jamais eu de disputes avec quiconque. Quant à Anne, l’année dernière, elle était lauréate de sa promotion avec une moyenne de 83. Nous élevons ton nom. Je te ferai remarquer que le père du fils prodigue l’avait supplié de revenir, s-u-p-p-l-i-é, alors qu’il était dans son droit. Je ne t’espère pas tant venant toi, mais auras-tu le courage d’admettre que pour une fois, tu n’as pas entièrement raison ? Et pour éliminer les contentieux, cela ne dépend pas entièrement de toi.
Tu me parles du contentieux que nous avons eu, je te ferai remarquer que tu t’es fâché et m’a insulté de tous les noms parce qu’au bout d’une semaine d’appel pour une subsistance, tu avais promis à Anne, avec la promesse qu’il pleuve que les tirs t’empêchent d’entendre, tu passerais la voir. Quand, à huit heures, elle ne t’a pas vu. Elle t’a appelé, tu lui as dit pour tout toute réponse que tu n’as pas pu passer, sans explication. Alors qu’elle sait que le taxi qui t’emmenait chez toi passait à deux rues de chez nous. Lasse de tes vaines promesses, elle t’a répondu dans un soupir « de laisser tomber ». Tu lui as raccroché au nez, et a commencé par l’insulter de tous les noms avec tout le monde.
Je t’en ai voulu, elle est une enfant merveilleuse, qui comme moi, tu n’as pas eu le temps de connaitre. Elle est la seule personne qui m’a donné l’amour dont j’avais besoin au moment opportun. Et tu sauras, que tout ce que tu m’as fait m’importait peu, je vis dans mon monde, auquel tu n’y as pas de pouvoir. Mais par contre Anne, y a une grande place, et parce que tu l’as touché, tu m’as touché moi aussi, par transitivité. Et par la même occasion, après toute ces années de torture psychologique, où comme un tyran, on devait te donner raison si on voulait survivre, où je ne t’ai jamais contredit, tu as fait l’unique chose qui pouvait me toucher. Tu as fait souffrir Anne, tu l’as profondément blessé.
Je ne t’ai plus parlé, mais ma mère m’a demandé au nom de son amour pour elle, de t’appeler, pour faire un trait sur le passé. Je l’ai fait, car je l’aime énormément, c’est par son sacrifice que je suis encore là. Tout y est passé, sa jeunesse, son bonheur, tout, afin que l’espoir continue à briller dans mes yeux, et que mes rêves ne soient pas utopiques comme tant d’autres de mon pays.
Quand, on s’est parlé, tu m’as fait remarquer, que « Anne ne sait pas quelles sont tes affaires, elle n’aurait pas dû te demander de laisser tomber », je t’ai fait remarquer que comme nous, tu ne sais pas quelles sont nos affaires quand on mange quand tu sais pertinemment bien qu’on est au chômage. Voilà toute l’affaire, n’est-ce pas ? Si peu de choses. Tu pouvais l’interpréter comme bon te semble, qu’on ait mendié ou vendu notre corps comme tant de jeunes dont tu connais si bien. Est-ce que c’est cette dernière perspective qui t’a énervé ? Que les coups que tu donnais à d’autres, étaient encaissés par tes filles ?
Tu me dis que l’avenir nous réserve de meilleures perspectives. Cette phrase qui n’a jamais eu de sens pour moi, l’est encore plus venant de toi. Quel avenir ? Tu ne nous connais pas. Meilleures perspectives ? Encore faut-il qu’on en ait même des mauvaises aujourd’hui. Et de l’avenir ? Sincèrement, je te vois plus proche de la fin que moi. Mais comme toujours, je pense que tu défieras les statistiques et m’enterra.
Tu espères que je comprenne le bien-fondé de tes remarques. Je pense que mes arguments te montreront ta mauvaise foi.
Pour conclure, tu nous dis que tu nous embrasses très fort. De mes quatre ans, jusqu’à maintenant, à part, quelques baisers, il n’a jamais été question de grandes embrassades entre nous. De toute façon, je n’aime pas qu’on me touche.
Tu nous dis que nous sommes toujours tes amours. Je te le concède, tu nous as toujours appelé tes amours bien que tes actes ne l’aient jamais prouvé. Quand j’étais encore à la faculté, on avait un cours de programmation informatique, je te passe les détails. A un examen, on devait implémenter une fonction qui donnait le maximum des nombres d’une liste. La plupart des étudiants ont appelé leur fonction : « max, maximum ». Après la correction, presque tous ont échoué, leur fonction avait un bug, tout comme moi. Parmi ceux qui l’avait bien implémentée, la fonction la plus efficiente, rapide, avec le moins de code, son programmeur l’avait appelé « toto », il a eu la meilleure note. L’un des étudiants de la salle n’était pas satisfait. La meilleure note ne pouvait être la fonction toto, il a fait savoir au professeur que sa fonction s’appelait « maximum ». Le professeur lui a répondu que peu importait la dénomination, l’essentiel était ce qu’elle faisait et son efficacité. Je te ferai remarquer que tout comme toi, nous appeler tes amours, et d’agir autrement ne fais pas de nous tes amours pour autant.
Ne t’en fais pas, j’ai plein de personnes pour lesquelles je suis leur amour, sans qu’ils ne l’aient à me le dire une fois. J’ai eu des oncles et des tantes, une marraine formidable, des amis, des cousins et cousines, des professeurs, et mêmes des inconnus. Ma mère a voulu combler le vide de ton absence, me surprotégeant, tout comme j’ai peut-être surprotégé Anne.
En post-scriptum, tu nous recommande de lire l’histoire du fils prodigue des saintes-écritures. Encore une fois, si tu me connaissais, tu saurais que depuis mes huit ans, je ne crois plus en ces histoires. Tes saintes-écritures, que je ne trouve nullement saintes, sont pour moi, des histoires de viol, d’esclavage, de meurtre, de guerre, de misogynie, de racisme, de xénophobie, d’homophobie, de manipulation et de génocide. Pour moi, le Dieu d’Israël reste à Israël. Je ne m’étendrais pas plus là-dessus, mais j’ai lu la bible presque intégralement à mes seize ans, afin de m’en faire une opinion finale. Il n’y a que les Cantiques des Cantiques qui méritent d’être lues à mon avis, une belle histoire d’amour et d’érotisme. D’ailleurs, je crois fermement, qu’elles sont là par erreur.
Et enfin, tu nous demandes que pour le prochain rendez-vous, que ce soit à la date et au lieu convenables. Là, je te reconnais, et aussi ton égo surdimensionné. Cela sous-entend, où tu veux et quand tu veux. Tout comme enfant, je trouvais arrogant, les douze commandements du chef affichés, derrière ta chaise, dans ton bureau, afin que quiconque discute avec toi les ait bien en face. Les deux premiers m’ont particulièrement marqué : « Le chef a toujours raison. », « Si ce n’est pas le cas, veuillez-vous référer au premier commandement. ».
Père, tu m’as dit de ne plus jamais remettre les pieds devant chez toi, et plus jamais tu me donneras un centime. Cela date d’il y a trois ans. Crois-moi, je n’ai pas oublié une seule intonation de ta voix, ni une de tes paroles.
Père, si tant est que tu veux commencer une histoire avec moi, ce sera un jeudi, à ce café. Mon jour. Mon lieu.
Mais Père comment commencer si tu ne veux ni du lieu, ni du jour.
Ma grande sœur m’a transmise ta lettre, elle m’a ancré dans mon ancienne conviction. On ne se connait pas, et jamais on ne sera d’accord sur un point.
Tu m’as appelé « Gracieuse Marie ». Mais Père, si tu veux qu’on se reparle un jour, ne me mens pas. Je n’ai aucune grâce. Je suis boulotte, de petite taille, je ne souris jamais, et j’ai la démarche d’un soldat. Toi-même un jour, tu m’as demandé si je souriais avec mes amis, et que tu aimerais me voir sourire un jour. Je t’ai répondu avec moue, que tu as d’ailleurs qualifié de grimace.
Tu me remercies pour l’invitation et m’explique trois raisons pour lesquelles tu ne peux pas l’accepter.
J’aimerais te dire que je n’ai pas invité, ou du moins, à bout de tous les harcèlements de mes grands frères et de ma grande sœur, de ta sœur, et de ma mère, j’ai fini par faire un gros effort. Je regrette que parmi tous tes enfants, tu ne te sois pas mieux occupé de ma grande sœur. Elle doit avoir un coté masochiste, car elle te voue une admiration et un amour incommensurable.
La première raison selon toi est que tu dois me remettre un cadeau qui marquera ma vie à jamais dans le sens positif, et que tu ne peux pas le faire dans un lieu public. Tes ouvriers qui y travaillent ne l’ont pas encore achevé. Moi, je te ferai remarquer que depuis mes quatre ans, je n’aime et je n’aimerais jamais les cadeaux, encore moins les surprises, et les imprévus. Je n’ai jamais su comment les recevoir, ni jouer la comédie de celle qui est contente alors que je ne le suis pas.
La deuxième raison est que l’espace qui doit nous accueillir devra être décoré de ballons multicolores, de fleurs embaumées, il devra aussi y avoir une bouteille de champagne et de la fine pâtisserie. Encore une fois, Père, je n’aime pas les tons multicolores, ni les fleurs. J’aime les motifs géométriques symétriques, aussi les spirales et la suite de Fibonacci. J’aime la répétition. Enfant, l’un de mes jeux favoris était de me regarder dans un grand miroir en tenant un petit entre les mains, et d’essayer de voir combien de répliques de moi, il pouvait y avoir. J’aimes les teintes monochromes. Les fleurs quant à elles, je les ai toujours trouvés inutiles et éphémères. Ton idée de champagne me fait rire, même mes connaissances savent que je ne supporte pas l’alcool. La simple odeur d’un « crémas » d’une bonne sœur me donne le tournis. Pour ta fine pâtisserie, garde-le. Je sais déjà que tu ordonneras à ma grande sœur d’acheter des pâtisseries occidentales a un prix exorbitant. Je les ai tous gouté, je ne les aime pas. Pour moi, rien ne remplace mon « bonbon sirop », ma douce « macosse », ma tablette de noix, et surtout ma pâte de goyave. Je suis attaché à la nourriture locale, et le fait de paraitre arriérée, ou moins éclairée, n’y changera rien.
La troisième raison est que tu dois suivre les docteurs cubains pour tes yeux, que tu n’y vois plus clair, quatre heures de l’après-midi te paraissent trop tard, et tu dois te reposer. Je te ferai remarquer que tu viens régulièrement chez ma grande sœur le soir. Elle habite à moins de cinq cents mètres de moi, alors si tu veux me donner une excuse, ou me mentir, au moins, sois convaincant.
Pour finir, tu me dis que tu m’accompagneras, ma petite sœur et moi, les bras ouverts comme le père du fils prodigue et que contrairement à lui nous ne reparlerons pas du passé, ni des contentieux qui ont occasionné notre rupture. D’ailleurs, ils seront automatiquement éliminés. Ce sont tes mots.
Mais Père, je te ferai remarquer, que ton analogie est mal placée. Je ne t’ai jamais manqué de respect, ni sali ton nom, contrairement à toi faisant fi, de notre société sexiste et misogyne, m’a traité de tous les noms avec ceux qui m’ont connue quand je me baladais encore en culotte, tout comme avec ceux qui ne me connaissent n’y en peintre n’y en peinture. Au contraire, j’ai toujours brillé académiquement, et je n’ai jamais eu de disputes avec quiconque. Quant à Anne, l’année dernière, elle était lauréate de sa promotion avec une moyenne de 83. Nous élevons ton nom. Je te ferai remarquer que le père du fils prodigue l’avait supplié de revenir, s-u-p-p-l-i-é, alors qu’il était dans son droit. Je ne t’espère pas tant venant toi, mais auras-tu le courage d’admettre que pour une fois, tu n’as pas entièrement raison ? Et pour éliminer les contentieux, cela ne dépend pas entièrement de toi.
Tu me parles du contentieux que nous avons eu, je te ferai remarquer que tu t’es fâché et m’a insulté de tous les noms parce qu’au bout d’une semaine d’appel pour une subsistance, tu avais promis à Anne, avec la promesse qu’il pleuve que les tirs t’empêchent d’entendre, tu passerais la voir. Quand, à huit heures, elle ne t’a pas vu. Elle t’a appelé, tu lui as dit pour tout toute réponse que tu n’as pas pu passer, sans explication. Alors qu’elle sait que le taxi qui t’emmenait chez toi passait à deux rues de chez nous. Lasse de tes vaines promesses, elle t’a répondu dans un soupir « de laisser tomber ». Tu lui as raccroché au nez, et a commencé par l’insulter de tous les noms avec tout le monde.
Je t’en ai voulu, elle est une enfant merveilleuse, qui comme moi, tu n’as pas eu le temps de connaitre. Elle est la seule personne qui m’a donné l’amour dont j’avais besoin au moment opportun. Et tu sauras, que tout ce que tu m’as fait m’importait peu, je vis dans mon monde, auquel tu n’y as pas de pouvoir. Mais par contre Anne, y a une grande place, et parce que tu l’as touché, tu m’as touché moi aussi, par transitivité. Et par la même occasion, après toute ces années de torture psychologique, où comme un tyran, on devait te donner raison si on voulait survivre, où je ne t’ai jamais contredit, tu as fait l’unique chose qui pouvait me toucher. Tu as fait souffrir Anne, tu l’as profondément blessé.
Je ne t’ai plus parlé, mais ma mère m’a demandé au nom de son amour pour elle, de t’appeler, pour faire un trait sur le passé. Je l’ai fait, car je l’aime énormément, c’est par son sacrifice que je suis encore là. Tout y est passé, sa jeunesse, son bonheur, tout, afin que l’espoir continue à briller dans mes yeux, et que mes rêves ne soient pas utopiques comme tant d’autres de mon pays.
Quand, on s’est parlé, tu m’as fait remarquer, que « Anne ne sait pas quelles sont tes affaires, elle n’aurait pas dû te demander de laisser tomber », je t’ai fait remarquer que comme nous, tu ne sais pas quelles sont nos affaires quand on mange quand tu sais pertinemment bien qu’on est au chômage. Voilà toute l’affaire, n’est-ce pas ? Si peu de choses. Tu pouvais l’interpréter comme bon te semble, qu’on ait mendié ou vendu notre corps comme tant de jeunes dont tu connais si bien. Est-ce que c’est cette dernière perspective qui t’a énervé ? Que les coups que tu donnais à d’autres, étaient encaissés par tes filles ?
Tu me dis que l’avenir nous réserve de meilleures perspectives. Cette phrase qui n’a jamais eu de sens pour moi, l’est encore plus venant de toi. Quel avenir ? Tu ne nous connais pas. Meilleures perspectives ? Encore faut-il qu’on en ait même des mauvaises aujourd’hui. Et de l’avenir ? Sincèrement, je te vois plus proche de la fin que moi. Mais comme toujours, je pense que tu défieras les statistiques et m’enterra.
Tu espères que je comprenne le bien-fondé de tes remarques. Je pense que mes arguments te montreront ta mauvaise foi.
Pour conclure, tu nous dis que tu nous embrasses très fort. De mes quatre ans, jusqu’à maintenant, à part, quelques baisers, il n’a jamais été question de grandes embrassades entre nous. De toute façon, je n’aime pas qu’on me touche.
Tu nous dis que nous sommes toujours tes amours. Je te le concède, tu nous as toujours appelé tes amours bien que tes actes ne l’aient jamais prouvé. Quand j’étais encore à la faculté, on avait un cours de programmation informatique, je te passe les détails. A un examen, on devait implémenter une fonction qui donnait le maximum des nombres d’une liste. La plupart des étudiants ont appelé leur fonction : « max, maximum ». Après la correction, presque tous ont échoué, leur fonction avait un bug, tout comme moi. Parmi ceux qui l’avait bien implémentée, la fonction la plus efficiente, rapide, avec le moins de code, son programmeur l’avait appelé « toto », il a eu la meilleure note. L’un des étudiants de la salle n’était pas satisfait. La meilleure note ne pouvait être la fonction toto, il a fait savoir au professeur que sa fonction s’appelait « maximum ». Le professeur lui a répondu que peu importait la dénomination, l’essentiel était ce qu’elle faisait et son efficacité. Je te ferai remarquer que tout comme toi, nous appeler tes amours, et d’agir autrement ne fais pas de nous tes amours pour autant.
Ne t’en fais pas, j’ai plein de personnes pour lesquelles je suis leur amour, sans qu’ils ne l’aient à me le dire une fois. J’ai eu des oncles et des tantes, une marraine formidable, des amis, des cousins et cousines, des professeurs, et mêmes des inconnus. Ma mère a voulu combler le vide de ton absence, me surprotégeant, tout comme j’ai peut-être surprotégé Anne.
En post-scriptum, tu nous recommande de lire l’histoire du fils prodigue des saintes-écritures. Encore une fois, si tu me connaissais, tu saurais que depuis mes huit ans, je ne crois plus en ces histoires. Tes saintes-écritures, que je ne trouve nullement saintes, sont pour moi, des histoires de viol, d’esclavage, de meurtre, de guerre, de misogynie, de racisme, de xénophobie, d’homophobie, de manipulation et de génocide. Pour moi, le Dieu d’Israël reste à Israël. Je ne m’étendrais pas plus là-dessus, mais j’ai lu la bible presque intégralement à mes seize ans, afin de m’en faire une opinion finale. Il n’y a que les Cantiques des Cantiques qui méritent d’être lues à mon avis, une belle histoire d’amour et d’érotisme. D’ailleurs, je crois fermement, qu’elles sont là par erreur.
Et enfin, tu nous demandes que pour le prochain rendez-vous, que ce soit à la date et au lieu convenables. Là, je te reconnais, et aussi ton égo surdimensionné. Cela sous-entend, où tu veux et quand tu veux. Tout comme enfant, je trouvais arrogant, les douze commandements du chef affichés, derrière ta chaise, dans ton bureau, afin que quiconque discute avec toi les ait bien en face. Les deux premiers m’ont particulièrement marqué : « Le chef a toujours raison. », « Si ce n’est pas le cas, veuillez-vous référer au premier commandement. ».
Père, tu m’as dit de ne plus jamais remettre les pieds devant chez toi, et plus jamais tu me donneras un centime. Cela date d’il y a trois ans. Crois-moi, je n’ai pas oublié une seule intonation de ta voix, ni une de tes paroles.
Père, si tant est que tu veux commencer une histoire avec moi, ce sera un jeudi, à ce café. Mon jour. Mon lieu.