« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres, mais je ne vous appellerai pas maître ». Sur ces propos, a été construite une nouvelle perspective, a été édifié un nouveau panorama. Pour Julia, c'est enfin la fin ! La fin d'une histoire qui n'a connu qu'un début.
C'était l'histoire des Libanaises et des Libanais. D'un pays dont le centre était le cèdre. Il l'était. « Ken », comme le dit-on en libanais. « Sar men akhawat kana », fameuse expression libanaise pour dire que c'est du passé... Il y a une trentaine d'année, il a cédé la place à une bande de voyous ! Hautement, je le dis ! « Réveillez-vous ! Avouez-le ! Acceptez-le ! », s'est écriée Julia. Personne n'est maître ! La liberté ? Ce n'est pas un concept, une théorie ! C'est une manière d'être, une manière de faire, une manière de dire. Bref, une manière de vivre. Un choix ? Un état !
Au fait, Julia était là-bas. Étalée, par terre. À un poil près, paralysée. Ses cinq sens ? Ils ne fonctionnaient plus. Elle voyait une brume sanglante autour d'elle. Auteur d'eux. Par milliers, étaient-ils. Certes, elle est arrivée à percevoir quelques mots. Des bribes de cris. Des « Akh » ! Des « Ya 3adra » ! Des « Allahou Akbar » ! Dans ce vacarme, il n'y a plus cette dichotomie ! Celle du « nous » et du « vous ». Il y a un « nous » d'un pouvoir hors commun. N'est-il pas chelou ? Je me pose la question. On nous l'a toujours dit. On a toujours tranché entre deux êtres : entre le Nous et le Vous, le Eux. Julia aussi. Mais, à ce moment-là, plus jamais !
Elle suffoquait. Elle voulait secours. Qui l'entendait ? Qui la repérait ? À gauche, des sirènes gémissaient. Mais, c'était encore loin, aussi profond. Quelque part. On ne sait où. Au-dessus, à droite, en bas, se dessinaient des visages ripoux qu'elle connaissait bien. Hallucinait-elle ? En haut, il pleuvait des fenêtres, des portes, des vitres, des murs, des chaises,... de tout ! Là-bas, il y avait un cadre où monsieur le voyou souriait pour le caméraman. Un autre ici. Un autre à côté. On les traitait de sauveurs. Messieurs, Mesdames, les voyous ! En fin de compte, les voici, eux aussi, sous ces ruines. Des ruines matérielles néanmoins humaines surtout.
Julia n'en pouvait plus. Elle a levé le pied droit. Le pied gauche, lui, est resté en mode attente. Quant aux mains, totalement désactivées, elles étaient dépourvues de toute force. Elle essayait. Réessayait. Rien. Zéro. Compte à rebours ?
Les chants des oiseaux, les rues vivaces, les gens enthousiastes, les restos douillets,...
Zéro. Tout était à Zéro.
En 2020, « un souffle a été ressenti à des dizaines de kilomètres à la ronde » comme le rapporte France info. En août, le soleil s'est peu à peu éloigné. Les vagues méditerranéennes frissonnaient de peur. Le 4 août, le petit coquillage, planté sur le sable, rougeâtre, était pacifique, serein et calme. Tout d'un coup, il a commencé à mouvoir, à remuer. Soudainement, il s'est précipité pour gagner sa vie. Il l'a tout de suite deviné. L'heure est venue.
Le mardi 4 août, une lueur étrangère, abracadabrante voire insolite, se cachait derrière cette porte en métal. Un brouhaha.
Un portail semblable au mur de Berlin. Ayant un avenir qui n'est guère le même. À Berlin, ce n'était qu'une barricade qui séparait pratiquement le côté Est du côté Ouest de la ville, du pays. Toutefois, au pays des cèdres, la question n'est nullement une question de séparation physique. Encore plus. C'est une question de vie et de mort. D'être et de ne pas être. De ne plus être.
Deux. À l'extérieur, les soupirs s'inter mêlaient. Un. Elle, il, puise toutes ses forces pour sauver. Sauver qui ? Sauver quoi ? De qui ? De quoi ? Ça lui est égal. Son cœur battait fort. Son cœur battait hardiesse, audace, courage... À l'intérieur,... Boom. Porte ouverte. Zéro.
Le mardi 4 août 2020. L'explosion à Beyrouth Nous a ravagé(e)s.
L'affolement des sœurs, des frères, des pères, des mères est là. Où es-tu chéri(e) ? Encore en vie. Il sait quoi faire, où aller, où se cacher, mon garçon le sait très bien. Phrase répétée par une mère, deux mères, trois mères, toutes les mères. Elles avaient espoir.
Sans pieds ? Et alors ? En vie. Sans mains ? Et alors ? En vie. Sans corps. N'importe ! Mais en vie ! Un dernier câlin peut-être. Elles voulaient caresser leurs enfants, savourer leurs odeurs... Un aurevoir sans doute. Mais une fois ! Une seule fois ! Une seconde de rien du tout ! « Je vous en prie... Monsieur, Madame, voyous... »
Zéro. Elles. Ils ne sont plus ! De même pour Julia... Elle n'est plus. Abattue, dévastée, démolie,... Un, deux, trois jours sont passés. Le naufrage l'absorbait. Elle est essoufflée, asphyxiée. Elle a tellement souffert. Des guerres, elle en a vu. Des crimes, elle en a rapporté. Des traces brutales même fatales se faufilent entre ses immeubles, entre ses bars, entre ses magasins,... Voilà, elles témoignent d'un passé troublant ! Nostalgique ? Douloureux. Dramatique. Depuis son plus jeune âge, elle espérait le mieux et pour elle et pour ses enfants. Elle séduisait tout le monde.
Des hommes de lettres, des hommes fous de voyage, fous d'aventure. Ils y ont séjourné.
Ses rues étaient dessinées avec finesse et justesse, par le biais d'une plume, au moyen de massettes, pareilles à celles de Michel-Ange et de Picasso.
Ses citoyens de tout âge, de toute génération, l'appréciaient, l'adoraient. Dans cette maison, cet immeuble, çà-et-là de ce bord, on ramassait les sourires qui osaient survoler les vérandas d'une étroitesse grandiose. Certes, étroites, mais renfermant une bonté infinie. Au cœur, elles avaient un air convivial grâce à Aida, grâce à Rita, grâce à Ali, grâce à Hussein, grâce à Nous.
Je ne sais vraiment quoi dire, quoi rajouter. Cette explosion a couronné une série d'histoires horribles. La coupe est pleine. Désastre répétitif, total. Alors ? Quoi de nouveau ? Julia le savait ! Elle le devinait de chaque mot qui a été prononcé. Et surtout, ce maudit mot qu'est le mot maître. Auparavant, le mot maître avait une langue qui lui était propre. Il parlait à chacun. Il parlait à chacune. De chacun. De chacune. Dans les rues, les ruelles, les grandes places, tout le monde criait maître. Mon maître est le meilleur, affirme-t-on. Il m'a donné quelques sous dont j'ai besoin pour les travaux de goudronnage sur une portion de routes de 10 kilomètres. Grandiose ! Le nôtre, il est encore meilleur. Il a offert une somme d'argent aux gens pour qu'ils puissent subvenir à leurs besoins. Les Libanais passent par une période difficile sur le plan économique éminemment. « Allo ? Kahloun ? », chanson feirousienne connue. Très propice pour décrire l'absurdité de l'idéologie des Libanaises et des Libanais. Tiens Julia. Prends l'appareil. Dis-leur ! Le keum qu'ils nomment maître, est corrompu. Voyou ? N'est-ce pas toi qui a tué ma sœur ? N'est -ce pas à cause de toi que j'ai perdu mon frère ?
Julia est morte à cause de ce monsieur considéré comme maître. Julia, Beyrouth, la ville qui a été tuée, écœurée, égorgée par ces gens qu'on a nommés un jour « maîtres ».
C'était l'histoire des Libanaises et des Libanais. D'un pays dont le centre était le cèdre. Il l'était. « Ken », comme le dit-on en libanais. « Sar men akhawat kana », fameuse expression libanaise pour dire que c'est du passé... Il y a une trentaine d'année, il a cédé la place à une bande de voyous ! Hautement, je le dis ! « Réveillez-vous ! Avouez-le ! Acceptez-le ! », s'est écriée Julia. Personne n'est maître ! La liberté ? Ce n'est pas un concept, une théorie ! C'est une manière d'être, une manière de faire, une manière de dire. Bref, une manière de vivre. Un choix ? Un état !
Au fait, Julia était là-bas. Étalée, par terre. À un poil près, paralysée. Ses cinq sens ? Ils ne fonctionnaient plus. Elle voyait une brume sanglante autour d'elle. Auteur d'eux. Par milliers, étaient-ils. Certes, elle est arrivée à percevoir quelques mots. Des bribes de cris. Des « Akh » ! Des « Ya 3adra » ! Des « Allahou Akbar » ! Dans ce vacarme, il n'y a plus cette dichotomie ! Celle du « nous » et du « vous ». Il y a un « nous » d'un pouvoir hors commun. N'est-il pas chelou ? Je me pose la question. On nous l'a toujours dit. On a toujours tranché entre deux êtres : entre le Nous et le Vous, le Eux. Julia aussi. Mais, à ce moment-là, plus jamais !
Elle suffoquait. Elle voulait secours. Qui l'entendait ? Qui la repérait ? À gauche, des sirènes gémissaient. Mais, c'était encore loin, aussi profond. Quelque part. On ne sait où. Au-dessus, à droite, en bas, se dessinaient des visages ripoux qu'elle connaissait bien. Hallucinait-elle ? En haut, il pleuvait des fenêtres, des portes, des vitres, des murs, des chaises,... de tout ! Là-bas, il y avait un cadre où monsieur le voyou souriait pour le caméraman. Un autre ici. Un autre à côté. On les traitait de sauveurs. Messieurs, Mesdames, les voyous ! En fin de compte, les voici, eux aussi, sous ces ruines. Des ruines matérielles néanmoins humaines surtout.
Julia n'en pouvait plus. Elle a levé le pied droit. Le pied gauche, lui, est resté en mode attente. Quant aux mains, totalement désactivées, elles étaient dépourvues de toute force. Elle essayait. Réessayait. Rien. Zéro. Compte à rebours ?
Les chants des oiseaux, les rues vivaces, les gens enthousiastes, les restos douillets,...
Zéro. Tout était à Zéro.
En 2020, « un souffle a été ressenti à des dizaines de kilomètres à la ronde » comme le rapporte France info. En août, le soleil s'est peu à peu éloigné. Les vagues méditerranéennes frissonnaient de peur. Le 4 août, le petit coquillage, planté sur le sable, rougeâtre, était pacifique, serein et calme. Tout d'un coup, il a commencé à mouvoir, à remuer. Soudainement, il s'est précipité pour gagner sa vie. Il l'a tout de suite deviné. L'heure est venue.
Le mardi 4 août, une lueur étrangère, abracadabrante voire insolite, se cachait derrière cette porte en métal. Un brouhaha.
Un portail semblable au mur de Berlin. Ayant un avenir qui n'est guère le même. À Berlin, ce n'était qu'une barricade qui séparait pratiquement le côté Est du côté Ouest de la ville, du pays. Toutefois, au pays des cèdres, la question n'est nullement une question de séparation physique. Encore plus. C'est une question de vie et de mort. D'être et de ne pas être. De ne plus être.
Deux. À l'extérieur, les soupirs s'inter mêlaient. Un. Elle, il, puise toutes ses forces pour sauver. Sauver qui ? Sauver quoi ? De qui ? De quoi ? Ça lui est égal. Son cœur battait fort. Son cœur battait hardiesse, audace, courage... À l'intérieur,... Boom. Porte ouverte. Zéro.
Le mardi 4 août 2020. L'explosion à Beyrouth Nous a ravagé(e)s.
L'affolement des sœurs, des frères, des pères, des mères est là. Où es-tu chéri(e) ? Encore en vie. Il sait quoi faire, où aller, où se cacher, mon garçon le sait très bien. Phrase répétée par une mère, deux mères, trois mères, toutes les mères. Elles avaient espoir.
Sans pieds ? Et alors ? En vie. Sans mains ? Et alors ? En vie. Sans corps. N'importe ! Mais en vie ! Un dernier câlin peut-être. Elles voulaient caresser leurs enfants, savourer leurs odeurs... Un aurevoir sans doute. Mais une fois ! Une seule fois ! Une seconde de rien du tout ! « Je vous en prie... Monsieur, Madame, voyous... »
Zéro. Elles. Ils ne sont plus ! De même pour Julia... Elle n'est plus. Abattue, dévastée, démolie,... Un, deux, trois jours sont passés. Le naufrage l'absorbait. Elle est essoufflée, asphyxiée. Elle a tellement souffert. Des guerres, elle en a vu. Des crimes, elle en a rapporté. Des traces brutales même fatales se faufilent entre ses immeubles, entre ses bars, entre ses magasins,... Voilà, elles témoignent d'un passé troublant ! Nostalgique ? Douloureux. Dramatique. Depuis son plus jeune âge, elle espérait le mieux et pour elle et pour ses enfants. Elle séduisait tout le monde.
Des hommes de lettres, des hommes fous de voyage, fous d'aventure. Ils y ont séjourné.
Ses rues étaient dessinées avec finesse et justesse, par le biais d'une plume, au moyen de massettes, pareilles à celles de Michel-Ange et de Picasso.
Ses citoyens de tout âge, de toute génération, l'appréciaient, l'adoraient. Dans cette maison, cet immeuble, çà-et-là de ce bord, on ramassait les sourires qui osaient survoler les vérandas d'une étroitesse grandiose. Certes, étroites, mais renfermant une bonté infinie. Au cœur, elles avaient un air convivial grâce à Aida, grâce à Rita, grâce à Ali, grâce à Hussein, grâce à Nous.
Je ne sais vraiment quoi dire, quoi rajouter. Cette explosion a couronné une série d'histoires horribles. La coupe est pleine. Désastre répétitif, total. Alors ? Quoi de nouveau ? Julia le savait ! Elle le devinait de chaque mot qui a été prononcé. Et surtout, ce maudit mot qu'est le mot maître. Auparavant, le mot maître avait une langue qui lui était propre. Il parlait à chacun. Il parlait à chacune. De chacun. De chacune. Dans les rues, les ruelles, les grandes places, tout le monde criait maître. Mon maître est le meilleur, affirme-t-on. Il m'a donné quelques sous dont j'ai besoin pour les travaux de goudronnage sur une portion de routes de 10 kilomètres. Grandiose ! Le nôtre, il est encore meilleur. Il a offert une somme d'argent aux gens pour qu'ils puissent subvenir à leurs besoins. Les Libanais passent par une période difficile sur le plan économique éminemment. « Allo ? Kahloun ? », chanson feirousienne connue. Très propice pour décrire l'absurdité de l'idéologie des Libanaises et des Libanais. Tiens Julia. Prends l'appareil. Dis-leur ! Le keum qu'ils nomment maître, est corrompu. Voyou ? N'est-ce pas toi qui a tué ma sœur ? N'est -ce pas à cause de toi que j'ai perdu mon frère ?
Julia est morte à cause de ce monsieur considéré comme maître. Julia, Beyrouth, la ville qui a été tuée, écœurée, égorgée par ces gens qu'on a nommés un jour « maîtres ».