Partiellement possesseur

« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. » ; Ces mots qu'elle avait crachés amèrement étaient aussi révoltants que révélateurs. Moi qui ne m'étais jamais fait hurler ou même crier dessus, moi qui étais celui considéré comme absolu par tant d'autres, je me faisais passer un savon par une misérable naine. Qu'était ce sentiment qui me transperçait l'âme ? La défaite ? Etait-ce la réalité des choses ? M'étais-je trompé sur tout depuis lustres ma naissance ? A ces questions que je me posais, je n'y trouverai nulle réponse puisqu'en ce moment même, j'avais pire soucis à considérer, je la voyais se reculer dans sa cage, cette même cage dans laquelle je l'avais insérée de mon argent. Et aussi bien qu'elle s'enfonçait dedans, je compris le fin mot de l'histoire : cette femme ne sera jamais mienne.
Voilà à quoi ressemblait notre éternelle et quotidienne altercation. C'en était même lassant ! A chacune de mes demandes, elle répliquait par des mots tranchants. Son intempérance m'exaspérait tellement ! Ainsi se déroulait notre vie de « couple ». Elle, elle m'aimait par nécessité et moi, j'envisageais crédulement qu'une quelconque réciprocité affective naitrait au fil des années... Néanmoins, cela faisait trois ans qu'elle me haïssait et qu'elle m'exécrait encore et toujours. De mon côté, je l'hébergeais, la nourrissais et je tolérais ses caprices sans broncher... D'après vous, qui est le plus misérable ?

Par mon statut de shérif, j'étais littéralement une idole dans le Comté de Colorado. Mon insigne me donnait de grands airs. Et partir en vadrouille était une de mes meilleures excuses pour échapper à la paperasse administrative. Je passais la plupart de mon temps dans les bars notamment le Columbus Wild, mon préféré, où il y avait de quoi languir. J'aimais le spectacle et je savais que j'étais le favori de la gente féminine. Macho me diriez-vous ? Eh bien oui jusqu'à ce que je tombe sur cette énergumène devant la porte du Saloon.
- « Etes-vous riche ? », me demanda-t-elle le regard perçant.
Je l'ignorais royalement préférant détourner mon regard vers mon cheval qui, lui au moins, du haut de ses deux mètres de muscles, n'était pas banal et ne risquait point d'entacher mon image de Dieu. Etonnement, elle poursuivit son interrogatoire, je la laissais donc monologuer. Et ahurissante fin, à notre prochaine rencontre, j'avais succombé à ces « gestes d'attention ». Ces leurres m'étaient si attrayants, ils me faisaient me sentir supérieur, quoi de mieux à quémander ? Mon égo me disait de lui donner sa chance, et pardi cette chance se transforma en quelque chose de plus consistant...

Me marier était une chose que je n'aurais jamais imaginée faire. Pourtant la bague sur mon annulaire gauche était preuve concrète de ma trahison envers mon ancien moi qui n'aurais jamais voulu se poser avec une femme et une seule. Je me consolais donc en me disant que j'étais en possession d'une vie, d'une existence ou si je puisse me permettre d'un Homme. Mais la réalité me rattrapa le lendemain de mes propres noces.
Ma présente femme était en fait une créature aussi bien colérique que désobéissante. Loin de la petite dame qui m'adulait à tout bout de champ, là, devant moi, se tenait tout autre chose. Elle me sondait de son regard froid ; Je pouvais apercevoir du dégoût dans celui-ci. Etait-ce moi le dégoutant de l'histoire ? Je me persuadais que non, je ne suis pas tombé aussi bas, le suis-je ? Pourquoi mon assurance fuit face aux actes de cette femme ?

Ma descente aux enfers ne faisait que commencer. Cette créature qui légalement était ma femme me haïssait ? Pourquoi a-t-elle alors signé le contrat de mariage aux yeux du grand public ? Se moquait-elle du monde ? Ces questions me rendaient fou et il n'y avait guère autre que ma femme pour y répondre. Pourtant, la seule question sur laquelle j'aurais dû méditer était celle qu'elle m'avait posée ce jour premier. Je me détestais maintenant d'avoir ignoré cette unique phrase, cette phrase qui signifiait totalement tout pour elle. Ces mots étaient ceux qui me décrivaient, et pour elle, je n'étais que ces mots, rien de plus rien de moins.
Le sentiment de tristesse à la pensée qu'elle ne m'aimait pas se transforma alors en colère ; Une colère justifiée puisque sans nier l'évidence des choses, je n'étais pas en faute dans cette situation, j'étais même la victime. Elle m'utilisait pour mon argent et de ce fait, il serait équitable d'utiliser à bon escient le fait indéniable qu'elle avait besoin de moi. En d'autres termes, je la possédais, ses propres actions l'ont amenée terrée dans une cage, une cage dont je possédais la clé. Quelle issue tellement ironique pour elle ! Ainsi « Elle » était « ma ».

Redevenu le grand homme d'antan, j'étais convaincu de ma supériorité face à « ma » femme. Je la traitai donc comme elle m'avait traité l'autre fois : d'une manière glaciale et agressive. Sa réponse fut sans détour des plus rapides, elle me détestait encore plus et moi, je me réjouissais de la tournure des événements. En même temps je me considérais maître de la situation et je comptais bien le lui faire savoir de vive voix.
- « J'apprécie beaucoup tes gestes attentionnées envers ma personne mais j'ai peur que cela ne doit cesser de suite », commençais-je d'un ton à la fois ironique et amer.
- « Envisagerais-tu un divorce une semaine même après t'être marié, monsieur le shérif ? », me répondit-elle l'air assuré « Que penserait la ville de tout cela, leur shérif bien aimé n'aurait en fait été qu'un coureur de jupon depuis tout ce temps ? »
Je ne pus m'empêcher un rictus. Décidément, mon assurance débordait ces jours-ci.
- « Je n'ai aucune quelconque intention de divorcer.» Son regard perplexe me fit encore plus sourire. « Je compte bien profiter de MA femme. Et je précise déjà que tu n'es pas disposée à me tutoyer, en outre, je veux te voir t'activer dans les tâches ménagères »
- « Et de quel droit peux-tu m'y obliger ? », s'enquit-elle.
- « Mes droits sur toi subsisteront tant que je t'hébergerai sous ce toit. Tu n'as pas ton mot à dire et je peux très bien te forcer si tu deviens trop oisive pour moi »
- « Tss... Et que ferais-tu si je m'en allais sans avertir ? Ne serai~
- « Tu ne le feras pas » la coupai-je sans peser mes mots. « Tu es bien trop misérable pour y arriver, tellement misérable que tu mourras sans moi à tes côtés, sans argent, sans vivres »
Son silence était un son mélodieux pour moi et mon égo. Je savais qu'elle allait flancher.
- « Vouvoie-moi pour commencer ! J'ajouterai d'autres règles au fur et à mesure », je renchéris sans me soucier de ses ressentis.
- « Tu...Vous pensez pouvoir m'acheter avec votre argent ? », dit-elle haineuse.
- « Tu es bien mal placée pour me dire cela, opportuniste comme tu es, tu t'es fait avoir par ton propre plan »
- « Pour qui vous prenez-vous pour me blâmer de vouloir vivre aisément ma vie ? »
- « Maintenant que tu as avoué tes réelles prétentions envers moi, je peux en faire de même. Je serai ton maître à compter d'aujourd'hui et toi, tu m'es disposée. », affirmai-je fièrement.
- « Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. », siffla-t-elle de rage « Je veux bien faire le ménage et autres, cela me semble assez honnête mais vous ne me contrôlerez jamais de sorte à ce que je sois votre femme. Etre servante est bien plus valorisant que de vivre de cette relation sans sentiment et juste à bénéfices »
La cogner ? Je n'aurai jamais eu recours à cette barbarie. Ses paroles montraient bien qu'elle était habituée à « côtoyer » des hommes riches. Mais moi, je ne m'étais pas encore lassée d'elle. Ma dignité résidera donc dans le fait que je n'userai d'aucune violence à son égard. Et je comptais bien préserver ma dignité car qu'« Elle » ne m'appartienne que par le biais de ses services me suffisait, cela me satisfaisait amplement.