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Histoires Jeunesse :
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- 8-11 Ans (Cycle 3)
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- Imaginaire - Cycle 3
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- Les Monstres - Cycle 3
Être chasseuse de fantômes, ce n'est pas un métier facile. Mais être chasseuse de vaisseaux fantômes ? C'est incroyablement difficile... et terriblement excitant.
Je m'appelle Éva, j'ai 14 ans, et je viens tout juste d'obtenir mon diplôme de chasseuse de fantômes. Je l'ai décroché lors de ma dernière mission aux côtés de mon mentor au centre pénitentiaire situé sur l'astéroïde G-41 abandonné après une mutinerie des prisonniers il y a soixante ans. Notre succès là-bas a fait office d'examen final. Aujourd'hui, me voilà prête pour ma toute première mission en solo.
Un vaisseau fantôme, c'est un vaisseau spatial victime d'un incident tragique : une collision, une panne, une erreur de navigation qui l'a condamné à dériver pour l'éternité... Les membres de l'équipage et les passagers meurent, mais leurs esprits, effrayés par le vide de l'espace qui les entoure, refusent de quitter le bord. Ils restent là, bloqués, hantant le vaisseau et agissant comme s'ils étaient toujours vivants. Cela peut durer éternellement si personne n'agit.
Quand un vaisseau fantôme est repéré, on envoie un adolescent, entre 14 et 17 ans. Pourquoi pas un adulte ? Parce que les esprits détestent les grandes personnes. Leur présence les rend agressifs, presque fous. Les enfants, en revanche, ils les ignorent presque. On pourrait même envoyer des plus jeunes mais, imaginez un gamin de six ans, seul, dans un vaisseau hanté ! Non merci.
Ma mission ? Secourir un paquebot spatial abandonné depuis cent quarante-deux ans. Mon objectif ? Remplacer le circuit de navigation, le réinitialiser et activer le pilote automatique pour qu'il rentre sur Terre. Cela permettra aux esprits de trouver enfin le repos.
Je suis surexcitée à l'idée d'explorer cet immense vaisseau à moi toute seule ! Après avoir arrimé ma navette, je me précipite vers les portes. À leur ouverture, je sursaute : je me trouve nez à nez avec un garçon en uniforme.
— Salut, dit-il avec un sourire. Je m'appelle Zack. Zack Kinz.
— Quoi ? je m'exclame, déçue. Tu es qui, toi ? Et qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je suis chasseur, comme toi. C'est le QG qui t'envoie ? Je pensais qu'ils n'avaient pas encore repéré ce vaisseau.
— Tu veux dire que tu es venu ici sans ordre de mission ?
— Disons que je suis tombé dessus par hasard. Lors de ma dernière mission sur un cargo, j'ai entendu le fantôme du capitaine parler d'un vieux paquebot à la dérive. Ça m'a intrigué. J'ai fouillé le journal de bord et j'ai trouvé sa trace. Alors... me voilà.
— Et au lieu de prévenir le QG, tu as décidé de venir faire ton enquête, tranquille ?
— Exactement.
— Tu sais que c'est contraire au règlement ?
— Tout à fait. Mais ce qui compte, c'est d'aider ces esprits à rentrer chez eux.
Je soupire, agacée. Moi qui me réjouissais d'explorer seule... Je me mets en marche dans le couloir, affichant la carte du vaisseau sur la manche de ma combinaison.
— Depuis combien de temps es-tu là, Zack ?
— Quelques heures. Je me promenais, c'est tout. Je ne sais même pas ce qui a causé la panne.
Je sors un minuscule circuit imprimé de mon sac.
— D'après le rapport, c'est le circuit de navigation. Il a grillé, probablement à cause d'une éruption de pulsar. J'ai un modèle neuf. Il suffit de l'installer.
— Tout ça à cause de ce petit truc ? s'étonne Zack.
À une intersection, deux enfants surgissent en courant, leurs rires résonnant dans le couloir vide. Malgré mon entraînement, mon cœur fait un bond dans ma poitrine et je me plaque contre le mur en les observant. Leurs visages flous semblent figés dans une expression de joie... trop figée. Puis, sans ralentir, ils traversent une porte métallique.
Les pauvres, ils n'ont même pas conscience d'être morts. Ils méritent la paix. Et seul un retour sur Terre peut la leur offrir.
— La salle de contrôle est au sommet du vaisseau, j'ai indiqué en consultant la carte. Il faut passer par le Grand Hall.
— Parfait ! dit Zack. Je te suis. Après tout, c'est ta mission. Moi, je ne suis qu'un... touriste.
— Un parasite, tu veux dire, je lui lance en souriant.
Nous traversons le vaste hall principal du vaisseau, nous faufilant entre des milliers de spectres qui se pressent autour de nous. Les lustres poussiéreux et les sculptures aux couleurs fanées se dressent dans la pénombre, témoins silencieux d'un passé révolu. Contrairement aux enfants insouciants rencontrés plus tôt, ici, les visages des fantômes sont distordus par une terreur muette, comme s'ils étaient conscients du drame qui les a frappés.
Ce sont ces spectres rongés par la peur et la rancœur qui s'en prennent aux adultes. Je sais que je ne risque rien, pourtant mes yeux restent obstinément fixés au sol, comme si ce simple geste pouvait m'offrir une protection. C'est l'instinct qui parle, le même qui pousse à s'agripper de toutes ses forces au harnais d'un grand huit, en sachant pertinemment que cela ne change absolument rien.
Une fois dans l'ascenseur, alors que je nous croyais enfin sortis de ce piège spectral, le fantôme d'un mécanicien paniqué fait irruption. Il répète inlassablement la même phrase :
— Le vaisseau est perdu. On va tous mourir. Le vaisseau est perdu. On va tous mourir...
Je détourne aussitôt les yeux vers Zack, adossé contre la paroi. Il me fixe, étrangement calme.
— Et toi, tu pilotes quoi ? me demande-t-il, ignorant superbement la présence du spectre.
— Un Hybride 800, réponds-je, tout en surveillant du coin de l'œil le fantôme qui se triture les doigts, le regard hypnotisé par les chiffres des étages défilant sur l'écran.
— Jamais entendu parler. Moi, j'ai un Falcon 300.
— Sérieux ? Ce vieux coucou vole encore ? Je croyais qu'ils avaient été interdits à cause de leurs moteurs défectueux.
— Personne ne m'empêchera de voler avec mon bébé, répond-il avec un clin d'œil.
La salle de commande est vide. Je remplace le circuit, active le système de retour. Le vaisseau vibre doucement, prêt à rentrer chez lui, ses passagers fantomatiques à son bord.
Zack et moi profitons du reste du temps pour explorer le vaisseau ensemble. Nous découvrons une piscine asséchée dans laquelle nagent, en apesanteur, des familles heureuses, puis une salle de cinéma qui diffuse encore de vieux films en 4D suprême, à peine immersifs.
Nous nous amusons même à imiter les démarches des spectres que nous croisons ; le premier qui rit a perdu. Nous partageons nos expériences, nos peurs, nos fous rires. Finalement, je suis contente de ne pas être seule. Zack est plutôt cool.
Avant de partir, on se fait la promesse de faire notre prochaine mission ensemble.
De retour dans ma navette, je contacte le QG pour faire mon rapport. Quand je mentionne ma rencontre avec Zack Kinz, la réponse tombe, glaciale :
— Zack Kinz ? De quoi tu parles, Éva ? Le chasseur Zack Kinz a disparu... il y a plus de trente ans.
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Illustration : Mathilde Ernst